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— À quel étage allez-vous ? demanda-t-il.

— Au sixième.

La voix était chantante, bandante, distinguée. Cherchant vaguement l’aventure. Il appuya sur le bouton de l’étage demandé. Quelques secondes plus tard, l’inconnue eut un sourire désarmant, qui écarta ses grosses lèvres, et dit d’une voix pleine d’excuses en plongeant la main dans son sac entrouvert.

— Excusez-moi, je ne peux pas m’empêcher de fumer.

Sans cette phrase banale, Malko ne se serait vraisemblablement douté de rien. Mais la belle inconnue avait parfaitement le droit de fumer. Pourquoi lui demander la permission ? Toujours sur ses gardes, il suivit le geste de sa main droite.

Celle-ci ressortit du sac, tenant, non pas une cigarette, mais un tube noir ressemblant à un gros stylo… Elle n’eut pas le temps de le pointer sur Malko. D’un revers asséné à toute volée, il lui écrasa le poignet contre la paroi et elle lâcha son arme – un stylo-pistolet – avec un cri de douleur. En une fraction de seconde, la jolie femme sensuelle se transforma en une furie décidée à tuer, de la haine plein les yeux.

Malko parvint à lui saisir les deux mains, mais elle lui décocha aussitôt un coup de pied qui le rata mais fit une estafilade dans la peinture de l’ascenseur : une longue aiguille sortait de sa semelle : sûrement empoisonnée, Malko parvint à éviter ses ruades, au prix d’une sorte de danse de Saint-Guy désespérée » Il tenta de l’assommer à plusieurs reprises, mais en vain. L’inconnue était experte en close-combat et évitait tous les pièges. Ils luttaient tous deux sans un mot quand l’ascenseur arriva au sixième étage et que les portes s’ouvrirent.

Malko eut l’impression de sortir d’une cage pleine de serpents venimeux. D’un ultime effort, il repoussa l’inconnue et bondit sur le palier, sous les yeux ébahis d’une femme de chambre.

Il se releva, son pistolet extra-plat au poing, mais les portes de l’ascenseur s’étaient déjà refermées. Il s’élança comme un fou dans l’escalier et arriva en bas pour voir un groupe de Japonais s’entasser dans l’ascenseur. Interrogé, le concierge lui apprit qu’une femme élégante venait de partir en taxi… Une cliente de l’hôtel. Pour 1 000 francs belges, il eut le numéro de sa chambre : 321. Il n’y avait plus qu’à aller chercher Chris Jones.

* * *

Il n’y avait pas grand-chose dans la chambre 321, sauf une mallette métallique que Chris Jones flaira comme un chien de chasse.

— Vaut mieux l’envoyer à la T.D., fit-il, ça doit être piégé. C’est trop propre pour être honnête.

Ils embarquèrent la mallette. Malko était quand même secoué. Les Irakiens faisaient vraiment des efforts désespérés pour les empêcher de découvrir leur secret. Il avait contre lui tous les moyens réunis d’un grand Service… Pour se remettre de ses émotions, il alla prendre une vodka au bar de l’hôtel. C’est là qu’on lui passa une communication téléphonique. C’était la voix sépulcrale du chef de station de Bruxelles.

— Vous allez probablement avoir de la visite, annonça-t-il. Les Israéliens ont obtenu de participer à notre enquête, après s’être roulés par terre. Alors, gare à la casse…

— Je leur dis tout ?

— Le moins possible. Ils connaissent le nom de Georges Bear maintenant et son adresse. Pas l’existence de Pamela Balzer.

Entre les Irakiens et les Israéliens, la situation allait devenir intenable.

— Et les Services belges ? demanda Malko.

— Ils traînent des pieds. Prétendent que la CTC n’a pas d’activités illégales. Mais, dans ce pays, si on ne crache pas sur le Roi, tout ce qu’on fait est à peu près légal…

— Nous allons agir ce soir, annonça Malko. Restez près de votre téléphone… Au cas où.

