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Morton Baxter s’assit, les jambes coupées.

Vous n’avez eu aucun contact avec lui, depuis ? demanda-t-il.

Aucun. D’ailleurs, il n’y avait pas de raison : il n’a pas demandé de remorqueur.

— Où peut-il se trouver maintenant ?

Le Hollandais effectua un rapide calcul.

— Voyons, il doit filer treize ou quatorze nœuds… En ce moment, il doit être au large de chez vous, prêt à entrer dans la Manche… Le temps est beau.

Donc, dans les eaux internationales… Pamela Balzer, appuyée à une cloison, faisait la tête, lorgnée en douce par les occupants de la capitainerie qui se demandaient visiblement ce que venait faire une créature de rêve de son espèce dans un port à cinq heures du matin. Elle n’avait pas vraiment le physique des filles qui rôdaient dans le coin… Malko se tourna vers Morton Baxter et demanda à voix basse :

— On ne peut rien tenter ?

L’Américain secoua négativement la tête.

Impossible. Ce serait de la piraterie, il est en haute mer. Il faut simplement prévenir tous les ports où il est susceptible de relâcher. Pour l’empêcher de repartir. On ne peut quand même pas le couler avec un sous-marin. D’autant qu’il bat pavillon des Bahamas.

Malko se raccrocha à une dernière idée.

— Et si mon raisonnement était faux ? Si ce Gur Mariner n’avait rien à voir avec notre histoire ?

Un des Hollandais qui avait entendu la question se mit à parler flamand avec le représentant de la Gendarmerie Royale, qui traduisit aussitôt.

— Ils ont effectué une petite enquête dans les bistrots du coin depuis tout à l’heure. Le Gur Mariner est resté une quinzaine de jours. Il ne payait pas de mine. Une partie de l’équipage ne descendait jamais à terre. Ils avaient la peau foncée. Pakistanais ou Arabes. D’ailleurs, ceux qui descendaient, parlaient arabe et avaient beaucoup d’argent. Ils n’ont pas cessé de monter avec les filles.

Le chef de la capitainerie ajouta :

— Moi, j’avais remarqué que pour un rafiot de cette qualité, le Gur Mariner avait des antennes radio très au-dessus de la moyenne. Il était équipé comme certains chalutiers soviétiques qui font de l’espionnage. En plus, personne n’avait le droit de monter à bord : même pas les fournisseurs. Il y avait toujours deux hommes à la coupée. Il me semble qu’ils étaient armés.

— Savez-vous ce qu’ils ont chargé ?

Pas exactement, il faudrait demander aux grutiers. Mais il s’agissait de matériel lourd. Il y a même eu un camion immatriculé dans un pays de l’Est. La DDR ou la Roumanie, je ne me souviens pas. Cela m’avait frappé, parce que le chauffeur était de nationalité britannique. Il était venu téléphoner ici.

— Il est parti avec eux ?

— Non, je ne crois pas.

Il n’y avait plus rien à faire. Ils prirent congé les uns des autres, un goût amer dans la bouche. Dès qu’ils furent seuls, Morton Baxter lança à l’Israélien avec une ironie amère :

J’ai l’impression que vous pouvez commencer à creuser des abris ! À cause de votre connerie. La mort de Georges Bear les a affolés, ils ont avancé leur départ et maintenant…

L’Israélien ne pipa mot et ils remontèrent tous en voiture. Malko se dit qu’il n’avait plus qu’à retrouver le château de Liezen. Une heure trente de route de nouveau. Lorsqu’ils arrivèrent devant l’Amigo, épuisés par cette nuit sans sommeil, le soleil se levait. Pamela Balzer suivit Malko sans un mot dans sa chambre, se déshabilla et se coucha.

Que faites-vous ? demanda-t-il.

Je ne vous quitte plus, dit-elle simplement. Vous m’avez mise dans la merde, vous allez m’en sortir.

Comment ?

Elle eut un haussement d’épaules indifférent.

