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Un homme arrivait en courant. Rentrant vivement son lacet, il prit l’Astra dans sa ceinture, fit monter une balle dans le canon et se planqua derrière un arbre… Quand Malko passa devant lui, il siffla légèrement et sortit de sa cachette.

— Elko ! s’écria Malko, qu’est-ce qui s’est passé ? C’est vous qui avez tiré ?

— Non, dit le Turc, c’est lui. Pourvu que le coup de feu n’alerte pas les organisateurs de la fête !

Il montrait le corps allongé dans l’herbe.

— Il essayait d’étrangler la fille.

— Où est-elle ?

— Partie par là.

Il désignait le fond du parc. Les deux hommes dévalèrent le sentier à toute allure. Passant devant quelques couples qui s’étaient isolés pour continuer un flirt commencé pendant le dîner. Debout contre un arbre, une dame de cour se faisait trousser énergiquement par un faux évêque… Celui qui avait en vain poursuivi Mandy Brown toute la soirée.

Arrivés à la lisière du petit bois qui séparait la pelouse du parking, Malko et Krisantem s’arrêtèrent quelques instants, à côté des tables desservies du festin. La rumeur de la fête, tout en haut de la pelouse, autour du château leur parvenait faiblement. Le coup de feu tiré par l’Irakien ne semblait pas avoir déclenché de panique.

Pamela Balzer avait disparu. Le seul endroit où elle avait pu se diriger était le parking. Au moment où ils allaient se remettre en route, la silhouette gigantesque de Chris Jones surgit des arbres.

— Le type est dans le parking, annonça-t-il. Je l’ai perdu entre les bagnoles.

Malko eut l’impression de recevoir le contenu d’un seau d’eau glacée. Pamela se trouvait dans le parking, elle aussi ! Avec un tueur visiblement décidé à la liquider.

— Pamela Balzer aussi s’y est réfugiée, lança-t-il.

Ils se lancèrent tous les trois à travers le bois, coupant pour gagner du temps. À chaque seconde, Malko s’attendait à entendre un coup de feu. Tout en se demandant quel secret détenait Pamela Balzer pour que les Irakiens mettent autant d’acharnement à la supprimer.

Il déboucha le premier sur la vaste pelouse où étaient garées une centaine de voitures et s’arrêta pour écouter.

Les échos d’une violente discussion lui parvinrent aussitôt.

— Séparons-nous, dit-il à Chris et Elko. Il faut retrouver cet Irakien.

Lui se dirigea vers le lieu de la discussion, louvoyant entre les voitures. En se rapprochant, il reconnut le timbre aigu de Mandy Brown en train d’égrener des injures d’une obscénité raffinée. Interrompue par une voix plus grave qui lança.

— Tu n’es qu’un garage à bites !

Pamela Balzer avait un accent faubourien prononcé, mais savait manier la métaphore… Continuant sa progression, il découvrit les deux femmes, face à face, à côté de sa Mercedes. Mandy Brown était nue, à part ses bas, sa belle robe de cuir sur le bras, le diadème de travers. Ses fesses cambrées faisaient une tache claire dans la pénombre. Pamela, elle, arborait une tenue normale. Malko comprit immédiatement la raison de leur différend en apercevant une silhouette, tassée contre la voiture, en train de se rajuster hâtivement : Kurt de Wittenberg, le « fiancé » de Pamela Balzer.

Muet comme une carpe.

— Et tes Arabes ! hurla Mandy Brown déchaînée, ils ne t’ont pas filé le sida ? Tu te souviens de l’Iranien que tu as plombé, à Londres… Il a failli perdre ses couilles.

Pamela Balzer, devant cet outrage verbal, se rua, griffes en avant avec un rugissement de fauve.

* * *

Ibrahim Kamel, le pouls à 150, s’arrêta quelques instants pour calmer les battements de son cœur. Sa main tremblait tellement qu’il était incapable de tirer. Les pensées s’entrechoquaient dans sa tête. Rien ne se passait comme prévu. Lorsqu’il avait entendu le coup de feu, il avait pensé que Selim avait enfin abattu leur « cible ».

