Выбрать главу

— Le chauffeur en fait partie aussi ?

— Non. C’est un Turc. Un rescapé d’un groupe d’extrême gauche qui a commis pas mal d’assassinats. Il faut absolument empêcher ce chargement d’atteindre l’Irak.

Malko la regarda, plutôt étonné.

— Puisque le Mossad est au courant de tout cela, dit-il, pourquoi n’agit-il pas ? Vous êtes coutumiers de ce genre d’opération.

— Parce que nous n’en avons pas les moyens. En dépit de ce que disent nos ennemis, nous ne sommes pas des surhommes… Nous aussi, nous avons été pris de court. Nous avons vraiment perdu le Gur Mariner. Chez nous, on avait fini par penser qu’après une escale dans un petit port, il était reparti vers Alexandrie. Nous n’avons pas assez d’avions pour patrouiller dans toute la Méditerranée. C’est vous qui nous avez remis sur la bonne piste. En retrouvant ce container. Seulement, nous n’avons pas le temps matériel d’organiser une opération de commando.

» Vous, vous êtes sur place et vous disposez de quelques moyens, même s’ils ne sont pas importants.

— Et si j’échoue ? demanda Malko.

La jeune femme hocha la tête.

— Dans ce cas, l’état-major de Tsahal a un plan. Désespéré. Envoyer des chasseurs bombardiers détruire ce camion avant qu’il ne passe la frontière turco-irakienne. Mais là encore, outre des conséquences diplomatiques imprévisibles et graves, rien ne garantit le succès : nous n’avons pas le temps d’organiser correctement une telle opération.

Le silence retomba. Malko comprenait mieux la brusque « flambée » de Nesrin Zilli pour lui. La jeune femme demanda d’une voix tendue :

— Vous avez un plan ?

— Oui, en pointillé, dit Malko, mais avec de nouveaux éléments. Je vais essayer de raffiner.

* * *

Heureux comme une femme qui découvre son premier diamant, le vieux boutiquier turc récupéra encore un autre Skorpio, un MP 5 allemand et trois grenades, plus une dizaine de chargeurs pour les armes automatiques.

— Ça va comme ça ? demanda-t-il.

— Parfait, dit Malko.

C’est Elko qui les avait amenés chez ce vieux copain à qui il restait un petit stock d’invendus… Restes de la belle époque de la guerre civile. Il essuya ses yeux chassieux et dit :

— Pour vous ce sera seulement cinq mille dollars. Moitié prix. Il n’y a plus de marché.

Ils enfournèrent le tout dans un sac de toile et quittèrent la petite boutique du bijoutier de Kalpakaan.

Ils redescendirent rapidement la grande allée grouillante de touristes, ruisselante d’or à 14 carats et parfois moins… Il était déjà presque sept heures du soir et la journée était passée très vite. Milton Brabeck leur avait appris que le Volvo avait maintenant un pneu neuf à l’avant mais, conformément aux indications de Nesrin Zilli, n’avait pas bougé. Elle avait avoué à Malko posséder un informateur au sein du consulat irakien.

Comme toutes les fins de journée, la circulation était monstrueuse et ils mirent plus d’une heure à regagner le Marmara. Ils retrouvèrent Milton Brabeck à l’hôtel. Il avait étalé sur le lit les six pains d’explosif – du Semtex –, récupérés grâce à Krisantem, chez un autre de ses amis, avec des détonateurs.

— J’ai réussi à fabriquer une minuterie avec une « Swatch » expliqua le « gorille ». J’espère que ça marchera.

Le plan de Malko était simple. S’emparer du camion à l’aube suivante, juste avant son départ, au moment où les gardes irakiens seraient le moins sur leurs gardes, l’amener dans un endroit désert et le faire exploser. S’il y avait une réaction, liquider les Irakiens.

— Je peux aller voir Chris à l’hôpital, demanda Milton ?

Il disparut et Elko Krisantem alla se reposer dans sa chambre, laissant Malko seul avec Nesrin. La jeune femme, tendue, fumait cigarette sur cigarette. Elle éteignit celle qu’elle était en train de fumer et fixa Malko avec un sourire, qui retroussait son épaisse lèvre supérieure sur ses dents éclatantes. Elle s’approcha jusqu’à toucher Malko, noua ses bras autour de son cou et proposa gaiement :

— One for the road[47] ?

Comme la fois précédente, elle se contenta d’ôter sa jupe et la veste de son tailleur. Quand elle eut bien excité Malko, elle s’allongea sur le dos, les mains accrochées à la tête du lit et dit de sa voix d’amoureuse.

— Vas-y. Sers-toi de moi.

Elle qui était si énergique avait son petit fantasme : devenir un objet sexuel. Ça tombait bien. Malko la laboura lentement, tandis qu’elle l’enserrait entre ses cuisses musclées, puis il se retira et la mit à plat ventre. C’est en le sentant forcer doucement mais implacablement l’entrée de ses reins qu’elle réalisa qu’il prenait son injonction à la lettre… Il la viola d’une seule poussée, lui arrachant un bref cri de douleur, puis il sentit sa croupe se détendre et il put la sodomiser tout son saoul, jusqu’au plaisir final.

Lorsqu’elle se redressa, il vit que son rimmel avait coulé : des larmes de douleur. Nesrin lui adressa un sourire ambigu et dit :

— Je crois que je risquerais de m’attacher à toi, si on se voyait trop souvent.

Malko se dit que presque toutes les femmes qu’il avait rencontrées au cours de ses missions vivaient de la même façon : au jour le jour, appliquant à la lettre l’adage latin, carpe diem[48].

Nesrin Zilli aimait l’amour et la guerre et faisait les deux avec autant de passion. C’était sa dernière détente avant l’ultime affrontement. Pendant qu’elle prenait une douche, il repassa dans sa tête les éléments de son plan.

* * *

Le néon rouge du Denizli clignotait dans la ruelle, éclairant quelques chats perdus et un clochard. Elko Krisantem émergea du night-club en compagnie de Fatos, la danseuse orientale dont le vieux copain d’Elko avait voulu lui faire cadeau… Les phares éclairaient sa silhouette superbe. Si elle n’avait pas eu un visage taillé à coups de serpe, elle eût été splendide avec son corps plein, sa poitrine énorme et ferme et sa chute de reins extraordinaire, cambrée et ronde.

Elle adressa un sourire aimable à Malko et prit place à l’arrière, à côté de Milton Brabeck. Comme il démarrait, elle dit quelque chose en turc à Elko.

— Fatos a faim, traduisit-il, on pourrait s’arrêter en haut de caddesi Isticlal, il y a un snack ouvert.

Ils s’arrêtèrent à l’endroit indiqué et Fatos put se restaurer d’une Iskenbe[49], couvée par un ivrogne qui transportait plusieurs bouteilles dans la doublure de son manteau. Ensuite, ils repartirent par Cumburuyet désert, vers le nord de la ville. Il était un peu plus de cinq heures et demie du matin et le jour se levait.

Malko arrêta la voiture en haut de la rue qui descendait vers le parking où se trouvait le Volvo. Tout son plan reposait sur une hypothèse. Si elle ne se vérifiait pas, il allait être obligé de passer en force. C’est-à-dire d’attaquer le camion en pleine ville, avec les gardes irakiens autour.

вернуться

47

Un dernier pour la route.

вернуться

48

Profite de la vie.

вернуться

49

Soupe aux tripes.