Malko réalisa que ce modeste hors-d’œuvre ne suffirait pas à la calmer. Il fit glisser les deux épaulettes, faisant retomber le haut de la robe jusqu’aux hanches. Encore un petit effort et le cuir s’enroula à mi-cuisse, découvrant entièrement la croupe de Mandy Brown. Malko se pencha à son oreille :
— Tu te rappelles Abu Dhabi ?
La vue de Mandy à demi déshabillée dans cette position soumise avait achevé de l’enflammer. Il ne fallait pas lui laisser le temps de reprendre ses esprits. Il se cala entre la banquette arrière et le plancher et, en dépit du tangage, parvint à s’enfoncer d’un coup dans le ventre de Mandy, la maintenant par les hanches.
La jeune femme poussa un rugissement.
— Arrête ! Je n’ai pas envie de baiser !
Elko Krisantem avait de plus en plus de mal à garder son regard fixé sur la route.
Malko, bien abuté dans la jeune femme, commença à bouger lentement. À chaque coup de reins, la tête de Mandy heurtait la portière et elle rugissait de fureur. Hélas, les jambes entravées par la robe, elle ne pouvait pas faire grand-chose. Mais c’était diantrement excitant. Peu à peu, il sentit une houle légère animer le bassin de sa partenaire et comprit que Mandy la Salope était de retour… Elle cessa d’abord de glapir, se contentant de grogner. Puis ses grognements prirent une tonalité différente.
Malko se retenait. Maintenant, il sentait le sexe inondé et brûlant resserré sur le sien et savait, à son rythme respiratoire, que Mandy Brown approchait de l’orgasme. Il fallait tenir jusque-là… Au prix d’une performance acrobatique, il réussit à faufiler quelques doigts dans l’endroit le plus sensible, ce qui déclencha un feulement ravi.
Heureusement, l’autoroute traversait la Beauce et la Mercedes 600 filait tout droit, sans un cahot. Des petites secousses ébranlèrent les hanches de Mandy, elle feula de plus en plus fort pour exploser dans un hurlement de parturiente, les mains crispées sur l’accoudoir. Juste au moment où Malko se déversait en elle… Heureusement que Krisantem était d’une discrétion exemplaire. Malko pria silencieusement saint Georges pour que cette entorse aux bonnes manières ait un résultat positif. La seule personne capable d’extorquer la vérité à Pamela Balzer était Mandy Brown.
Il se rassit sur la banquette, pour se rajuster. Mandy, toujours agenouillée de guingois, se retourna vers lui, le regard encore flou.
— Salaud ! Tu m’as fait jouir. Avec toi, c’est automatique.
Après un bon orgasme, on pouvait lui demander n’importe quoi. Malko prit sa main et la baisa.
— Moi aussi, j’ai merveilleusement joui.
Elle haussa les épaules.
— Tu m’as filé un bas…
En se tortillant, ils parvinrent à remettre la robe en place et les seins de Mandy dans la robe… Congestionnée, encore haletante, elle posa sa tête sur l’épaule de Malko.
— Tu es un salaud, mais je t’aime bien. Alors, balance ton truc maintenant.
— Tu ne vas pas te jeter par la portière.
— Non, si tu promets de me rebaiser là-bas.
— Juré.
— Alors, raconte.
Malko s’exécuta, ne passant sous silence que les six meurtres. Inutile de l’affoler. Et conclut.
— Il faut découvrir qui sont les deux hommes avec qui elle se trouvait au Bristol.
Mandy Brown prit une cigarette dans un étui, qui devait peser un kilo d’or sans les diamants, l’alluma, puis dit pensivement.
— Déjà, à Londres, elle connaissait pas mal d’Arabes. Mais elle était très discrète. Je ne vois pas ce qu’elle peut faire dans ton histoire. Mais si elle sait quelque chose, elle me le dira.
— Ne lui parle surtout pas de moi.
— Elle va nous voir ensemble…
— Non, dès l’arrivée, nous nous séparerons. Il y a quatre cents personnes et il fera nuit. C’est toi qui viendras me retrouver dès que tu sauras quelque chose.
