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Son physique et les langues qu’elle parlait – arabe, français, anglais et hébreu – lui permettaient de se faire passer pour n’importe qui. Elle n’avait besoin que d’un passeport – faux évidemment – puisque aucun Service ne l’avait encore repérée. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas mis le pied en Irak, se partageant entre plusieurs appartements en Europe… Fatima était comme certains « exécuteurs » du Mossad. De fantastiques machines à tuer, avec une technologie de pointe, et pas le moindre état d’âme.

La seule femme des services irakiens à être utilisée ainsi.

Elle souleva le casier inférieur de sa mallette et découvrit toute une documentation sur les deux personnes qu’elle était chargée de liquider : Malko Linge, un agent de la CIA, et Pamela Balzer, une call-girl. Elle ne connaissait jamais les motivations de ses chefs : ce n’était pas son problème.

Après avoir refermé la mallette avec la serrure à chiffres, enclenché le dispositif qui la détruirait avec celui qui tenterait de l’ouvrir, elle décrocha son téléphone et appela un numéro à Francfort.

C’était un répondeur sur lequel elle laissa un message en anglais.

— Je suis bien arrivée, le matériel aussi. Je me mets au travail.

C’était le seul genre de contacts qu’elle entretenait avec sa centrale. Les ordres lui parvenaient par courrier adressé à ses points de chute.

* * *

La sonnerie retentissait dans le vide. Malko comptait les coups ; cinq, six, sept. Le haut-parleur branché retransmettait avec une sonorité bizarre. Pamela Balzer serrait tellement l’écouteur que ses jointures en étaient blanches. Chris Jones avait branché un petit magnétophone sur le récepteur et attendait, écouteurs aux oreilles.

On aurait entendu voler une mouche dans la bibliothèque du château de Liezen. Malko avait fait boire une grande rasade de vodka au citron à Pamela pour lui redonner une voix normale. Son regard en était tout flou. Ils étaient en train d’appeler le numéro du mystérieux Georges à Bruxelles. Au moment où la call-girl esquissait le geste de raccrocher, le correspondant répondit enfin.

— Allô ?

La voix masculine était essoufflée, comme s’il avait couru. Le magnéto Akaï se mit à tourner silencieusement. Pamela restait muette, Malko dut lui donner un léger coup de coude pour qu’elle se décide à parler.

— Georges !

— Oui, qui est-ce ?

— Pamela. Je vous appelle de Vienne. Vous m’aviez donné ce numéro, n’est-ce pas ?

— Pamela !

Il y avait une joie sincère dans sa voix. Malko se sentit soulagé. Il touchait enfin au but.

— J’ai failli raccrocher, dit la jeune femme.

— J’étais dans mon bain, expliqua « Georges ». Je n’entendais pas le téléphone. Quelle bonne surprise ! C’est gentil de m’appeler.

— Vous ne revenez pas à Vienne ?

— Non, hélas, mais vous, vous ne venez pas à Bruxelles ?

Pamela, de nouveau, avala sa langue. À toute vitesse, Malko écrivit sur un papier « Si » et le mit sous le nez de la jeune femme. Celle-ci dit d’une voix un peu forcée très vite.

— Si, si !

« Georges » poussa un véritable rugissement de joie.

— Mais alors, nous allons nous voir ! Enfin, si vous n’êtes pas trop prise.

— Je… je crois que je pourrai m’arranger, dit Pamela. Et vous ?

— Moi, il n’y a pas de problème. J’ai beaucoup de travail, mais je m’arrangerai… Quand serez-vous à Bruxelles ?

« Demain », écrivit Malko sur le papier.

— Demain, répéta docilement Pamela.

Quelques secondes de silence, puis « Georges » proposa.

— Voulez-vous que nous nous retrouvions vers huit heures dans le hall de l’hôtel Amigo, à côté de la Grande Place ? C’est un endroit très agréable.

— D’accord, croassa Pamela, j’y serai.

— Alors, à demain.

Il raccrocha et Pamela se prit la tête dans les mains. Elle finit par rompre le silence pour dire d’une voix blanche.

— Vous me faites faire des conneries. Ils vont me tuer pour cela.

Malko ne répondit pas, perdu dans ses pensées.

Cherchant à comprendre pourquoi les Irakiens avaient pris tant de risques afin d’éviter que Pamela Balzer ne fasse remonter la CIA jusqu’à « Georges ». La seule réponse possible était dans les liens qui unissaient ce « Georges » aux Irakiens. Apparemment le secret de leurs relations devait être protégé à n’importe quel prix.

Mais pourquoi ?

Chapitre XI

Le hall de l’hôtel Amigo avait l’ambiance ouatée d’un club anglais. Pourtant, à quelques mètres de là, des hordes nippones et germaniques se ruaient caméras au poing, à l’assaut des vieilles pierres de la Grande Place, joyau touristique bruxellois.

Pamela Balzer, ses longs cheveux noirs cascadant sur ses épaules, ses courbes explosives pudiquement dissimulées sous un sage tailleur, sirotait patiemment un Cointreau, enfoncée dans un des grands fauteuils en tapisserie. Une bonne bourgeoise bruxelloise en train d’attendre son époux. Seules ses interminables et somptueuses jambes, gainées de gris, attiraient le regard.

De son tabouret, au bar, Malko installé devant une Stolichnaya, surveillait la jeune femme.

Milton Brabeck attendait dehors dans la rue des Lombards en face de l’hôtel, au volant d’une Mercedes de location. Chris Jones, dans un autre fauteuil, abrité derrière le Herald Tribune, assurait la protection rapprochée, en savourant un Gaston de Lagrange dont le verre ballon disparaissait entre ses doigts monstrueux. Son Beretta 92, dissimulé dans une serviette de cuir, à quelques centimètres de ses doigts… Quant à Elko Krisantem, il patrouillait les abords de l’hôtel, à la recherche de faciès suspects. Le rendez-vous donné par le mystérieux « Georges » pouvait très bien être un piège. Après ce qui s’était passé à Vienne…

Huit heures cinq. Malko acheva sa vodka d’un coup, vérifia discrètement qu’il pouvait saisir rapidement la crosse de son pistolet extra-plat et commanda une seconde Stolichnaya pour conjurer le sort… Le barman la posait devant lui lorsqu’il vit un homme, de dos, s’arrêter devant Pamela Balzer. Malko sentit son pouls s’accélérer. Le nouveau venu attira un fauteuil à lui et s’assit. C’était bien l’inconnu de la photo. Il avait un visage assez insignifiant, avec un nez en trompette, le front déplumé avec une couronne de cheveux gris entourant une tête ronde, l’air inoffensif. Un petit fonctionnaire. Pamela lui souriait, plutôt crispée. Leur conversation ne dura pas longtemps. Ils se levèrent et traversèrent le hall. Il arrivait à peine à hauteur du menton de la jeune femme, bien qu’il se tienne droit comme un I. Malko suivit à bonne distance et les vit monter dans une Audi 100 noire garée sur le minuscule parking de l’hôtel.

Lorsqu’il sortit à son tour, l’Audi descendait déjà la rue des Lombards, la Mercedes de Milton Brabeck derrière elle. Il n’y avait plus qu’à attendre. Malko remonta dans sa chambre, rejoint par Elko et Chris Jones.

Le téléphone sonna un quart d’heure plus tard.

— Ils sont dans un petit restaurant italien rue des Fossés-aux-Loups, La Familla, annonça l’Américain. Près du boulevard du Régent. Impossible d’y entrer sans se faire remarquer. Ils ne sont pas suivis. Voilà le numéro de l’Audi : 756 484.