Son outil de travail.
Pour Pamela, il avait pensé utiliser une autre méthode. Plus douce. Et moins bruyante.
Après avoir longuement hésité, il se dit qu’il devait quand même tenter sa chance.
Pamela Balzer fut surprise d’entendre une voix inconnue la demander. Elle pensait qu’il s’agissait d’Ibrahim Kamel.
— Qui êtes-vous ? demanda-t-elle, méfiante.
— Peu importe, répondit l’homme qui lui parlait, la voix déformée par un mouchoir posé sur le récepteur. Je veux juste vous avertir d’un danger. Quelqu’un va venir vous voir dans quelques minutes. Il a l’intention de vous tuer. Ne le laissez pas entrer.
L’inconnu raccrocha avant qu’elle puisse poser une simple question. Au même moment, son interphone couina. Elle alla répondre encore sous le coup de cet étrange coup de fil. Son instinct de fille des rues lui disait qu’il ne s’agissait pas d’une blague. Elle décrocha l’interphone :
— Oui ?
— C’est Ibrahim Kamel.
Pamela laissa s’écouler quelques secondes. Hésitante. Puis, elle prit sa voix la plus douce pour dire.
— Ah, Ibrahim ! Je suis désolée de vous avoir fait venir pour rien. Je me suis déjà couchée, je ne me sens vraiment pas bien et j’attends un médecin. Est-ce que vous pouvez repasser demain ?
— Demain ? Elle sentit le désarroi dans la voix de l’Irakien.
Ce dernier insista gentiment, mais fermement.
— C’est que demain, je serai à l’OPEP, je n’en ai pas pour longtemps…
— De quoi s’agit-il ?
Pris de court, il ne répondit pas tout de suite.
Immédiatement, Pamela Balzer fut certaine que son correspondant mystérieux avait dit la vérité. C’est d’une voix plus cassante qu’elle lança.
— Ibrahim, je ne peux vraiment pas vous voir. Demain, si vous voulez. Bonsoir.
Elle raccrocha l’interphone, ferma à double tour, mit sa chaîne et alla chercher dans un secrétaire un petit pistolet Beretta doré à la feuille. Cadeau d’un marchand d’armes qui avait partagé sa vie quelques semaines. C’était un bijou, mais parfaitement capable de tuer un homme. Elle fit monter une balle dans le canon et le posa à côté d’elle. Elle alla ensuite dans la cuisine, fit tomber plusieurs glaçons dans un verre, versa du Cointreau dessus et revint dans la chambre. Au passage elle mit un disque compact des « Gypsys Kings » dans la chaîne Akaï et s’allongea, le cœur battant. Ne comprenant pas ce qui lui arrivait. Depuis qu’elle avait quitté le Cachemire, elle avait souvent eu à fuir, pour des raisons diverses, brouillant chaque fois sa piste, se reconstituant un passé. À Vienne, elle avait bien espéré poser son sac.
Pourquoi se retrouvait-elle en danger ?
— Cet enfoiré vient de repartir, annonça Chris. Qu’est-ce qu’on fait ? Ils se tirent.
— Laissez faire, dit Malko. Mais restez là.
Il raccrocha et composa de nouveau le numéro de la call-girl. Qui répondit en une fraction de seconde. Pamela était donc vivante. Malko écouta sa respiration quelques secondes et raccrocha. Les autres ne reviendraient pas : elle se méfiait. Maintenant commençait une mortelle lutte contre la montre. Il fallait confesser Pamela Balzer avant que les Irakiens ne la liquident. Car ils allaient sûrement recommencer leur tentative.
Chapitre VII
Malko avait beaucoup de mal à faire admettre à Chris Jones que des lunettes de soleil Ray-Ban n’allaient pas avec un jabot de dentelles et un justaucorps… Le « gorille » se regardait dans la glace, furieux et décontenancé. Le déguisement d’époque ne faisait pas partie de la formation du Secret Service. Milton Brabeck ricana devant son alter ego.
— Je vais faire de chouettes photos de toi. On les épinglera sur le tableau de service à Langley… Quand tu nous emmerderas…
— Ta gueule, fit Chris Jones, résigné. J’attends de voir en quoi tu vas être…
Ils se trouvaient tous chez le plus grand loueur de costumes de Vienne dans Theaterstrasse. Alexandra n’avait réapparu que pour faire ses valises. Ce qui valait peut-être mieux provisoirement : Malko était dans l’obligation absolue de se rendre au bal d’Amboise avec Mandy la Salope. Plus que jamais, il fallait arracher son secret à Pamela Balzer. Personne n’avait plus eu de nouvelles des krytrons et Langley continuait à appliquer la pression maxima pour obtenir des résultats.
Pamela Balzer était déjà partie avec Kurt de Wittenberg par la route. Sans que Malko sache ce qui s’était produit exactement la veille au soir. Avait-il été victime de son anxiété ou les Irakiens avaient-ils vraiment voulu tuer Pamela ? Si ces derniers ne faisaient plus confiance à la jeune call-girl, ils n’hésiteraient pas à l’éliminer. Le loueur troubla la réflexion de Malko en lui présentant un superbe costume oriental : un turban doré, une chemise amarante, des pantalons bouffants en fausse panthère, des bottes et une veste de velours noir brodée d’or.
— Soliman le Magnifique, sultan de l’empire ottoman, annonça-t-il.
— Ça me va très bien, dit Malko. Vous n’avez pas un déguisement du même ordre en moins rutilant ?
Le loueur exhuma une tenue de soie jaune avec une large ceinture rouge, un turban et des babouches.
— Voici un janissaire !
C’était parfait pour Elko Krisantem. Le Turc était du voyage. Avec les Irakiens, deux précautions valaient mieux qu’une. Les essayages reprirent. Finalement, Chris et Milton trouvèrent deux justaucorps en velours noir avec les hauts-de-chausses assortis et de superbes fraises. C’est encore là-dedans qu’ils étaient le moins ridicule… Le problème, c’est qu’ils éclataient dedans…
— Cela ne fait rien, assura le loueur viennois, vous les coudrez sur vous au dernier moment…
Elko Krisantem se regardait dans une glace. Calculant déjà comment il pourrait dissimuler son Astra dans la large ceinture de son costume. Son turban à aigrette était splendide. Chris et Milton se regardèrent, consternés.
— Si jamais un type veut me photographier, je le tue, annonça Milton Brabeck.
Si la situation n’avait pas été aussi grave, Malko aurait éclaté de rire. Ils emballèrent les costumes et les accessoires puis quittèrent la boutique. Le vol pour Paris quittait Vienne trois heures plus tard. Première tâche : récupérer Mandy Brown à Roissy. Pourvu qu’elle n’ait pas oublié ou changé d’avis. Malko n’avait pas osé la rappeler.
Chris Jones prit Malko à part, avant de monter dans la voiture.
— Vous voulez vraiment qu’on vienne ? souffla-t-il. Il ne se passera rien là-bas.
C’était bien la première fois qu’il renâclait à l’ouvrage. Malko le fixa gravement.