— OK.
Mandy ramassa son diadème tombé à terre dans la bagarre et le remit sur sa tête, se regardant dans la glace de l’accoudoir.
— La prochaine fois, dit-elle, tu me baiseras avec ce truc sur la tête, ça m’excite. J’ai l’impression d’être Catherine de Russie. Il paraît que c’était une grande salope.
Ibrahim Kamel donna un brusque coup de frein. Une fois de plus, il venait de prendre le mauvais embranchement. Depuis vingt-quatre heures, il vivait un cauchemar. Il lui avait fallu des trésors de ruse pour apprendre où se rendait Pamela Balzer. Ses correspondants parisiens avaient fini par découvrir l’adresse dans un journal. Maintenant, il zigzaguait dans les petites routes de Touraine, son complice Mahmoud à côté de lui, muet comme une carpe. Leurs instructions étaient simples : trouver Pamela Balzer et la liquider immédiatement, quelles que soient les circonstances. Et si l’agent viennois de la CIA se trouvait là aussi, lui faire subir le même sort. Ils n’avaient pas trouvé de costumes pour se déguiser, se contentant d’emporter des vestes blanches de maître d’hôtel. Dans une grande réception, on arrivait toujours à se faufiler…
— Tu crois qu’on va trouver ? demanda Mahmoud.
— Bien sûr, si tu arrives à lire cette putain de carte.
Il bifurqua vers la Loire. Il n’était plus qu’à une vingtaine de kilomètres de son objectif. Après l’action, ils devaient se réfugier à l’ambassade d’Irak à Paris et attendre les ordres.
Tarik Hamadi était tellement nerveux qu’il avait exigé qu’on lui téléphone toutes les deux heures. Ce qui n’arrangeait pas les choses.
Médusés, Chris Jones et Milton Brabeck contemplaient l’arrivée de Léonard de Vinci dans un superbe hélicoptère blanc. Le gros Bell oscillait au-dessus de la pelouse du château, descendant lentement vers le sol, où l’attendaient des cavaliers en costume d’époque.
— C’est dingue ! murmura Milton Brabeck. On se croirait à Hollywood.
Finalement, les deux Américains s’étaient habitués à leurs pourpoints de velours noir se terminant par des hauts-de-chausses moulant des cuisses et des mollets monstrueux. Seuls les fraises et les drôles de bérets ornés de plumes les gênaient un peu…
La fête des Saint-Brice était somptueuse. Quatre cents invités en costume Renaissance se pressaient autour du château de brique rouge où les héraults équipés de longues trompettes annonçaient les événements de la soirée. Plusieurs bars offraient à boire sur l’esplanade dominant la pelouse où s’ébattaient divers montreurs d’ours, baladins et autres amuseurs.
Les femmes, surtout, étaient magnifiques, avec des robes au décolleté pigeonnant, s’évasant en vastes traînes, des coiffures sophistiquées, des rangs de perles mêlés aux cheveux. Il y avait même une religieuse à l’expression provocante, inhabituelle chez un personnage de sa qualité… Plusieurs prêtres égrillards et même un superbe évêque plus vrai que nature. Plus bas, au fond de la pelouse, les tables étaient dressées en carré avec une simple planche de bois et un couteau : au XVIe siècle, ni les assiettes, ni l’argenterie n’existaient…
Malko échangea un sourire avec un jeune page blond – une ravissante jeune femme aux cheveux courts avec une culotte bouffante et un balconnet de dentelles – qui buvait, adossée à un coin de mur. Son déguisement à lui, en Soliman le Magnifique était parfait, des bottes au turban. Il avait glissé, sous son pourpoint grenat, son pistolet extra-plat. Elko Krisantem ne le quittait pas d’une semelle. En janissaire de la Sublime Porte, avec un turban moins chatoyant que celui de son maître, la large ceinture dissimulant son Astra, il n’était pas mal non plus. Personne n’avait prêté la moindre attention à l’arrivée des quatre hommes admis grâce à l’invitation de Malko. Ce dernier tourna la tête et aperçut Mandy Brown en train de traverser la pelouse.