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— Je sais, dit le camionneur d’une voix excédée. Tire-toi !

Elko Krisantem remit pied à terre et s’éloigna avec son sac et son journal. Un citoyen modèle venant de faire une bonne action.

Quand il retrouva Malko et Milton, il annonça simplement.

— C’est le camion et le chauffeur a un riot-gun à côté de lui.

Plus les quatre hommes de protection dans la Mercedes…

Malko regarda longuement la semi-remorque et le container à l’intérieur duquel se trouvaient très vraisemblablement les éléments essentiels du plan Osirak. Les Irakiens avaient bien joué. Légalement, ils bénéficiaient de la protection diplomatique : les plombs fermant le container l’attestaient. Quant à une action clandestine, ils pensaient bien avoir une longueur d’avance…

— Qu’est-ce qu’on fait ? demanda Milton Brabeck ?

— Elko, restez là avec la voiture, ordonna Malko. Au cas où le camion bougerait. Ce qui est peu probable étant donné l’état de son pneu. D’après Ucaner, ils ne devraient pas le changer avant ce soir, mais nous ne pouvons pas prendre de risque… Quant à nous, on retourne au MIT.

* * *

Le portail de l’immeuble secret du MIT, à côté du palais Dolmabahce, s’ouvrit silencieusement sur la Ford grise de Malcolm Callaghan et se referma derrière eux. En traversant la cour, Malko aperçut, par une fenêtre ouverte aux verres dépolis, des rangées de femmes, des écouteurs aux oreilles : un centre clandestin d’écoutes téléphoniques…

Okman Askin les attendait dans son bureau, caressant son petit bouc. Ils durent subir l’inévitable cérémonie du café et entendre quelques platitudes avant d’entrer dans le vif du sujet. Le Turc semblait très, très mal à l’aise. Il se jeta enfin à l’eau avec un sourire légèrement crispé :

— Je sors de chez le Premier ministre, annonça-t-il. Il a bien voulu me recevoir quelques minutes, étant donné la gravité de la situation. Malheureusement, son analyse n’est pas tout à fait la vôtre.

— C’est-à-dire ? demanda Malko.

— Il estime que tous les éléments ne sont pas réunis pour une intervention officielle auprès des Irakiens.

Autrement dit, les Turcs ne voulaient rien faire…

— Est-ce que vous êtes bien conscient des conséquences de cette attitude ? demanda sèchement Malcolm Callaghan. Je vais être obligé d’informer immédiatement mon gouvernement que vous refusez de vous opposer à ce que nous considérons comme une grave menace à la paix au Moyen-Orient. Il est à craindre que toute l’affaire ne soit portée à la connaissance du public. D’autant que je suis obligé d’avertir également mes homologues israéliens qui sont concernés au premier chef.

Okman Askin eut un geste apaisant.

— Je n’ai pas dit que nous ne voulions rien faire… Comme vous l’avez souligné, les Services spéciaux ont pour mission de régler ce genre de problèmes.

— C’est-à-dire ? Vous envisagez une action clandestine du MIT ?

Cette fois l’Américain ne se laissait pas démonter.

— Pas exactement, sourit le Turc, mais si vous en avez les moyens, je peux vous affirmer qu’aucun obstacle ne sera mis à votre action.

C’était un comble !

Malcolm Callaghan allait ouvrir la bouche lorsque le chef du MIT précisa suavement.

— Cela vous est d’autant plus facile que vous avez déjà repéré le véhicule en question.

Donc, le MIT les surveillait… Malcolm Callaghan demeura quelques instants silencieux, avant de dire froidement :

— Il va de soi que vous prenez la responsabilité de ce qui peut arriver.

Le Turc fit comme s’il n’avait pas entendu, regarda sa montre et lança d’un ton aimable :

— Je dois me rendre à une importante réunion. Je crois que l’essentiel a été dit. Tenez-moi au courant de la suite des événements.

Ils se serrèrent tous la main froidement et Malcolm Callaghan attendit d’être dans la voiture pour exploser :

— Ces salauds ne veulent pas gâcher le voyage du Premier ministre en Irak ! Après tout l’argent qu’on leur a donné… Je vais parler du problème à l’Ambassadeur. Qu’il intervienne énergiquement.

