Выбрать главу

— Pourquoi ? demanda-t-il.

Elle lui adressa un sourire innocent.

— J’en avais envie. Peut-être recommencerai-je. À Vienne ou ailleurs. Dans ma tête, tu m’as fait jouir. Tu n’es pas comme les autres.

Kurt de Wittenberg était toujours au bar, le regard un peu allumé par le Gaston de Lagrange. Il s’empara du bras de Pamela Balzer et la guida jusqu’à une Lamborghini Countach vert sombre, pas plus haute qu’une table basse.

Pour y entrer, Pamela Balzer dut remonter très haut ses genoux et, à la façon d’un clin d’œil, écarter assez les cuisses pour que Malko puisse voir qu’elle n’avait pas remis sa culotte.

Vroom-vroom. Gestes d’adieu. Avec elle, Kurt de Wittenberg était bien parti. Malko en éprouva presque un remords.

* * *

Les deux Phantom avaient décollé d’une base secrète dans le Neguev et déjà ravitaillé deux fois. Ils volaient à six cents pieds au-dessus de la Méditerranée, aile dans aile, cherchant leur objectif. D’après les coordonnées, ils ne devaient pas en être loin.

Pourtant, ils n’aperçurent rien sur la mer scintillante. Le chef de patrouille refit ses calculs, appela sa base et finit par effectuer des cercles de plus en plus grands, recherchant son objectif volatilisé. Hélas, il ne disposait plus que de quarante minutes d’autonomie… Heureusement, sept minutes plus tard, il repéra le bateau qu’il cherchait et descendit encore un peu pour s’assurer de son identité. Les caméras fixées sous ses ailes cliquetèrent, enregistrant des centaines de clichés.

Le navigateur nota soigneusement le nouveau cap du cargo et prévint le K.137 ravitailleur des coordonnées du prochain ravitaillement. Puis, les deux appareils repartirent vers l’est et prirent de l’altitude afin de consommer moins de pétrole.

* * *

Chris Jones valsait avec une vieille duchesse qui se pressait honteusement contre son corps musculeux en essayant de lui expliquer les subtilités du croquet… Il s’était donné du courage en avalant d’un coup un grand verre de Gaston de Lagrange… Milton Brabeck avait eu plus de chance avec une jeune héritière de Haute-Autriche affligée d’une acné aussi tenace que juvénile, mais dotée d’un corps à damner un saint. Pour être sûre d’être invitée à danser, elle avait mis une robe de cuir noir percée d’ouvertures multiples, qui lui arrivait au premier tiers des cuisses. Dès le début du slow, elle avait tranquillement glissé une cuisse ferme entre celles du « gorille » et se frottait cyniquement à lui. Milton n’avait plus le choix qu’entre l’éjaculation précoce, le viol ou la fuite. Embarrassé et au bord de l’apoplexie, il hésitait encore entre les trois solutions.

C’était pour Malko le dernier bal de la saison et ses invités s’en donnaient à cœur joie dans la grande pièce du premier étage, qu’un grand carré de parquet de Versailles impeccablement ciré permettait d’appeler « salle de bal ». Quelques profonds canapés de Claude Dalle, finement sculptés dans les essences les plus précieuses accueillaient ceux qui préféraient les joies du flirt à la danse. Une sono Samsung remplaçait avantageusement l’orchestre.

Quelques solitaires noyaient leur déception dans un flot de Johnny Walker, de Dom Perignon ou de Stolichnaya.

Malko contemplait Alexandra superbe dans une robe de daim marron au haut de dentelle totalement transparent, qui allumait systématiquement tous ses cavaliers. Leurs retrouvailles n’avaient pas vraiment encore eu lieu : depuis le retour de Malko, elle se refusait systématiquement à lui, exigeant pour se laisser approcher un test anti-sida…

Pour l’instant, il essayait d’empêcher sa cavalière, la jeune Gràfin Thalsbourg de lui faire perdre toute dignité. Sournoisement, cette jeune personne, élevée dans les meilleures institutions françaises, glissait des doigts fuselés entre leurs deux corps et les y agitait en murmurant à son oreille la seule phrase de français qu’elle semblait avoir retenu : « Je voudrais que tu mettes ta queue dans ma chatte »…

Il faut dire à sa décharge qu’elle n’avait pas boudée la vodka et le Dom Perignon. Même Elko, l’œil humide, se prenait à lutiner les servantes les plus aguichantes. Lui qui connaissait pourtant la paix du pantalon depuis belle lurette…

Soudain, le Turc lâcha les hanches plantureuses qu’il tenait, réalisant que le téléphone sonnait depuis déjà un bon moment dans le hall.

