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— Dans les documents que vous avez ramenés, nous avons découvert une imbrication avec une importante firme belge d’explosifs. Eux ne se sont pas fait d’illusions, mais ils avaient besoin de cette commande pour ne pas faire faillite. Il y en a sûrement d’autres dans le même cas.

Décourageant.

— Que nous reste-t-il à faire, dans ce cas ? interrogea Malko. Puisqu’il est trop tard.

— Pas grand-chose, je le crains, avoua Morton Baxter. Les krytrons sont dans la nature et il semble bien que pratiquement tout le matériel commandé ait déjà été livré à l’Irak. Il ne reste plus que les pressions diplomatiques dont ils se moquent comme de leur première djellaba.

— Si c’était le cas, dit Malko, pourquoi se sont-ils donné tant de mal pour nous empêcher de parvenir à Georges Bear ?

— Ils voulaient conserver le secret le plus longtemps possible. Frapper Israël par surprise. Maintenant, nous nous trouvons devant une situation potentiellement explosive. Il est impossible de dissimuler aux Israéliens nos dernières découvertes. Avec un homme comme Shamir au pouvoir, il risque de se livrer à une attaque préventive.

— Ils l’ont déjà fait il y a quelques années, fit remarquer Malko. En bombardant le réacteur nucléaire de Tammouz.

— Exact, mais cette fois, cela ne suffirait pas. La seule prévention serait de vitrifier l’Irak…

Un ange passa, ployant sous le poids des bombes atomiques accrochées à ses ailes. Évidemment, cela ne ferait pas de peine à beaucoup de monde. En tout cas, pas aux Iraniens et aux Syriens… Mais quel risque d’escalade ! Si les Israéliens ne détruisaient pas les canons de Georges Bear, le Moyen-Orient tout entier risquait de connaître l’apocalypse nucléaire.

L’Américain se leva. Visiblement épuisé.

— J’ai besoin de quelques heures de plus pour une évaluation précise de la situation. Revenez me voir ce soir. Nous vérifions ce qui a déjà été acheminé. Cela prend un temps fou. Quarante personnes ne s’occupent plus que de cela dans plusieurs pays. Nous centralisons tout sur l’ordinateur principal de Langley.

* * *

Pamela Balzer tournait comme un lion en cage sous la surveillance d’Elko Krisantem qui portait une longue estafilade sur la joue gauche. À peine Malko pénétra-t-il dans la chambre que la call-girl se rua sur lui.

— Ce salaud de Turc m’empêche de sortir !

Elko lui jeta un œil noir. Encore une candidate pour son lacet. Sans le respect dû à Malko, il l’aurait transformée en pulpe et elle n’aurait plus eu envie de sortir…

— Où voulez-vous aller ? demanda-t-il.

— Georges Bear m’a appelée. Il veut me voir. Il a des problèmes. Il pense que les Irakiens veulent le kidnapper. Il a réussi à leur fausser compagnie.

— Où est-il ?

— Cela ne vous regarde pas.

Malko haussa les épaules et s’assit sur le lit.

— Dans ce cas, vous ne bougez pas…

Pamela Balzer vint se planter devant lui. Flamboyante de fureur.

— Vous ne m’avez pas encore assez emmerdée ? Ce type est dingue de moi. Il veut m’arracher à toute cette merde. C’est ma dernière chance, puisque votre salope de copine m’a piqué mon fiancé.

Elle semblait sincère, mais pouvait aussi se faire manipuler.

— D’accord, fit Malko, allez le voir, mais je viens avec vous. Je veux lui parler.

Pamela Balzer ricana.

— Comme vous avez parlé aux deux types du château… Vous allez le tuer, oui !

— Je ne suis pas un assassin, protesta Malko. De plus j’ai une proposition à lui faire qui vous intéresse aussi.

— Laquelle ?

— Une façon de vous sortir tous les deux d’affaire. Alors ?

Elle regarda sa montre puis lâcha à regret.

— Il m’attend dans une chambre de l’hôtel Hilton.