— Je m’en fous ! Soit vous me récupérez mon fiancé, soit vous me gardez. Je sais faire pas mal de choses et je suis sympa. Apparemment, vous êtes dans un drôle de trip. Je peux rendre des services.

Malko se voyait très bien débarquer à Liezen avec Pamela Balzer. Cela se terminerait à la carabine à éléphant. Alexandra était d’une jalousie de tigresse, qui n’avait d’égale que son infidélité. Il valait mieux tenter d’arracher le jeune duc de Wittenberg aux griffes de Mandy Brown…

Il eut du mal à s’endormir, pensant au rafiot en train de tranquillement traverser la Manche, sa cargaison de mort dans ses flancs. Il eût été si simple de le couler ! Seulement, le monde civilisé était désarmé contre le terrorisme d’État. Pourtant, s’il arrivait à destination, le Moyen-Orient risquait un embrasement mortel, et Israël l’anéantissement pur et simple.

* * *

Tarik Hamadi contempla avec satisfaction le télex codé qu’il venait de recevoir du Gur Mariner. Le cargo était parti sans encombre et filait vers sa destination finale : le port d’Akaba en Jordanie. C’était plus sûr que de se rendre dans le Chott El Arab, à portée de canon des Iraniens. On a beau être en paix, les sentiments demeurent. Et la Savama serait ravie de donner un coup de main au Grand Satan contre l’ennemi héréditaire irakien. Tandis que les Jordaniens, qui avaient terriblement besoin d’argent, ne posaient pas de questions.

D’Akaba, le chargement rejoindrait par la route les points d’éclatement…

Jusque-là, il n’y avait rien à craindre. Le Gur Mariner appartenait à une société des Bahamas contrôlée par les Services irakiens. Son équipage était composé en partie d’hommes du Service « action » lourdement armés. À part un torpilleur ou un sous-marin, ils pouvaient repousser n’importe quelle attaque maritime. Ils avaient même des missiles mer-mer, dissimulés dans une construction sur le pont…

Il était finalement satisfait : son travail avait consisté à rassembler et à acheminer tous les éléments du plan Osirak. C’était fait.

Il ne restait plus qu’à régler le cas de Pamela Balzer, mais cela attendrait un peu.

Tarik Hamadi sortit une bouteille de Johnny Walker Carte Noire d’une armoire et s’en versa une grande rasade avec juste de la glace. Se demandant avec qui il allait dépenser son trop-plein d’énergie. Pamela Balzer étant hors du circuit.

* * *

Deux jours s’étaient écoulés. Morton Baxter avait demandé à Malko de rester à Bruxelles, tant que l’affaire ne lui serait pas retirée par Langley. En plus, il avait besoin de lui pour rédiger ses rapports. Pendant ce temps, Pamela Balzer continuait à se ronger les ongles à l’Amigo.

Malko avait téléphoné à son fiancé, le duc de Wittenberg. Comme il l’avait pensé, Mandy Brown s’en était vite lassée et avait repris l’avion pour Londres. Du coup, Pamela Balzer lui paraissait de nouveau avoir toutes les qualités du monde. Seulement, il était un peu gêné après ce qui s’était passé.

Comment va-t-elle m’accueillir ? avait-il demandé.

Très bien, si vous arrivez avec un diamant, avait affirmé Malko qui connaissait les femmes. Encore mieux si c’est un très gros diamant en forme de bague de fiançailles.

Depuis, il n’avait plus de nouvelles…

* * *

Le Gur Mariner filait dans l’Atlantique, surveillé par les appareils de l’aéronavale britannique et américaine. Droit vers le sud, se préparant à contourner l’Espagne pour entrer en Méditerranée. Ensuite, ce serait le Canal de Suez et le golfe d’Akaba.

Pour la suite, il fallait voir les chancelleries. Les Américains avaient déjà expédié notes sur notes aux Irakiens, qui faisaient la sourde oreille… Quant aux Soviétiques, empêtrés dans leurs problèmes intérieurs, ils avaient laissé entendre que la vitrification du Moyen-Orient n’était, après tout, pas la pire des solutions…