Puis, il avait vu surgir Pamela Balzer, alors qu’il se dissimulait entre les voitures du parking pour échapper à l’homme qui le poursuivait ! Il s’était éloigné tout doucement, parvenant à ne pas la perdre de vue, assistant à ses « retrouvailles » avec son fiancé et l’autre femme. Maintenant, il était en position parfaite pour abattre la jeune call-girl. Il valait mieux se dépêcher : les adversaires lancés à sa poursuite allaient surgir d’un moment à l’autre.

Il prit dans sa poche revolver son énorme Skorpio, l’arma tout doucement et se mit en position de tir, s’appuyant sur le toit d’une voiture pour mieux viser. Ce qui n’était pas aisé, les deux femmes n’arrêtaient pas de bouger…

* * *

Pamela Balzer saisit à pleines mains les cheveux de Mandy Brown, avec l’intention affichée de les lui arracher, touffe par touffe. Mandy n’hésita pas, baissant la tête, elle planta ses dents dans la poitrine de Pamela ! Hurlement… Les deux femmes oscillèrent quelques instants puis tombèrent à terre entre les voitures. À l’instant précis où claquaient plusieurs détonations.

Le feu d’artifice tiré de derrière le château avait commencé et éclairait par intermittence le parking de lueurs multicolores. La voiture voisine fut criblée de projectiles et ses glaces explosèrent sous les impacts. Kurt poussa un cri aigu et s’aplatit contre la carrosserie de la Mercedes. Le bruit n’avait pas arrêté les deux furies qui luttaient à terre, emmêlées comme des pieuvres, dans un crissement de tissu déchiré. Toutes à leur pugilat, elles avaient dû croire que les détonations provenaient du feu d’artifice…

Bientôt, il ne resta plus rien du beau costume de Pamela Balzer. Mandy Brown se redressa et, se servant de la lourde robe de cuir comme matraque, se mit à taper comme une sourde sur sa rivale, l’abreuvant d’injures et de coups de pied. L’autre dut se réfugier sous la Mercedes, toute honte bue. Mandy Brown, très digne, se tourna alors vers le fiancé de Pamela, enfila les jambes dans sa robe et demanda d’une voix de duchesse.

— Kurt darling, veux-tu remonter ma fermeture ?

* * *

Malko, son pistolet extra-plat au poing, progressait dans l’ombre, le cœur tapant contre ses côtes. Ce qu’il avait entendu était une rafale de pistolet-mitrailleur. Combien il y avait-il de tueurs dans le parking ? Où était Chris Jones ? Et Milton Brabeck ? Et Elko ? Il s’arrêta pour examiner les lieux et aperçut soudain un homme noyé dans l’ombre d’une voiture, non loin de la Mercedes. Sa veste blanche faisait une tache claire dans la pénombre… Se rapprochant, Malko distingua dans sa main droite un énorme pistolet avec un chargeur recourbé : un Skorpio tchèque, muni d’un chargeur de 32 cartouches…

Sa gorge se noua : il arrivait trop tard ! Les coups de feu qu’il venait d’entendre avaient été tirés sur Pamela Balzer. Pourtant plusieurs éléments ne collaient pas. D’abord, sa mission accomplie, le tueur irakien aurait dû filer. Or, il était toujours là, attendant de toute évidence quelque chose. De plus, Mandy Brown et Kurt de Wittenberg n’auraient pas été aussi détendus devant le cadavre de Pamela Balzer.

Une gerbe de fusées éclata dans le ciel du côté de château et il réalisa que les coups de feu s’étaient noyés dans le bruit des pétards. Mais où était Pamela Balzer ?

Il progressa un peu, en direction de Kamel. Impossible de tirer car l’Irakien était dans l’alignement des deux autres. Kurt de Wittenberg achevait de remonter la fermeture de la robe de cuir noir, tout en caressant les fesses de Mandy Brown. Malko vit soudain un pied se détendre en direction de quelque chose qui tentait d’émerger de dessous la Mercedes.