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— Peu importe, dit Malko. Il est mort.

— Et nous, nous sommes baisés… conclut sombrement l’Américain.

— Peut-être pas.

L’Américain le regarda comme s’il venait de lui annoncer qu’il avait gagné au loto.

— Expliquez-vous !

— Voilà, dit Malko. Georges Bear était supposé partir pour Rotterdam demain. Théoriquement, pour rentrer en Irak. Ce n’était pas pour prendre l’avion, il l’aurait fait d’ici. Le train et la voiture me paraissent aussi exclus. C’était donc pour embarquer sur un bateau.

Morton Baxter se rejeta en arrière avec une grimace sardonique.

— Vous savez combien il y en a, dans le port de Rotterdam ? Des centaines, sinon des milliers. Ça grouille comme des rats dans un cimetière.

— Je m’en doute, reconnut Malko, et je pense aussi que ledit bateau ne bat pas pavillon irakien, ce serait trop gros… Par contre, les Irakiens ont peut-être utilisé le même bateau pour tous leurs transports. Il faudrait dont contacter tous les ports où des marchandises ont été chargées pour le compte de la Cosmos Trading Corporation, et regarder si on ne retrouve pas trace du même bateau…

Le chef de Station de la CIA mit bien quatre secondes à sauter de son fauteuil.

— C’est quasiment impossible à faire, explosa-t-il, mais c’est génial. Personne ne bouge.

Il assena à Malko une claque à lui pulvériser les omoplates.

— Si on réussit ce coup-là, je vous fais devenir citoyen d’honneur de Langley. Vous pourrez vous présenter aux élections, devenir maire et avoir des tas d’emmerdements !

* * *

Tarik Hamadi avait l’impression que son estomac était rempli de plomb fondu. Que les Israéliens aient abattu Georges Bear, sous son nez, alors qu’il était sous la protection de ses meilleurs hommes, était déjà un sévère échec. Mais leur intervention signifiait qu’ils étaient passés à l’offensive. Du coup, Pamela Balzer n’avait plus beaucoup d’importance. Sauf si elle avait été mise au courant des modalités du départ par l’ingénieur canadien avant sa mort.

Motif de rage supplémentaire : la call-girl était inaccessible, dans une chambre de l’hôtel Amigo, sous la protection des « baby-sitters » américains.

Il fallait sauver ce qui pouvait l’être, c’est-à-dire l’essentiel. Tarik Hamadi se mit à dicter à sa secrétaire différents télex pour accélérer la dernière phase européenne de l’opération Osirak.

Préférant ne pas lire ceux qui arrivaient de Bagdad.

* * *

Trois heures trente du matin. Tout le troisième étage de l’ambassade américaine, sur le cours du Régent, était brillamment éclairé. Des agents de la CIA, hâves, pas rasés, épuisés, se relayaient au téléphone dans toutes les langues, collationnant des informations, immédiatement avalées par un ordinateur. Les responsables des ports locaux ne mettaient pas une immense bonne volonté à fouiller dans leurs registres… C’était une question d’heures. Le message de Georges Bear envoyé avec les fleurs précisait qu’il partait le lendemain. Partout où c’était possible, on avait dépêché des agents locaux de la CIA avec des paquets de billets pour activer leur bon vouloir.

Malko, qui venait d’achever un sandwich caoutchouteux avec des frites graisseuses, bâilla. Se demandant si son idée était vraiment bonne. À côté de lui, renversé dans son fauteuil, Morton Baxter réchauffait entre ses mains son troisième verre de Gaston de Lagrange, humant l’arôme qui s’en dégageait pour s’éclaircir le cerveau. Le découragement commençait à l’envahir, lui aussi…

Soudain, son adjoint pénétra dans le bureau, la cravate de travers, les traits tirés, mais une expression de joie enfantine sur son visage poupin.

— Je crois que j’ai trouvé quelque chose ! annonça-t-il.

— Quoi ?

Le jeune agent se mit à lire.

Voilà, l’ordinateur indique la présence du même bateau dans six ports où du matériel irakien a été chargé : Athènes, Londres, Anvers, Naples, et Buscia. Un cargo enregistré aux Bahamas, le Gur Mariner. Équipage de nationalité indéterminée.

Appelez immédiatement le port de Rotterdam, ordonna Morton Baxter.

Du coup, il termina d’une seule rasade son cognac et ralluma son cigare. Malko et lui n’osaient pas se regarder. Si c’était une fausse alerte… Les minutes s’écoulaient, interminables. La capitainerie du port de Rotterdam était divisée en plusieurs secteurs et, à cette heure-là, il n’y avait qu’une permanence qui avait sûrement d’autres chats à fouetter.

Les télex continuaient d’arriver sans interruption de Langley, apportant de nouveaux détails. L’Irak venait de protester officiellement contre la mise en scène d’un journal britannique, prétendant que seuls des pipe-lines avaient été commandés. Le meurtre de Georges Bear avait été revendiqué par une organisation palestinienne inconnue auprès du journal bruxellois le Soir. Quant à la police belge, elle demeurait muette…

L’agent de la CIA jaillit dans le bureau, hilare de bonheur, brandissant un papier.

Il y est ! cria-t-il. Le Gur Mariner est à Rotterdam, quai trois. Départ prévu demain matin à six heures.

Il leur restait trois heures. Malko et Morton Baxter échangèrent un regard de triomphe.

On y va tout de suite, lança l’Américain.

Chapitre XVI

Les quatre voitures roulaient à plus de 180 sur l’autoroute Bruxelles-Amsterdam-Rotterdam. La première était une voiture de la Gendarmerie Royale Belge, où avaient pris place deux douaniers belges avec le dossier du Gur Mariner. Des douaniers hollandais, prévenus, attendaient à la capitainerie du port de Rotterdam.

La seule façon d’empêcher le Gur Mariner d’appareiller était de trouver un délit douanier : l’exportation de matériel non conforme à destination d’un pays sous embargo.

Morton Baxter conduisait la deuxième voiture, Malko à côté de lui. Pamela Balzer était serrée entre les deux « gorilles » à l’arrière. Elle n’avait jamais voulu rester seule à l’Amigo, même sous la protection d’Elko Krisantem… Les deux autres véhicules étaient bourrés d’agents de la CIA, en protection avec un représentant du Ministère des Affaires Étrangère israélien. Israël continuait à nier toute participation dans le meurtre de Georges Bear.

L’autoroute se déroulait devant les phares, rectiligne et monotone et ni Malko, ni les autres ne disaient mot, n’avaient envie de parler, isolés dans leurs pensées. Enfin, le panneau indiquant Rotterdam apparut dans les phares. Ils roulèrent encore près de vingt minutes avant d’atteindre le quai principal où se trouvait la capitainerie. Plusieurs voitures officielles étaient stationnées devant.

Morton Baxter pénétra le premier, suivi de Malko. Une demi-douzaine d’hommes s’y trouvaient déjà, dont deux portaient le képi des douanes hollandaises. Les présentations furent rapides.

Le Gur Mariner a appareillé ! annonça d’emblée le capitaine du port.

Malko sentit son sang se mettre à bouillir.

— Comment ! Vous avez dit qu’il ne partait que demain matin !

Hier en fin d’après-midi, lorsque la capitainerie vous a dit qu’il était à quai, ils n’ont pas vérifié physiquement. Lorsqu’ils ont envoyé un marin, c’était trop tard. Le Gur Mariner était parti sans même payer ses taxes de port et en laissant une passerelle à quai.