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— Monsieur Georges Bear ?

Zev avait formulé sa question d’une voix douce, posée. Comme un policier l’aurait fait. C’est d’ailleurs ce que l’ingénieur canadien pensa. Son regard se brouilla d’un coup et il dit.

— Oui, c’est moi. Vous êtes de la police ?

La question de Zev Avner était de pure forme. Ils avaient étudié assez de photos pour n’avoir aucun doute. Georges Bear, pendant une fraction de seconde, continua à croire qu’il s’agissait de policiers, puis un sixième sens l’avertit. Se détournant, il enfonça sa clé dans la serrure.

Un geste qu’il ne termina jamais.

Zev et Gad avaient agi en même temps. Leurs mains avaient glissé au même moment sous leurs vestes, arrachant l’automatique 22 de son étui. Un demi-pas en arrière, la main qui arme la culasse et fait monter une première balle dans le canon.

Non !

Deux détonations claquèrent, presque confondues. Georges Bear recula, serrant sa boîte de chocolats, le regard agrandi de terreur, la main droite projetée en avant, tenant encore les clefs. Comme n’importe qui confronté brutalement avec la mort. Il semblait tellement inoffensif que Zev eut une fraction de seconde de doute. Et si la « Centrale » avait commis une erreur ? Si cet homme était innocent ?

Zev et son compagnon tirèrent chacun deux fois, visant le centre du corps. En position d’escrimeur, bien que le recul du Beretta soit extrêmement faible. Puis encore deux fois, le canon de l’arme suivant la chute du corps en train de s’effondrer. La boîte de chocolats tomba à terre.

Zev fit un pas en avant et, à bout touchant, tira encore deux fois dans la tête de l’homme à terre. Juste en dessous de l’oreille. La « cible » avait dix balles dans le corps dont deux dans la tête. Elle ne bougeait plus. Machinalement, Gad commença à ramasser les douilles éparses. Le palier était toujours aussi silencieux. Il y avait juste eu une série de « pfttt ». Inaudibles à travers une porte épaisse comme celles de cet immeuble. Zev poussa Gad vers l’ascenseur et dit d’une voix calme :

— Laisse ça.

Les douilles ne mèneraient nulle part. Par contre, chaque seconde passée sur le lieu de l’action représentait un risque.

Ils s’engouffrèrent dans l’ascenseur. Gad, dont c’était la première mission « en réel », était dans un état second.

Arrivés en bas, ils sortirent sans se presser et regagnèrent leur voiture. Tout était calme. Ils n’avaient pas envie de parler. Zev Avner prit le volant et sortit avec précaution du parking. Quelques minutes plus tard, ils roulaient sur l’avenue Louise. Ils stoppèrent à la hauteur du numéro 18, juste avant la place Stéphanie, sortirent et verrouillèrent la voiture. Une Renault bleue était garée là. Zev Avner récupéra les clés sous le pare-chocs avant et ils prirent pour de bon la direction de l’aéroport.

* * *

— Mr Van Tervueren veut vous parler d’urgence, annonça sa secrétaire à Morton Baxter.

— Passez-le-moi, dit le chef de Station.

Il mit sa main devant l’écouteur, coupa le haut-parleur et lança à Malko.

— C’est notre correspondant dans la Gendarmerie Royale. Il m’informe de tout ce qui se passe en temps réel. Ils ont accès à tous les téléscripteurs de la police judiciaire.

L’Américain avait convoqué une réunion surprise avec un Israélien du Mossad, sous couverture diplomatique, à la suite du dernier rebondissement dû au retournement de Georges Bear. Malko et Chris Jones y assistaient, bien entendu.

Si tout se passait bien, Georges Bear allait les mener droit à ce qu’ils cherchaient depuis des semaines. Morton Baxter lança un « allô » chaleureux avant d’écouter son correspondant. Malko vit les traits se défaire brutalement.

— Ce n’est pas possible ! s’exclama l’Américain.