Ce n’était pas uniquement pour parler.

— Je vous y emmène, dit Malko. Mais ne me tendez pas de piège, cela serait à ses dépens et aux vôtres. Quand je lui aurai parlé, je vous laisserai avec lui.

Étant donné l’évolution des événements, il ignorait ce qu’il pouvait tirer de Georges Bear, mais cela valait la peine d’essayer.

Il changea de chambre pour retrouver Chris Jones en train de démonter son Beretta 92 automatique. Milton Brabeck jouait aux fléchettes en parcourant un Penthouse d’un œil lubrique.

— Remontez vos jouets, dit Malko. Nous allons nous promener.

Chris Jones déplia ses cent quatre-vingt-douze centimètres avec un sourire gourmand.

— On règle nos comptes ?

— Non, seulement « baby-sitting ». Avec la dame que vous aimez tellement.

Ils rougirent comme des enfants de chœur et Malko se demanda soudain si Pamela Balzer n’avait pas commencé à les corrompre à sa façon…

* * *

Les couloirs du Hilton étaient aussi déserts que silencieux. À cette heure, les clients étaient dehors. Milton Brabeck demeura près de l’ascenseur pour éviter une surprise et Malko accompagna Pamela Balzer, flanquée de Chris Jones. La jeune femme s’arrêta devant la porte de la chambre 645 et frappa trois coups.

Une voix mal assurée demanda, au bout de quelques instants :

— Pamela ?

— Oui, c’est moi.

— Tu es seule ?

— Oui.

Bruits de serrure, la porte s’entrebâilla. Malko eut le temps d’apercevoir le crâne déplumé de Georges Bear avant que la masse musculeuse de Chris Jones ne repousse le battant comme une tornade.

L’ingénieur canadien qui se trouvait derrière fut repoussé si violemment qu’il culbuta sur la moquette, arrêté par un canapé. Le temps de se remettre sur ses pieds, il plongeait la main dans une serviette de cuir et la ressortait armée d’un Herstall et pressait la détente !

La balle frôla Malko et pulvérisa un sous-verre. Pamela Balzer poussa un hurlement et tenta de s’enfuir, stoppée net par un croc-en-jambe de Chris Jones qui la fit se retrouver à plat ventre sur la moquette… Le second coup ne partit jamais. Le « gorille » d’un revers puissant avait arraché l’arme de la main de Georges Bear. Le Herstall atterrit dans un coin de la pièce, hors de portée de son propriétaire.

Ses rares cheveux en bataille, les yeux hors de la tête, l’ingénieur canadien se rua vers la porte, ceinturé aussitôt par Malko.

— Appelle la police ! cria-t-il à-Pamela. Ils vont nous tuer.

D’un geste précis, Chris Jones arracha aussitôt le fil du téléphone… Malko glissa à l’oreille de Georges Bear.

— Monsieur Bear, nous ne voulons pas vous tuer, mais simplement bavarder avec vous… Nous ne sommes pas des Israéliens.

L’autre tourna la tête et Malko croisa son regard surpris. Il relâcha un peu sa prise et finit par le laisser libre. Pamela Balzer, remise debout, le visage mauvais, remontait ses bas. Malko se tourna vers elle.

— Dites-lui qui nous sommes. Et ce que nous avons fait pour vous… Au château d’Amboise et à Vienne.

De mauvaise grâce, la call-girl lança à son amant.

— Ils ont empêché les autres de me zigouiller !

— Les autres ? Quels autres ? interrogea Georges Bear.

— Vos amis irakiens, répondit Malko. Ils ont tenté de tuer Pamela Balzer à deux reprises.

Un bref éclair passa dans le regard de l’ingénieur canadien.

— Ils ont réalisé que par elle on pourrait remonter jusqu’à vous ?

— Exact.

Pour la première fois depuis le début de cette histoire de fous, Malko commençait à avoir une vision globale des choses, qui avait le mérite de tout expliquer. Il fallait encore pouvoir la vérifier.