Milton Brabeck venait d’entrer avec une énorme valise.

— Je crois que nous sommes parés, annonça le « gorille ». À part des lance-flammes, on a tout ce qu’il faut.

* * *

De nuit, la rue de Stalle était absolument déserte, abandonnée. Les quatre hommes arrêtèrent leur Mercedes sur le parking voisin et commencèrent le transbordement à pied jusqu’au numéro 61. Le terre-plein était faiblement éclairé et, grâce au trousseau de Chris Jones, ils parvinrent sans encombre jusqu’au sous-sol.

Plus une voiture. Théoriquement, le building était vide… Ils prirent l’ascenseur jusqu’au troisième, occupé par une compagnie d’assurances. Là, les portes étaient normales, et Chris Jones força les serrures en quelques secondes. L’épaisse moquette étouffait le bruit de leurs pas. Ils se dirigèrent vers le fond, là où se trouvaient les toilettes.

Chris et Milton retroussèrent leurs manches et sortirent leurs outils, aidés par Elko. Des scies, des perceuses, des burins, des ciseaux à froid. Un véritable attirail de cambrioleur.

Ils se mirent au travail, découpant d’abord le plancher, puis ce qu’il y avait en dessous. Enfin, Chris Jones prit une énorme perceuse avec une mèche d’un mètre de long et perça un trou vertical. L’engin, entouré d’un cocon isolant, était presque silencieux. La mèche disparut tout à coup dans le vide, et Chris la retira, laissant un grand trou.

Chris Jones prit alors une bonbonne rouge, terminée par un flexible et en dirigea l’embout dans le trou ouvrant la vanne. Il y eut un chuintement faible et les bureaux du dessous commencèrent à se remplir d’un puissant gaz soporifique. Personne ne pouvait résister plus de deux minutes, à moins de porter un masque à gaz… L’effet durait une demi-heure environ.

Ils attendirent le temps qu’il fallait, en silence. Puis Milton Brabeck passa dans le trou l’ombrelle en plastique renforcé et l’ouvrit, afin de recueillir les débris, tandis que Chris commençait à piocher le plancher…

Elko Krisantem, lui, s’occupait de dégager les gravats. Ils travaillaient en silence, se relayant pour surveiller, par une des fenêtres, l’entrée de l’immeuble.

C’est Chris Jones qui se laissa tomber le premier dans le trou, masque à gaz sur le visage, son pistolet dans la main droite et la perceuse dans la gauche, rejoint aussitôt par Milton Brabeck et Malko, équipés de façon identique. Ils parcoururent les premières pièces rapidement. Les bureaux étaient immenses, avec plusieurs ateliers consacrés à des dessinateurs, d’autres avec des batteries d’ordinateurs. Dans un salon, près de l’entrée, ils trouvèrent deux corps étendus : des Irakiens, équipés de Skorpios, gazés.

Dans le bureau central, Malko découvrit ce qu’il était venu chercher : un énorme coffre-fort.

Chris Jones était déjà là, sa trousse à outils déployée devant lui. Il mit un stéthoscope sur ses oreilles et commença à l’ausculter. Le silence était impressionnant. Il releva la tête.

— Il y en a pour un moment, annonça-t-il, sauf si on le fait sauter. Mais, dans ce cas, je ne promets rien.

— Nous n’avons qu’une demi-heure, rappela Malko.

Le gaz avait dégagé la voie. Tandis que Chris commençait son travail de chirurgien, avec toute une série de perceuses, Malko se mit à parcourir les bureaux, cherchant des documents intéressants. Il en trouva dans un autre bureau dont Milton Brabeck fractura tous les tiroirs : un organigramme de différentes sociétés dans plusieurs pays, toutes liées à la CTC. Cela allait de la Grèce à la Grande-Bretagne, en passant par la Hollande, la France, l’Italie et le Chili…