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— Nom de Dieu de merde, merde, merde, merde.

Le troisième policier de la DST s’était arrêté pour dégager son arme. Horrifié, il vit le tueur l’ajuster soigneusement. Il n’entendit pas la détonation, mais eut l’impression qu’on lui donnait un énorme coup sur la tête. Il ne sut jamais qu’une balle blindée venait de lui arracher un morceau de boîte crânienne avec un peu de cerveau. Le visage inondé de sang, il tomba en tournant sur lui-même, la main encore crispée sur la crosse de son arme qui n’avait pas servi.

Toujours aussi calme, le tueur rentra dans le fourgon blanc qui démarra aussitôt, s’éloignant en direction des pistes.

* * *

Farid Badr guettait son complice. Il le vit franchir les guichets de l’immigration, le cœur battant, et se diriger vers les bagages. De la terrasse surélevée où il se trouvait, le Libanais avait une vue excellente. Il commença à observer tous les gens présents, cherchant à détecter une présence policière. Plusieurs personnes attendaient en sa compagnie.

Une femme le bouscula légèrement et il se retourna. La terreur se répandit en lui à la vitesse d’une déflagration nucléaire. Son regard photographia deux mains croisées, levées à la hauteur du visage comme pour prier, ornées de plusieurs bagues. Quelque chose qui ressemblait à un stylo dont on aurait ôté l’embout était serré entre les doigts, avec le trou noir dirigé contre le Libanais. Derrière, il aperçut, un peu flous, deux yeux noirs maquillés de bleu, de minces sourcils et des cheveux noirs.

— Non !

Pouf. La légère détonation se perdit dans le brouhaha. Farid Badr rejeta la tête en arrière, éprouva une douleur fulgurante à l’œil droit et son cerveau, transpercé par le projectile de 6.35, cessa de fonctionner…

La femme décroisa paisiblement les mains, laissant tomber à terre le stylo-pistolet, et se détourna, s’éloignant sans se presser. Personne ne s’aperçut tout de suite que le Libanais était tombé à terre. Lorsqu’un de ses voisins se pencha sur lui, la meurtrière s’était depuis longtemps perdue dans la foule…

* * *

— God damn it !

Chris Jones jura entre ses dents. Des rubans rouges renforcés par un cordon de CRS isolaient la scène du triple meurtre où des marques à la craie détouraient les trois cadavres. Les gens de l’Identité judiciaire travaillaient déjà d’arrache-pied. L’un d’eux se rapprocha du directeur de la PAF[13].

— On a retrouvé les douilles ! précisa-t-il. Du 9mm parabellum, fabriqué en Tchécoslovaquie. Il n’a tiré que six fois, toujours dans la tête. Un sacré professionnel… Ils n’ont pas eu une chance. D’après les témoins, l’arme pourrait être un Skorpio tchèque.

Une voiture avec un gyrophare déboucha en faisant hurler sa sirène et stoppa. Il en sortit le directeur de la Police nationale accompagné de son chef de cabinet. Il alla s’incliner devant les cadavres puis se fit expliquer les événements.

— Le fourgon TWA ? Vous avez fait des recherches ? interrogea-t-il aussitôt.

— On l’a retrouvé, précisa le Commissaire divisionnaire chargé de l’aéroport. À deux kilomètres d’ici, le long du grillage d’enceinte. Abandonné. Il avait été volé ce matin.

— Et ses occupants ?

— Disparus. Des complices les attendaient sûrement de l’autre côté. Personne n’a rien vu.

Le représentant du FBI attaché à l’ambassade américaine à Paris traduisait pour Chris Jones et Milton Brabeck au fur et à mesure. Les visages des trois Américains étaient plutôt sombres. Comme ratage, c’était pas mal. Les quarante krytrons étaient dans la nature et trois morts de plus s’ajoutaient aux deux de Berchtesgaden…

— Nous tenons le convoyeur, précisa le représentant de la PAF.

— Qui est-ce ?

— Un Tunisien, dont nous n’avons pas encore la véritable identité. Il voyageait avec un passeport iranien. Le consulat d’Iran prétend qu’il s’agit d’un faux, mais il paraît authentique.

— Vous l’avez interrogé ?

— Succinctement. Il dit ignorer le contenu de la valise. Il pensait qu’il s’agissait de drogue. Il a reçu dix mille dollars pour le transport. Il les a encore en liquide sur lui.

— Que devait-il faire de la valise ?

— La remettre à Farid Badr qui devait le contacter à l’hôtel Concorde.

Chris Jones secoua la tête. Farid Badr ne contacterait plus personne. Avec une balle dans la tête, on avait du mal à parler et à bouger.

— Pouvons-nous le voir ? demanda le représentant du FBI.

— Bien sûr.

Le petit convoi officiel remonta l’escalier extérieur menant à la passerelle. On commençait à enlever les trois cadavres des policiers. Milton Brabeck secoua la tête et glissa à l’oreille de Chris Jones.

— Si on avait été en bas, ces trois types seraient encore vivants.

— T’en sais rien ! répliqua le second « gorille ». Ces types avaient tendu un piège vachement sophistiqué. Si ça se trouve, il y avait un autre gars en couverture qui n’est pas intervenu…

Il n’avait pas fini de parler qu’un CRS arriva en courant, un attaché-case à la main.

— Nous avons trouvé ceci près de l’avion, posé sur le sol, annonça-t-il.

Le Divisionnaire regarda l’objet et l’ouvrit, imprudemment d’ailleurs. Le petit groupe resta médusé d’horreur. À l’intérieur, il y avait un pistolet-mitrailleur MP 5 équipé d’un silencieux, fixé par des attaches. L’extrémité du canon correspondait à un trou sur le côté. Un ressort sur la poignée commandait le tir… Un tueur inconnu s’en était débarrassé sans s’en être servi…

— Tu as vu ! soupira Milton. Si on avait été en bas, nous serions à côté des trois autres… On n’aurait même pas eu le temps d’attraper le sida.

Chris Jones ne sourit même pas. Ils atteignirent la terrasse isolée de la foule. Un policier avait fouillé Farid Badr sans rien trouver dans ses poches, sauf une clef du Concorde… Il tendit au Directeur général de la Police une sorte de stylo.

— Voilà l’arme du crime.

Le représentant du FBI l’examina aussi. C’était très simple. Un stylo un peu ventru dont on aurait ôté le bout. Il le dévissa et la douille de cuivre apparut. Du 6,35. Il suffisait de tirer une tige et il était armé. En appuyant sur l’agrafe de ce faux stylo, on déclenchait le percuteur. Un seul coup pratiquement sans recul. Tiré à bout portant, cela suffisait. Comme disent les Israéliens, il ne faut pas un obus de 155 pour tuer un homme.

— C’est fabriqué au Pakistan, commenta l’agent du FBI. Aucun numéro, aucune chance de remonter la piste. Il y en a des milliers en circulation.

Le silence retomba. Le commando chargé de récupérer les krytrons avait bien travaillé, éliminant toute piste possible. L’homme mort qui se trouvait à leurs pieds détenait le secret de l’opération. Le comparse entre les mains de la police française ne leur en apprendrait pas plus.

Le représentant du FBI tira Chris Jones par la manche.

— Allons à l’ambassade. Je crois qu’on a un certain nombre de télex à envoyer. Ça va gueuler à Whashington.

Les deux « gorilles » le suivirent, la tête basse, persuadés d’avoir démérité. Ils auraient presque préféré être morts.

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13

Police de l’Air et des Frontières.