— Mais quel cadre ! apprécia Malko. Même le personnel est en costume, n’est-ce pas ?
— Tout à fait !
— Il m’a semblé voir un maître d’hôtel en blanc, pourtant…
— C’est tout à fait impossible, trancha le maître de maison. Je n’en ai engagé aucun.
— Donc, je me suis trompé, conclut Malko.
Il prit congé et regagna le château en courant. L’homme qu’il avait vu ne pouvait être qu’un intrus. Étant donné ce qui s’était passé à Vienne, il y avait de fortes chances que ce soit un Irakien. Il savait que ceux-ci tenteraient de nouveau de liquider Pamela, mais il n’avait pas imaginé qu’ils la suivraient à Amboise. Plus que jamais, il fallait retrouver Pamela Balzer. Avant qu’on l’assassine sous son nez.
Chapitre IX
Pamela Balzer semblait s’être évanouie ! De plus, entre l’obscurité relative et les centaines d’invités qui n’arrêtaient pas de se déplacer, c’était chercher une aiguille dans une botte de foin. Malko tomba nez à nez avec Chris Jones dans un des salons du château. Milton Brabeck lui aussi avait disparu.
— Vous n’avez vu personne en veste blanche ? demanda Malko. J’ai peur que ce soit un des Irakiens.
— Holy shit ! s’exclama le « gorille », j’en ai vu un tout à l’heure, avec un plateau, mais je n’ai pas fait la liaison.
Où ?
— Dans l’aile des cuisines.
Malko regarda autour de lui, réfléchissant. Après le dîner, Pamela s’était levée. Où avait-elle pu aller ? Soit avec des amis, soit aux toilettes qui se trouvaient dans le château. Il fallait reprendre la piste à cet endroit. Et fouiller le parc avant qu’il ne soit trop tard. Il repartit. Chris Jones sur ses talons. Elko avait disparu, avec mission d’inspecter les chambres du haut. Malko tâta machinalement son pistolet extra-plat sous son pourpoint. Son sixième sens lui criait que la présence de cet homme en veste blanche représentait un danger.
Pamela Balzer ne cherchait pas les toilettes, mais un téléphone. Sa conversation avec Mandy Brown l’avait intriguée, autant que l’étrange avertissement, la veille de son départ de Vienne. Un danger rôdait autour d’elle, sans qu’elle comprenne pourquoi. Elle voulait parler à Tarik Hamadi. Lui demander des explications et surtout le menacer. Ici, elle se sentait en sécurité au milieu de ces centaines de personnes, mais il faudrait bien revenir à Vienne.
Elle ouvrit plusieurs portes sans trouver ce qu’elle cherchait et redescendit, regrettant d’avoir laissé filer Mandy et son fiancé. Elle n’avait en réalité accepté que pour pouvoir donner ce coup de fil.
Sans le vouloir, elle se retrouva au bord de l’esplanade, et emprunta un sentier qui descendait le long de la pelouse et devait rejoindre celui menant au parking. Là, il y avait des voitures équipées de téléphone et si cette salope de Mandy était en train de se faire sauter par Kurt, c’était le moment d’y aller voir. Pamela marchait rapidement, tournant le dos à la fête. Soudain, une silhouette surgit devant elle. Un maître d’hôtel en veste blanche. D’abord, elle se demanda ce qu’il faisait là, puis voulut le contourner, lorsqu’il prononça son nom.
— Miss Balzer !
Elle posa le regard sur lui et reconnut immédiatement un des amis d’Ibrahim Kamel. Un flot d’adrénaline se rua dans ses artères et elle eut du mal à prononcer quelques mots distincts.
— Qu’est-ce que vous faites là ?
Instinctivement, elle recula vers les lumières du château. L’Irakien lui adressa un sourire qui se voulait rassurant.
— Je vous cherchais, Miss Balzer. Mr Tarik voudrait s’entretenir au téléphone avec vous. C’est urgent.
— Où ?
— Nous avons une voiture dans le parking, avec le téléphone.
