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Georges Bear surveillait dans le rétroviseur la Mercedes de ses « baby-sitters » irakiens. Pare-chocs contre pare-chocs. Impossible de les semer. Sa conversation avec Tarik Hamadi l’avait édifié. Il en bouillait encore d’indignation. Toutes les informations en sa possession se recoupaient. Heureusement qu’il avait rencontré Pamela Balzer. Grâce à elle, il allait retrouver le bonheur et éviter une catastrophe nucléaire.

Au lieu de se rendre chez lui, il remonta l’avenue Louise, contourna le Palais Royal pour gagner la rue de la Régence et descendit vers la place du Grand-Sablon. Il tenait absolument à prévenir tout de suite l’agent de la CIA qu’il le croyait. Et Pamela qu’ils allaient partir ensemble. Son téléphone étant écouté par les Irakiens et peut-être maintenant par les Services belges, il fallait trouver quelque chose.

Place du Grand-Sablon, il bifurqua à droite, s’arrêta et pénétra chez Wittemer, le plus grand chocolatier de Bruxelles. La Mercedes s’arrêta devant, un peu plus loin.

Georges Bear ressortit avec une grosse boîte de chocolat, son péché mignon, et aperçut un fleuriste deux boutiques plus loin. Il y alla à pied, commanda une superbe gerbe composée et demanda une carte et une enveloppe. Sur celle-ci il écrivit le nom de Pamela, le numéro de sa chambre et l’adresse de l’Amigo. Sur la carte : « Demain nous partons pour Rotterdam. Préviens ton ami. »

Chapitre XV

Gad Friedman avait déjà tué une quinzaine d’hommes. Tous des terroristes palestiniens ayant commis des crimes envers des Israéliens ou l’État d’Israël. Après une première vague d’exécutions, il était revenu en Israël instruire les jeunes recrues de cette cellule très particulière du Mossad, qui dépendait uniquement du Premier ministre. Ils n’étaient qu’une quinzaine, triés sur le volet, se connaissant tous, équilibrés, religieux, sûrs de leur bon droit. Après tout, ils ne faisaient qu’appliquer les préceptes de la Sainte Bible. Œil pour œil et dent pour dent.

Il était arrivé deux jours plus tôt à Bruxelles, après un itinéraire compliqué qui l’avait mené à Rio de Janeiro. Il en était ressorti avec un passeport argentin. Il parlait parfaitement, en sus de l’hébreu, l’arabe, l’espagnol, le roumain – son pays d’origine –, l’allemand et bien entendu l’anglais. Avec ses épaules larges, ses cheveux frisés noirs, parsemés de gris, sa bonne bouille, plutôt bon vivant, il était immédiatement sympathique à tous ceux qui l’approchaient.

Son compagnon, Zev Avner, était sans couleur, un fonctionnaire anonyme, à part des yeux bleus perçants. Il était souple comme un acrobate et lorsqu’il n’était pas en mission pour liquider les ennemis d’Israël, il tenait une salle de culture physique à Tel-Aviv.

— Je crois que nous approchons, dit-il.

C’était une périphrase. Les deux hommes avaient déjà, à plusieurs reprises, de jour comme de nuit, repéré les lieux. En arrivant à Bruxelles, ils avaient eu droit à un briefing de la part de l’équipe de repérage. L’ambassade d’Israël se trouvait d’ailleurs à peu de distance de là. On leur avait montré une maquette, puis des photos de la « cible ». Prises sous divers angles et avec différents vêtements. Et, bien entendu de sa voiture, avec la plaque bien visible. Ensuite, on leur avait expliqué pourquoi l’État d’Israël avait décidé de liquider cet homme : Zev et Gad n’étaient pas des robots. Ils tenaient à savoir ce qu’ils faisaient et pourquoi ils le faisaient. Ils avaient la possibilité de refuser.

Zev, qui conduisait, franchit le portail grand ouvert de la résidence et se dirigea à petite allure vers le parking des visiteurs en surface. Il gara la Taunus immatriculée à Anvers – une voiture appartenant à un correspondant sûr, absent de Belgique – entre deux autres, et il coupa le moteur. Ils inspectèrent les façades des trois immeubles collés les uns aux autres. Aucune lumière au huitième dans l’appartement qui les intéressait.

