Выбрать главу

Jack Ferguson alluma une cigarette.

— Ce n’est pas tout, enchaîna-t-il. J’ai de la peine à croire qu’un Service soit prêt à vous tuer, simplement pour qu’on ne puisse pas remonter jusqu’à eux. On saura de toute façon un jour qui était le commanditaire de Farid Badr. Je me demande si cette Pamela Balzer n’est pas en possession d’une information capitale qu’elle pourrait nous livrer. Sans même s’en rendre compte.

— Vous devez avoir raison, dit Malko.

L’Américain hocha la tête :

— Dans ce cas, il faut plus que jamais la « tamponner ». Vous ne pouvez pas imaginer la pression que Langley met sur moi… rien que pour ces foutus krytrons. Alors, s’il y a autre chose… La Maison-Blanche a l’ambassade d’Israël sur le dos toute la journée. Bien entendu, ils se déchargent sur Langley qui m’appelle pour me demander où j’en suis…

» Alors, où en êtes-vous ?

— Je vais vous le dire, promit Malko, mais auparavant, on pourrait peut-être tenter de retrouver cette BMW. Je possède une partie du numéro.

Jack Ferguson transmit le numéro à sa secrétaire en lui demandant d’appeler leur correspondant dans la police autrichienne. Dès qu’il eut terminé, Malko entreprit de lui raconter son « montage » avec Mandy Brown et le bal costumé. L’Américain ne parut pas goûter le sel de la situation outre mesure. Évidemment, ce n’était pas classique.

— C’est vraiment sérieux votre truc ? interrogea-t-il. Cela me paraît un peu léger.

— Mandy Brown ferait parler un mort, expliqua Malko. Et elle connaît Pamela. Elles ont tourné dans le même milieu à Londres. Elles vont se raconter leurs petites histoires. Parmi ses clients, Pamela en a de dangereux. Ce sont eux qui sont derrière tout cela. Elle va en parler à Mandy. Et vous savez que, par les moyens classiques, nous ne tirerons rien de cette fille. En plus, comme elle choisit bien ses amants, elle a des protections politiques.

— OK, admit Jack Ferguson, j’espère que vous obtiendrez un résultat. Tous nos moyens sont derrière vous.

J’en aurai besoin, dit Malko. Il y a déjà six morts, je n’aimerai pas être le septième. Mais en ce qui concerne les krytrons, j’ai l’impression qu’ils sont déjà loin.

— Si nous identifions ceux qui les ont volés, il y aura un moyen de pression diplomatique, dit l’Américain, et cela fera un os à jeter aux schlomos…

La secrétaire frappa et déposa sur le bureau un papier. Jack en prit connaissance et leva la tête avec une expression étonnée.

— Il existe une BMW grise, immatriculée W432 850. Elle appartient à la délégation irakienne de l’OPEP…

Malko remarqua suavement.

— C’est la seconde fois que l’on parle de l’OPEP. Bien que vous vous obstiniez à jurer que ce sont les Iraniens…

Je ne comprends plus rien, bougonna le chef de station. Ce n’est peut-être pas la même voiture.

— Elko l’a touchée au pare-brise, remarqua Malko, ça laisse des traces. On pourrait aller vérifier.

* * *

Les bâtiments de l’OPEP se trouvaient dans UNO-City[16], sur l’île coincée entre le Vieux Danube et le Nouveau Danube, sorte de canal parallèle au fleuve. En face, sur Wagramerstrasse se trouvait un parking de six étages, réservé aux fonctionnaires de cet organisme, plein d’une centaine de voitures.

Malko, escorté de Chris et de Milton, prit l’ascenseur jusqu’au dernier étage et ils commencèrent leur exploration.

Regardez, dit Malko, cela va être facile.

Chaque parking était numéroté avec l’immatriculation du véhicule correspondant. Au troisième étage, ils trouvèrent ce qu’ils cherchaient. Malko eut un petit choc au cœur en revoyant la plaque de la BMW grise qui était parquée au milieu des autres véhicules. Il avança dans la travée pour examiner la BMW. Rien, pas la moindre éraflure de peinture.

— Hé ! fit soudain Chris Jones qui regardait l’avant, vous avez vu qu’elle n’a plus de pare-brise, cette tire.

C’était tellement énorme que Malko ne l’avait pas remarqué. Il passa la main à l’intérieur. Effectivement, le pare-brise avait disparu ! Soigneusement enlevé. On distinguait encore quelques morceaux de glace sécurit dans la gaine de caoutchouc. Mais au premier regard, la voiture semblait normale, d’autant que le pare-brise faisait face au mur.