En une fraction de seconde, Pamela Balzer fut de nouveau certaine que le mystérieux avertissement de Vienne était fondé… Et que cet Arabe était là pour la tuer.
— Allez lui dire que cela peut attendre ! Je l’appellerai demain matin.
Elle pivota et se prépara à revenir vers le château. Maintenant, elle avait vraiment peur. L’Irakien lui emboîta le pas. Dans l’ombre, elle ne pouvait voir s’il avait une arme, mais submergée par la panique, elle lança.
— Foutez-moi la paix ou j’appelle.
Menace vaine. Les musiciens, devant le château, faisaient un vacarme infernal.
Elle accéléra, entendit les pas pressés de l’Irakien et, au moment où elle se retournait, il lui sauta à la gorge.
Elko Krisantem était en train, lui aussi, de descendre le long de la pelouse, quand il entendit le cri de Pamela. Cela venait de tout près ! Il se précipita dans la direction de l’appel et aperçut, trente mètres plus loin, deux formes enlacées qui luttaient dans l’herbe.
En se rapprochant, il distingua un homme en veste blanche en train d’étrangler une femme allongée sur le dos qui se défendait de toutes ses forces ! Son lacet était déjà dans sa main. Il déboula silencieusement et, avec délicatesse, le passa autour du cou de l’homme, puis serra d’un coup sec. Il y eut un gargouillis affreux et Selim eut l’impression qu’on lui tranchait la gorge. Il lutta pour se dégager quelques secondes, réalisa que c’était impossible et lâcha le cou de Pamela Balzer. Se demandant qui l’attaquait avec cette férocité… Son adversaire lui envoya un violent coup de genou dans le dos, le catapultant à plat ventre, puis lui tomba sur les épaules et se mit à serrer de plus belle. Selim sentit qu’il n’en avait plus pour longtemps à vivre.
Avec l’énergie du désespoir, il glissa une main vers sa ceinture et tenta de saisir son pistolet. Pamela Balzer s’était relevée et courait comme une folle vers le parking, avec une seule idée en tête : quitter ce piège mortel. Elle se retourna et vit les deux hommes toujours en train de lutter…
Malko qui se trouvait un peu plus haut, sur la pelouse, avait entendu faiblement le cri de Pamela. Il s’élança en diagonale vers les arbres, Chris Jones sur ses talons. Tandis qu’ils couraient ; un homme en veste blanche, chauve, l’air affolé, émergea d’un groupe d’invités et partit à vive allure vers le bas de la pelouse où les tables étaient encore dressées. Chris Jones poussa un rugissement.
— Holy Cow, c’est le type qui voulait buter la petite à Vienne.
Malko hésita, mais le plus urgent était de secourir Pamela Balzer, s’il en était encore temps.
— Suivez-le, lança-il à Chris Jones. Je vais voir ce qui se passe.
L’Américain culbuta presque un des invités en longue robe de cour bordeaux, qui regarda avec ébahissement ce géant tout en noir, un Beretta 92 au poing.
Selim arriva à dégager sa main droite et brandit son pistolet en direction de son agresseur. Elko Krisantem le vit à temps et se rejeta en arrière. Le coup partit, la détonation l’assourdit, mais le projectile alla se perdre dans les frondaisons du parc.
D’un coup violent sur le poignet, il fit tomber l’arme de son adversaire. Et, presque du même mouvement, il lui rabattit le visage dans l’herbe. Il avait gardé les deux extrémités de son lacet dans la même main. Vexé par cette riposte inattendue, il reprit les deux bouts et serra, mettant du cœur à l’ouvrage. En quelques secondes, Selim se mit à tressauter, ses pieds grattèrent le sol. Il eut un grand sursaut, avant de s’immobiliser, les mains crispées dans l’herbe.
Définitivement.
Elko Krisantem fit coulisser son lacet avec précaution, retourna à demi le corps pour examiner le visage déjà noirâtre et se redressa, regardant autour de lui.