Il alla répondre, discuta quelques instants avec son correspondant et finit par aller chuchoter à l’oreille de Malko.

— On vous demande de Washington. C’est très urgent.

Malko eut du mal à s’arracher à la jeune élève des sœurs. Enfin seul, il alla prendre l’appareil et reconnut la voix du chef de la Division des Opérations de la CIA.

— Malko, désolé de vous déranger, annonça l’Américain, mais il y a un gros problème. Les Israéliens viennent de nous prévenir que le Gur Mariner a changé de cap. Il se dirige, semble-t-il, sur la Turquie. Istanbul ou Izmir. J’ai l’impression que vous allez reprendre du service.

Chapitre XVII

L’odeur pestilentielle des eaux croupissantes de la Corne d’Or pénétrait insidieusement dans le taxi, malgré les glaces hermétiquement closes. Elko Krisantem, les narines dilatées, la respirait cependant comme s’il traversait un jardin de roses. Pourtant le bras de mer se terminant en cul-de-sac, qui séparait le vieil Istanbul – Stamboul – de Beyoglu – là où se trouvaient les grands hôtels, les anciennes ambassades et le quartier des affaires –, était un marécage nauséabond où quelques barcasses pourrissaient. Les gros cargos étaient ancrés de l’autre côté du Bosphore, en face de la rive asiatique, plus au sud.

Les véhicules se traînaient sur le pont Galata, dans un concert de klaxons. Derrière le taxi de Malko, une Taunus blanche, avec deux haut-parleurs sur le toit marquée Trafik Polisi, s’égosillait à grands coups de sirène, sans gagner un mètre. Impavides, quelques pêcheurs étaient alignés le long des rambardes du pont, envoyant leurs lignes dans l’eau presque solide à force d’être polluée, guettés par des nuées de cormorans et de mouettes criardes. Malko et ses amis avaient mis une heure et demie pour parcourir les vingt-cinq kilomètres séparant l’aéroport de la ville. La circulation était une horreur. Dans Stamboul – le quartier des Mosquées et du bazar –, on ne pouvait pratiquement plus circuler.

Le chauffeur du taxi contourna un fourgon en panne au milieu du pont, lui jetant au passage.

— Bok soyu[20] !

Vexé, le conducteur du fourgon saisit son cric et commença à courir derrière le taxi en hurlant :

— Pezevenk ! Esseoglu essek[21] !

La carrure impressionnante de Chris Jones assis à côté du chauffeur le fit soudain ralentir. D’ailleurs, à la sortie du pont, la circulation s’accéléra, une partie des voitures se disséminant dans les ruelles tortueuses de Käraköy. Les deux Américains contemplaient cette ville pleine de miasmes avec un silence terrifié. S’ils avaient eu un masque à gaz, ils l’auraient mis immédiatement. Milton Brabeck se mit brutalement à se gratter l’entrejambe, envoyant un regard noir au chauffeur.

Je suis sûr qu’il y a des bêtes ici ! lança-t-il.

Chris Jones ricana.

— T’en fais pas ! On va prendre un bon bain d’eau de javel en arrivant.

— Pour circuler dans une ville comme ça, il faudrait une combinaison d’astronaute, grommela Milton. Tu es sûr qu’ils appartiennent à l’OTAN ?

— Certain, dit Malko en se retournant vers les minarets des cinq cents mosquées qui se détachaient sur le ciel, étagées le long des collines de la vieille Constantinople, dominés par les six flèches de la Mosquée bleue. Ici, les choses n’avaient guère changé depuis un siècle. Cela faisait un drôle d’effet de se retrouver en Turquie, si longtemps après une de ses premières missions[22]. La ville avait grandi comme un champignon et de hideuses constructions neuves avalaient peu à peu les Yali, les vieilles maisons de bois à balcons, qui faisaient le charme de la ville.

вернуться

20

Descendant de merde.

вернуться

21

Maquereau ! Fils d’âne !

вернуться

22

Voir SAS à Istanbul.