— Ils ne bougeront pas, coupa Malko. Il faut nous débrouiller nous-mêmes…

La Ford remontait vers Taksim et on voyait apparaître le Bosphore peu à peu avec les toits du palais Dolmabahce.

— Comment ? demanda le représentant de la CIA.

— Je ne sais pas encore, dit Malko, mais on va trouver. Même si on doit faire sauter ce camion.

Chapitre XXI

La suggestion de Malko plaisait visiblement à Milton Brabeck, avide de venger Chris Jones qui se remettait lentement de sa blessure à l’hôpital Pasteur.

— Si on dissimulait une charge explosive à retard sous le châssis, proposa Milton Brabeck. Elko aurait pu le faire tout à l’heure.

— Il faut trouver mieux, objecta Malko. Le camion est en ville, je ne veux pas être responsable d’un massacre.

Le téléphone interrompit leur discussion. C’était Elko Krisantem qui appelait de la planque.

— Ils viennent d’amener un pneu neuf, annonça-t-il, mais ils n’ont pas de cric assez puissant pour soulever le camion. À mon avis il y en a pour plusieurs heures. Une seconde voiture de protection est arrivée…

— Très bien, dit Malko, restez là.

Il était installé dans sa chambre au Marmara depuis leur retour, cherchant désespérément un plan. La CIA ne pouvait guère l’aider, n’ayant pas le temps d’acheminer des renforts. Sur place, il n’y avait que des analystes.

— Milton, demanda-t-il, allez relever Elko, il faut qu’il nous procure des armes un peu plus conséquentes que ce que nous avons. Nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes…

Milton Brabeck s’éclipsa aussitôt. Il avait loué une seconde voiture et commençait à se reconnaître dans le dédale de la ville, grâce à une carte.

Malko entendit à peine frapper à sa porte. Quelques minutes plus tard, il ouvrit pour se trouver en face de Nesrin Zilli. La jeune femme avait des lunettes noires qui ne laissaient voir de son visage qu’une énorme bouche rouge. Elle portait un tailleur de toile jaune. Un gros sac était accroché à son épaule. Sans un mot, elle embrassa Malko, avec une pression de tout son corps, puis ôta ses lunettes. Le regard de ses yeux noirs le réchauffa.

— Surpris ?

— Un peu, dit Malko. Comment saviez-vous que je me trouvais là ?

— Oh, je suis venue un peu au hasard.

Comme la fois précédente, elle s’assit sur le lit, mais sans provocation.

— Je sais tout ce qui se passe, expliqua-t-elle.

— Comment ?

— Okman est mon amant, rappela-t-elle simplement, il me raconte beaucoup de choses. Je suis au courant du problème que vous avez à affronter. Et je viens vous aider.

— Comment ?

Malko était plutôt abasourdi. Nesrin lui adressa un sourire dévastateur.

— Je dispose de certaines informations que même lui ne connaît pas.

— Par le MIT ?

— Non, par nos réseaux…

— Quels réseaux ?

Le sourire s’accentua.

— Vous ne devinez pas ?

Un déclic se fit dans l’esprit de Malko.

— Le Mossad ?

— Vous n’êtes pas lent à comprendre ! dit-elle gentiment. Je ne vous ai pas approché par hasard. Oui, je travaille pour cette organisation. Pour mon pays, en fait. Je suis israélienne, d’origine turque.

Cela expliquait sa liberté sexuelle. Nesrin Zilli continua.

— On m’a envoyée dans ce pays il y a longtemps avec pour mission de pénétrer les Services turcs. J’y suis parvenue puisque j’ai épousé Okman et que j’ai divorcé ensuite. Mais il est resté mon amant. Un très bon amant, d’ailleurs ; contrairement à beaucoup de Turcs, il n’est pas trop macho. Simplement volage… Mais nous parlerons de ceci une autre fois. Voilà ce que je sais. Le camion qui nous intéresse partira demain matin à l’aube – direction la frontière irakienne. Il ne s’arrêtera pas en route et sera escorté par deux voitures de protection fournies par le consulat irakien. Des gens des Services.