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Chris Jones ne broncha pas. Avec un calme dangereux, il demanda d’une voix douce.

— C’est pas toi, par hasard, qui aurais buté notre copain, à Berchtesgaden ?

Il y eut quelques fractions de seconde interminables, puis l’Irakien éructa en ricanant, sûr de son impunité.

— Si, c’est moi, sale Sioniste ! Et il a gueulé quand je lui ai ouvert la gorge. Il gueulait encore quand il s’est écrasé sur les rochers. Et la fille, elle a gueulé quand je l’ai baisée, et j’ai pris mon pied. Et vous crèverez comme tous les Sionistes.

» Bientôt, Israël n’existera plus, Al Qods sera libre !

Il en bégayait, en proie à une vraie crise de nerfs. Devant l’expression de Chris Jones, blanc comme un linge, il tendit le doigt vers lui.

— Connard ! Tu ne peux rien contre moi, je suis diplomate.

— Ça c’est vrai, fit Chris Jones, d’une voix blanche.

Malko n’eut pas le temps d’arrêter son geste. Le « Beretta 92 » ne tonna qu’une fois. Son projectile fit sauter toute la partie gauche de la boîte crânienne d’Ibrahim Kamel et le choc le projeta dans l’herbe, à plat dos. Foudroyé, la moitié du cerveau répandu.

Le silence retomba, tandis que Malko continuait à entendre la détonation se répercuter dans ses tympans.

— I am sorry, fit piteusement Chris Jones, j’ai pas pu résister. Cet enculé disait la vérité. On aurait été obligés de le remettre dans un avion pour son putain de pays.

Malko ne répliqua pas. Ibrahim avait frappé par l’Épée et avait péri par l’Épée. Vieille vérité de la Bible. Il ne leur aurait rien dit. C’était un fanatique protégé par les lois des pays qu’il venait détruire. Malko comprenait Chris Jones. Dans les Services, les comptes ne se réglaient pas devant les tribunaux.

Seulement, il ne savait toujours pas qui étaient les deux hommes du bar du Bristol. Et on en était à sept morts…

— Retournons là-bas, dit-il. Il faut récupérer Pamela Balzer.

Avant de partir, il remit en place les papiers du mort. Y compris la note concernant l’arrivée du vol de New York. Les Services français en tireraient les conclusions qui s’imposaient.

* * *

Milton Brabeck n’était pas couché sur Pamela Balzer, mais c’était tout comme. Il avait trouvé une petite chambre au troisième étage du château, avait mis une chaise devant la porte, son pistolet dessus et s’était assis sur le lit où la call-girl cuvait sa crise de nerfs… Soudain, celle-ci se redressa et voulut se lever.

— Laissez-moi partir ! supplia-t-elle.

Elle se sentait entraînée dans un monde de folie. L’instinct de survie qui l’avait protégée jusque-là lui disait de fuir. Échevelée, avec ses immenses yeux noirs très écartés, son nez frémissant et sa grande bouche, elle aurait fait perdre la tête à un jésuite.

Milton Brabeck secoua la tête, énergiquement.

— Pas question ! Ici, je peux vous protéger. Pas dehors.

— Il faut que je retrouve mon ami, Kurt.

L’idée que cette salope de Mandy Brown était en train de se tirer avec le fiancé qu’elle avait eu tant de mal à décrocher la rendait malade. Milton, gentiment, la remit sur le lit.

— Le Prince va arriver. Vous lui demanderez.

Sérieux comme un gardien de phare. La musique des trompettes leur parvenait faiblement, créant une atmosphère un peu irréelle. Les quatre cents invités de la fête ne se doutaient sûrement pas du drame qui se déroulait au milieu d’eux.

Pamela mesura rapidement la situation. Physiquement, elle ne pouvait pas lutter contre Milton Brabeck… Mais il y avait d’autres moyens… Tranquillement, elle se rapprocha et murmura d’une voix rauque à souhait.

— Et si nous passions le temps agréablement…

Milton eut beau se débattre contre cette pieuvre parfumée, il n’était pas de force. Son haut-de-chausse noir était déjà descendu sur ses cuisses en dépit de sa résistance farouche, lorsque Malko et Chris Jones pénétrèrent dans la chambre.