— C’est celle-là ! dit Malko.

Il ouvrit la boîte à gants et en tira les papiers du véhicule. Celui-ci était immatriculé au nom de la Délégation permanente de la République irakienne auprès de l’OPEP. Il remit en place les documents.

— Nous ne trouverons rien de plus ici, fit-il. Mais il faut que vous restiez en planque pour voir qui va s’en servir. Ils ne peuvent pas la laisser dans cet état…

— Ça commence, soupira Chris Jones !

Pour la première fois, ils avaient un indice tangible autre que Pamela Balzer. Milton Brabeck murmura.

— Si ce sont les mêmes qu’à Roissy, il va y avoir du sang sur les murs.

Chris et Milton se garèrent en vue de l’entrée du parking dans Wagramerstrasse et Malko héla un taxi : la chasse était vraiment commencée.

* * *

Ibrahim Kamel transpirait dans une cabine de la poste centrale de Vienne. Il avait beau parler arabe en langage codé, son interlocuteur était sûrement sur écoute. Seulement, il n’avait pas le choix. Après avoir décrit son attaque ratée, il attendit l’habituelle bordée de reproches et la subit sans coup férir. Ensuite, il demanda humblement :

— Quels sont les ordres maintenant ?

À l’autre bout du fil, Tarik Hamadi réfléchissait ferme. Jusque-là, grâce à la férocité de ses réactions, la situation était verrouillée. Cependant, la partie européenne de l’opération Osirak ne serait bouclée qu’une dizaine de jours plus tard. Durant ce laps de temps, il était encore vulnérable à une contre-attaque de ses ennemis israéliens et américains. Déjà, l’incident de Roissy avait déclenché pas mal de vagues. Il en était fier et avait déjà reçu les félicitations codées du chef de l’État irakien. Ses Services avaient fait d’une pierre trois coups : récupérer – ce qui était le plus important – les krytrons, à la barbe des Américains et des Français, éliminer la seule personne qui connaissait le mécanisme de l’affaire et aurait pu parler. Enfin, économiser cinq millions de dollars qui devaient être versés à Farid Badr. Il avait utilisé pour l’éliminer une des exécutrices travaillant pour la cellule la plus secrète de ses services, celle chargée de l’élimination des ennemis personnels de Saddam Hussein. Tout cela l’incitait à une certaine indulgence envers Ibrahim Kamel qui avait merveilleusement organisé l’attaque de Roissy grâce à leur base parisienne.

Celui-ci attendait patiemment la décision de son chef.

— Fais disparaître la voiture, ordonna ce dernier. Tout de suite.

— Et pour elle ?

Elle, c’était Pamela Balzer. Ibrahim Kamel n’en avait rien à faire. Il l’aurait bien sautée, mais c’était la maîtresse occasionnelle de son chef direct. Donc intouchable.

Tarik Hamadi ne répondit pas immédiatement. Pamela Balzer n’avait jusque-là jamais été mêlée à ses opérations. Quand il venait à Vienne, il la « chartait » pour un temps plus ou moins long. Lorsque le général Saadoun Chaker avait séjourné dans la capitale autrichienne, Pamela avait été utilisée avec une de ses copines, car le patron des Services Spéciaux irakiens aimait bien les plaisirs sophistiqués. Il réalisait maintenant avoir commis une imprudence mortelle en la mettant en contact avec Georges Bear, l’autre filière de l’opération Osirak. Aujourd’hui, Tarik Hamadi se mordait les doigts de lui avoir offert ce jouet. Car Pamela était la seule personne à savoir qu’il existait un lien étroit entre Georges Bear et Tarik Hamadi. Cette simple information, si elle filtrait, pouvait déclencher une catastrophe. Donc, Pamela représentait un risque potentiel énorme pour l’opération Osirak. D’un autre côté, elle n’avait aucune raison de le trahir. D’autant que le prêt de sa Volvo à Ibrahim la rendait complice d’un meurtre. En plus, Tarik lui envoyait beaucoup de clients. Seulement, elle pouvait, sans s’en rendre compte, livrer la précieuse information qu’elle détenait. Puisqu’il savait par Pamela elle-même qu’elle avait été « tamponnée » par un agent notoire de la CIA.

вернуться

16

Cité de l’ONU.