— Ça doit être agréable de vivre ici, remarqua Gad.

Il avait horreur de Tel-Aviv et de sa pollution. Les grands arbres de ce parc le fascinaient.

Les deux hommes se dirigèrent sans se presser vers le numéro 24. Négligeant la rangée d’interphones, Zev appliqua son passe-partout à la serrure qui céda en quelques secondes. La première équipe en avait relevé les empreintes, la veille.

Les deux agents israéliens traversèrent le petit hall, ouvrirent une seconde porte par la même méthode et prirent l’ascenseur menant au garage. Après s’être assurés que celui-ci était désert, ils gagnèrent la porte donnant accès au numéro 26, celui où habitait la « cible ».

Même comportement, mais à l’envers. L’immeuble était totalement désert. Ils restèrent dans le second hall observant l’entrée, n’échangeant pas un seul mot. Il était près de vingt heures. La « cible » avait des habitudes régulières. Tous les jours, après le bureau, l’ingénieur rentrait, soit pour se changer, soit pour rester. Il risquait d’avoir une protection, mais celle-ci s’arrêterait au garage. Il devait se considérer en sécurité dans cet immeuble verrouillé comme un coffre-fort. Zev consulta sa montre. Il avait une réservation pour Londres sur le dernier vol. Son ami partait pour Paris. Leurs hôtels avaient été payés et ils avaient déposé dans des consignes de l’aéroport des papiers, de l’argent et des permis de conduire dans deux casiers séparés au cas où ils seraient obligés de se séparer.

Comme toujours, dans ce genre d’opération, ils n’avaient aucun contact avec les gens du Mossad en place à Bruxelles, utilisant pour leur logistique des réseaux reliés directement à Tel-Aviv. Même le responsable du Mossad pour la Belgique ignorait leur présence et, à fortiori, leur mission.

Il s’agissait d’une affaire où plusieurs services avaient déjà le nez et cela pouvait se révéler dangereux.

Zev guettait l’extérieur. Soudain, une Fiat blanche, conduite par une femme, s’arrêta quelques instants devant la porte, puis repartit, comme si elle se dirigeait vers le parking visiteurs.

Il arrive ! souffla Zev.

La Fiat était le dernier élément de filature de l’Audi de la « cible ». Si la « cible » n’avait pas été seule, la Fiat se serait arrêtée et la femme serait venue sonner. Dans ce cas, c’était le démontage immédiat…

Allons-y ! dit Zev.

Depuis qu’ils étaient arrivés, l’ascenseur n’avait pas été appelé. À cette heure-ci, le médecin qui partageait son palier avec la « cible » ne recevait plus de clients… Les deux Israéliens s’engouffrèrent dans la cabine et Gad appuya sur le bouton du huitième. Quelques instants plus tard, ils étaient sur le palier. À peine étaient-ils sortis de l’ascenseur que ce dernier redescendit, appelé en bas. Les deux hommes examinèrent les lieux. Un palier en « L ». Dans la petite branche du L, se trouvait la porte du médecin. Ils s’y tassèrent, invisibles de la porte de l’ascenseur.

Léger ronronnement. L’appareil montait.

Zev sentit quand même les battements de son cœur s’accélérer. Ce n’était jamais un moment agréable. La minuterie diffusait une lumière tamisée, bien suffisante pour reconnaître quelqu’un.

L’ascenseur arriva à l’étage et stoppa avec une légère secousse. La porte s’ouvrit. La « cible » en sortit. Sa porte était presque en face de la grille, un peu sur la droite. D’où il se trouvait, il ne pouvait apercevoir les deux Israéliens. Zev entendit un bruit de clés et fit un pas en avant. Il aperçut un homme, plutôt mince, sans beaucoup de cheveux, une boîte de chocolats à la main. Leurs regards se croisèrent. Zev adressa un sourire à la « cible ». C’était un bon truc de sourire à un inconnu : cela impliquait une attitude amicale, non hostile, rassurante.