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Malko regarda le cercueil disparaître dans le fourgon et la porte claquer. Les fleurs débordaient de partout. Il se sentait triste. Jadis, il avait eu une brève et agréable aventure avec Heidi Ried. Jack Ferguson passa près de lui et dit à voix basse.

— Rendez-vous dans mon bureau. Dans une demi-heure.

Une voiture de fonction l’attendait un peu plus loin. Le petit groupe se dispersait. Seule la famille allait au cimetière. Elko Krisantem attendait au volant de la Silver Spirit. Il se retourna vers Malko.

— Où allons-nous, Sie Hoheit ?

— Nous déposons la comtesse Alexandra au Sacher et nous filons ensuite à l’ambassade américaine.

Alexandra eut un mouvement d’humeur.

— Je croyais que tu m’accompagnais faire du shopping ?

— Je suis désolé, dit Malko. Jack veut me voir immédiatement.

— Jack ! Jack ! Ce n’est pas lui qui écarte les cuisses quand tu as envie de baiser, remarqua Alexandra avec une charmante verdeur.

Elle était superbe dans un tailleur de cuir vert extra-court qui révélait le triangle blanc de son slip, dès qu’elle s’asseyait. Elle avait négligé de mettre un chemisier. Aussi, dès que les pans de sa veste s’écartaient un peu, Elko Krisantem se trouvait au bord de l’infarctus.

— Si tu en as envie maintenant, proposa Malko à voix basse, glissant une main entre ses cuisses tièdes, je peux retarder mon rendez-vous de quelques minutes…

Ses doigts avaient remonté jusqu’au renflement du pubis. Le regard d’Alexandra se brouilla et son bassin glissa imperceptiblement. Elle adorait se faire prendre dans les endroits les plus inattendus. Depuis sa brève aventure avec la princesse Mathilda von Grünsig, Malko lui avait été d’une fidélité exemplaire et ils étaient de nouveau en pleine lune de miel.

La voiture s’arrêta devant l’hôtel Sacher. Alexandra pivota pour descendre, révélant volontairement le haut de ses cuisses au portier et se pencha vers Malko.

— Après ton rendez-vous, tu m’emmèneras visiter la crypte impériale de Stephan Kirche.

* * *

— C’est moi qui ai transmis les coordonnées du rendez-vous avec John Mac Kenzie à Heidi Ried, expliqua Malko. À l’hôtel Geiger, à Berchtesgaden. Je ne savais rien de plus. Elle devait y retrouver John. Ils avaient déjà travaillé ensemble et ils se connaissaient.

— La rencontre a bien eu lieu, confirma Jack Ferguson. John était arrivé de Munich le matin même. Il suivait un certain Farid Badr. Un Libanais porteur d’un passeport jordanien qui arrivait de New York. Il avait couché au Vierjahrezeiten, à Munich, loué une voiture et pris la route.

Malko était seul avec le chef de la CIA, dans son bureau, dominant le parc d’attractions du Prater, en bordure du Danube. La climatisation bruissait doucement et les bruits de la capitale autrichienne ne parvenaient pas jusqu’à eux. L’Américain avait ôté sa veste, découvrant des bretelles rouges et une chemise rayée assortie. Le tout très britannique. Toutes les trois minutes, il se resservait du café. À plusieurs reprises, sa secrétaire était venue lui apporter des messages urgents de Langley. Vienne était une des stations les plus importantes de la company.

— Qui est ce Farid Badr ? interrogea Malko.

— Un homme d’affaires libanais établi à New York. Très riche. Sa famille possède des immeubles à Beyrouth. Lui a une grosse affaire d’import-export. Il travaille avec tout le monde. Surtout dans l’électronique haut de gamme. Il a montré son nez à l’époque de l’Irangate. Il essayait de se procurer des cartes du programme électronique pour les Phantoms iraniens cloués au sol.

— Il n’a pas eu d’ennuis ?

Le chef de station secoua négativement la tête.

— Non. Il a laissé tomber à temps.

— Pourquoi vous intéressez-vous à lui ?

— C’est le FBI qui nous a signalé une affaire suspecte. Badr s’est mis en cheville avec la seule usine des USA qui fabrique des krytrons et leur a passé une commande, en se faisant passer pour un industriel normal.

— Qu’est-ce que c’est qu’un krytron ?

L’Américain eut un geste vague.

— Un bidule électronique hi-tech. Une sorte d’interrupteur qu’on utilise dans différentes technologies de pointe, avec les lasers, par exemple. Seulement, c’est aussi une sorte d’allumette atomique ! Indispensable pour la mise à feu d’un engin nucléaire. Très peu de pays savent les fabriquer. Leur exportation est formellement interdite. Le FBI, qui surveille de très près les commandes de krytrons, s’est mis en branle dès qu’il a vu le nom de Farid Badr apparaître. Il a laissé faire la livraison, après accord avec la Maison-Blanche et nous, afin de savoir à qui ils étaient destinés. Toute l’opération étant, bien sûr, sous haute surveillance. Badr est parti de New York avec un exemplaire et doit en réceptionner quarante autres à Paris dans quelques jours. Ils sont escortés par vos vieux amis, Chris Jones et Milton Brabeck. Plus quelques gars du FBI.

— Il construit une bombe atomique, ce Badr.

L’Américain ne se dérida pas, se contentant de préciser.

— C’est un intermédiaire qui dispose de capitaux énormes. Nous n’avons pas encore réussi à démonter ses circuits de financement qui passent par des sociétés « off-shore », une chaîne de paradis fiscaux et une banque d’Atlanta. C’est quasiment impossible. Mais il a déjà reçu trois millions de dollars sur son compte depuis le début de l’opération krytrons.

— Pour qui roule-t-il ?

— C’est la question ! reconnut le chef de station. Dans le passé, Farid Badr a traité avec les Iraniens.

— Ils ne construisent pas d’armes nucléaires.

— Non. Le shah avait bien commencé à s’intéresser à la question, en collaboration avec l’Afrique du Sud, mais, depuis, les mollahs ont eu d’autres chats à fouetter. Mais plusieurs pays du Tiers Monde cherchent frénétiquement à se doter de l’arme nucléaire. La Libye, bien sûr, l’Inde, l’Afrique du Sud, l’Argentine, l’Irak et le Pakistan. Sans parler d’Israël qui l’a déjà secrètement mais ne veut pas le reconnaître.

» Le principe de fabrication de l’arme atomique est connu, mais sa réalisation demande un faisceau de moyens haute technologie que très peu de pays possèdent. Ils sont donc obligés de faire des acrobaties pour se procurer, outre le carburant nucléaire, les éléments qu’ils sont incapables de fabriquer. Comme l’exportation de ces composants est absolument interdite, ils ont recours à des circuits tortueux pour tenter de se les procurer. Ce qui me fait penser aux Iraniens. Ceux-ci sont très liés aux Pakistanais, intégristes comme eux. Ils ont pu vouloir leur donner un coup de main…

» Les Pakistanais, d’après nos informations, en sont au stade final de la construction de la bombe A. Dont ils rêvent évidemment de se servir contre l’Inde, leur voisin et ennemi juré.

Malko avala une gorgée de café tiède et fadasse. Une des choses que les Américains ne savaient pas faire, le café. Ce qu’on lui racontait, c’était de l’espionnage technologique. Or, il y avait eu deux morts. Ce qui n’était pas courant.