Chris Jones eut un ricanement désabusé.

— On ne peut plus se fier à personne…

Milton Brabeck réussit à se débarrasser de Pamela et se redressa, rouge comme une pivoine. La jeune femme, remettant un sein dans son décolleté déchiré, lança froidement.

— Il a essayé de me violer…

Malko congédia les deux « gorilles » d’un regard et, resté seul avec la jeune femme, attira une chaise près du lit. Pamela Balzer lui adressa un regard haineux et cracha :

— Où est cette pute de Mandy ?

— Je n’en sais rien, dit Malko. Quand nous aurons fini de bavarder, vous aurez tout le loisir de vous mettre à sa recherche.

— Elle est venue ici, avec vous, n’est-ce pas ? Pour me cuisiner…

— Exact, reconnut Malko.

— Allez-vous faire foutre tous les deux ! lança Pamela avec une sincérité évidente.

— Pamela, dit Malko, vous êtes inconsciente. Je vous ai déjà sauvé deux fois la vie. La troisième tentative de vous supprimer risque d’être la bonne.

Les grands yeux noirs se fixèrent sur lui, soudain remplis d’angoisse.

— Que voulez-vous dire ?

— Ibrahim Kamel était venu ici pour vous tuer avec son second, celui qui a voulu vous étrangler. Ils travaillent pour les Services Spéciaux irakiens. Ceux-là ne sont plus à craindre, mais il en viendra d’autres. Je ne peux pas jouer le « baby-sitter » éternellement. Ils veulent vous tuer.

— Mais pourquoi !

Il y avait autant de désespoir que d’incompréhension dans sa voix. Malko se dit qu’elle commençait à craquer. Il se leva.

— Pamela, dit-il, tant pis pour vous. Je vous laisse. Vous êtes libre. Mais vous avez intérêt à vous cacher, à ne jamais revenir à Vienne. Sinon, ils vous liquideront et, à mon avis, ils vont vous poursuivre jusqu’au bout du monde. Parce que vous représentez un danger pour eux.

— Quel danger ?

— Vous détenez une information vitale.

Elle haussa les épaules.

— Vous dites n’importe quoi, je ne connais rien de leurs affaires. C’est vrai, je fréquente quelques Irakiens, mais c’est à titre… privé. Je ne fais aucune affaire avec eux.

— Vous avez quand même prêté votre voiture pour transporter des meurtriers, remarqua-t-il.

Le regard de la jeune femme chavira.

— Qu’est-ce que vous voulez dire ?

— Le jour où on vous a emprunté votre Volvo…

Il lui raconta ce qui s’était passé à Berchtesgaden et comment il était remonté jusqu’à elle. Cette fois, elle se décomposa.

— J’ignorais toute cette histoire, je vous le jure, dit-elle d’une voix suppliante. Je ne veux pas mourir. Qu’est-ce que je dois faire ?

Malko plongea dans son regard affolé.

— Dites-moi ce que vous savez et vous ne serez plus en danger.

— Quoi ?

— Un soir de la semaine dernière, vous vous trouviez à Vienne, au bar de l’hôtel Bristol, en compagnie de deux hommes. Un Arabe et un Européen. Qui sont-ils ?

Avant de répondre, Pamela Balzer passa lentement la main sur la trace violacée de son cou, là où Selim avait serré de toutes ses forces. Pesant le pour et le contre. Son regard demeurait vrillé à celui de Malko. Elle eut un sourire désabusé.

— Lorsque je vous aurai répondu, vous partirez et je me ferai tuer, remarqua-t-elle amèrement.

— Non, dit Malko. Je vous le jure.

Elle soupira, rejetant la tête en arrière.

— Bien, je vais vous faire confiance. Celui que vous appelez l’Arabe est un diplomate irakien, Tarik Hamadi. Il est second secrétaire à l’ambassade d’Irak à Bruxelles. Je le vois de temps en temps quand il vient à Vienne rendre visite à ses amis de l’OPEP.