— Que se passe-t-il ? demanda Malko.

— Georges Bear vient d’être assassiné !

Malko sentit son sang se figer. Il ne pouvait pas y avoir de pire catastrophe…

— Les Irakiens ?

L’Américain secoua la tête, après avoir recueilli d’autres détails.

— Il ne semble pas. C’est son voisin qui a découvert son corps criblé de balles sur le palier. Il a prévenu la police qui a surpris, dans le garage, deux Irakiens armés. On a d’abord cru que c’étaient eux, mais leurs armes n’avaient pas servi et ils étaient encore dans leur voiture, une demi-heure après le meurtre… Veillant sur celle de Georges Bear. Ils semblent hors de cause.

» Personne n’a rien entendu, rien vu.

— Ce sont les « schlomos », fit Chris Jones, d’une voix lugubre.

Tous les regards se tournèrent vers le représentant du Mossad qui avait pâli.

— Je ne vois pas ce qui peut accuser mon pays, dit-il d’une voix mal assurée, mais je vais me renseigner immédiatement. Il faut que je retourne à mon ambassade.

Il était déjà debout. Le chef de Station de la CIA se leva, apoplectique de fureur et pointa un doigt menaçant vers lui.

— Si ce sont vos connards de Rambos de Tel-Aviv, rugit-il, dites-leur qu’ils ont perdu l’occasion de ne pas faire une belle connerie ! Parce que ce type était retourné ! Maintenant, on n’a plus aucun moyen de retrouver les bidules irakiens. Mais c’est pas nous qui prendrons une bombe atomique sur la gueule, c’est vous !

Le diplomate israélien s’enfuit, sans répliquer. Après ce qu’il venait d’apprendre, la mort de Georges Bear était un cataclysme.

* * *

Pamela Balzer était prostrée, les yeux rouges, le regard vide. Comme si elle avait vraiment été amoureuse de Georges Bear. Malko venait de lui apprendre la nouvelle en rentrant de l’ambassade US. Les « gorilles » et Elko Krisantem n’étaient guère de meilleure humeur. Tous ces morts et tous ces efforts pour en arriver là !

— Ce sont sûrement les Israéliens ! dit Malko. Ils nous avaient demandé de leur communiquer le dossier Bear. La façon dont il a été tué ne laisse guère de doutes.

— Qu’est-ce que je vais devenir ? gémit Pamela Balzer.

Ils vont me tuer aussi. Il faut me protéger. Il voulait vraiment partir avec moi. Je viens de recevoir ses fleurs.

Elle virait à l’hystérie. Chris Jones lui adressa un sourire rassurant.

— Tant que vous êtes avec nous, Miss, rien ne peut vous arriver.

— Et après, connard ? rugit Pamela de nouveau déchaînée. Tu vas m’épouser ?

C’était une possibilité que Chris Jones n’avait visiblement pas envisagée… Malko s’approcha de la table où était posé le vase de fleurs et jeta un coup d’œil machinal à la carte qui les accompagnait.

Un mot lui sauta aux yeux : ROTTERDAM.

— Je repars à l’ambassade, dit-il. J’ai une idée.

Pamela Balzer se leva comme une folle et s’accrocha à lui.

— Je vais avec vous. Je ne veux pas rester avec ces deux singes.

Malko la repoussa, fermement.

— Les Israéliens ne connaissent pas votre existence, dit-il. C’est ici que vous êtes le plus en sécurité. Avec Chris et Milton, vous ne risquez rien.

Flattés, les deux « gorilles » en auraient ronronné. Malko en profita pour filer.

Trois minutes plus tard, il se garait devant le 27 boulevard du Régent.

Morton Baxter, visiblement d’une humeur de chien, l’apostropha d’un ton furibond.

— Ces enfoirés d’Israéliens de l’ambassade continuent à jurer que ce n’est pas eux ! Un peu plus, ils nous diraient que Georges Bear s’est suicidé de plusieurs balles dans le dos…