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— Avec plaisir, dit Malko en se hissant sur un tabouret.

Il attendit que la vodka glacée soit devant lui pour demander :

— Avez-vous aperçu Pamela Balzer ces temps-ci ?

La surprise du barman fit peine à voir. Il adressa un regard de reproche à Malko avant de lui glisser, par-dessus le bar, avec une gentillesse respectueuse :

— Sie Hoheit ! Ce n’est pas une femme pour vous ! Si vous saviez les gens qu’elle fréquente.

— Quelles gens ? Je l’ai pourtant vue dans des soirées très élégantes.

Le barman eut un geste apitoyé.

— C’est à cause de ce jeune duc de Wittemberg. Il est absolument fou d’elle et il la traîne partout. Comme c’est une des plus grandes familles de ce pays et que sa fortune n’a pas été entamée par son train de vie, on n’ose pas lui en faire la remarque. Elle le mène par le bout du nez… Il lui a offert une émeraude qui vaut, paraît-il, deux millions de shillings. Et elle a presque dix ans de plus que lui…

— Elle ne sort qu’avec ce garçon ?

— Vous plaisantez, Sie Hoheit ! Il y a quatre jours, elle était à cette table, avec un Arabe noir comme du charbon et un drôle de type presque chauve, un étranger. Il lui triturait les cuisses comme un malade. J’ai cru qu’il allait se jeter sur elle dans ce bar.

— Qui était-ce ?

Le barman secoua la tête.

— Je l’ignore, Sie Hoheit. Aucun des deux n’était à l’hôtel. Il me semble avoir déjà vu le plus grand à deux ou trois reprises, mais je ne sais rien de lui.

Malko but une gorgée de vodka. Quatre jours, c’était la veille du meurtre de Berchtesgaden.

— Vous êtes sûr de la date ?

— Absolument. Je me souviens même que Frau Balzer a redemandé de la glace avec son Cointreau et que l’Arabe a commandé une bouteille entière de Johnny Walker, carte noire.

— Décrivez-moi cet Arabe.

— Grand, athlétique, une énorme moustache, les cheveux courts, l’air d’une brute. Une grosse chevalière à la main gauche, en or. C’est lui qui a payé, avec un billet de 10 000 shillings.

Malko enregistra. Cela ne l’avançait guère. Au moment où il glissait de son tabouret, le barman ajouta d’un ton confidentiel.

— En plus, je la vois souvent avec des gens de l’OPEP, des Arabes qui viennent traîner ici tous les soirs. Ce n’est pas brillant.

Malko remercia le barman et se retrouva sous le soleil. Il allait falloir un montage d’enfer pour aborder Pamela Balzer. Mais, d’abord, il devait s’assurer que la CIA ne se mettait pas le doigt dans l’œil. Si elle n’était pour rien dans le double meurtre, inutile de se casser la tête. Il regagna le Sacher à pied. Elko Krisantem sortit de sa Rolls, garée devant l’hôtel et vint au-devant de lui.

— Monsieur Ferguson, de l’ambassade américaine, vous a téléphoné. Il faut le rappeler d’urgence.

Malko monta dans la Rolls et composa la ligne directe du chef de Station. Jack Ferguson semblait très excité.

— Venez vite, dit-il. J’ai une information importante. Je ne veux pas en parler au téléphone.

* * *

— J’avais mis un « stringer » sur le coup, expliqua l’Américain. Il a farfouillé pour une enquête d’environnement et découvert que la fameuse Volvo 480 a été à la révision la veille de l’incident de Berchtesgaden.

— Et alors ?

— Alors, fit triomphalement l’Américain, on a noté le kilométrage au garage ! Il suffit de le comparer à celui du compteur aujourd’hui… Pamela Balzer ne se sert de sa voiture que durant ses week-ends. Nous avons vérifié qu’elle n’a pas bougé de Vienne ces jours-ci.

— Où est sa voiture ?

— Dans son parking. Gardé. Ou devant chez elle.

Malko réfléchit rapidement.

— Bien, je vais m’en occuper.

* * *

De la contre-allée du Schubertring, Malko surveillait, sans problème, l’entrée du garage souterrain de Pamela Balzer. Depuis une demi-heure déjà.

Grâce à quelques judicieux coups de fil, il avait appris qu’elle devait déjeuner avec son fiancé au Palais Schwartzenberg. Il était une heure. Elle n’allait pas tarder…

Le museau noir de la Volvo 480 surgit doucement de l’entrée souterraine et il aperçut, derrière le volant, le profil inoubliable de Pamela Balzer, avec la masse de ses cheveux noirs tombant sur ses épaules. Elle tourna à droite, accélérant aussitôt.

— Allons-y Elko ! lança Malko.

La Rolls décolla du trottoir et se mit à suivre la Volvo à distance respectueuse. Pamela Balzer conduisait sec et ils eurent du mal à ne pas la perdre. Elle stoppa Schwartzenbergplatz, en face du vieux palais transformé en restaurant.

— Faites ce que je vous ai dit, ordonna Malko.

Le Turc ralentit, laissant le temps à la jeune femme de garer sa voiture. Au moment précis où, encore à l’intérieur, elle ouvrait toute grande la portière, il lança la Rolls.

Dix secondes plus tard, le pare-chocs avant de la Silver Spirit arrachait pratiquement la portière entrouverte de la Volvo, la rabattant contre l’aile dans un horrible bruit de ferraille.

Malko sauta en voltige de la Rolls stoppée cinq mètres plus loin et courut vers la jeune femme debout à côté de sa voiture, contemplant les dégâts. Pamela Balzer portait un tailleur en piqué blanc très élégant, dont la jupe déjà courte était relevée sur le côté gauche, découvrant jusqu’à l’aine une cuisse gainée de noir. Comme ses yeux qui jetaient des éclairs.

— Votre chauffeur est un imbécile ! écuma Pamela Balzer. Où avait-il la tête ? En plus, il avait largement la place de passer. Je suis en retard pour déjeuner ! Je ne peux pas laisser cette voiture dans cet état.

Malko réussit à attraper sa main droite pour la baiser. Son regard d’or aurait fait fondre une banquise.

— Sehr Genige Fräulein[7], dit-il avec son plus bel accent viennois, je suis totalement désolé. Je vais le licencier. Mais, avant, laissez-moi me faire le plaisir de vous conduire où vous le désirez.

— Je vais en face. Mais ma voiture !

— Tout est de ma faute ! Je vais m’en occuper, la faire remorquer dans votre garage. Bien entendu, ne prévenez même pas votre assurance, je prends tout à ma charge…

Devant des paroles aussi conciliantes, Pamela Balzer commença à se calmer et son regard s’adoucit un peu. Elle était vraiment superbe, pulpeuse à souhait, avec sa grande bouche bien dessinée et ses prunelles sombres d’Orientale. Le tailleur accentuait la minceur de sa taille, et s’ouvrait sur un bustier en dentelles mauves qui offrait ses seins comme sur un plateau. Le duc de Wittenberg avait bon goût.

Elko Krisantem, debout à côté de la Spirit, attendait, le regard baissé, celui d’un chien battu.

— Dumkoft ! lança Malko pour faire bonne mesure. Vous avez gâché la journée de cette adorable jeune femme. Essayez de vous racheter en conduisant cette voiture au garage de son choix.

Pamela Balzer observait Malko avec un sourire de commande, les sourcils froncés.

— Il me semble vous avoir déjà rencontré…

Malko s’inclina légèrement.

— Je suis le prince Malko Linge. Nous nous sommes croisés dans quelques dîners et j’avais déjà été impressionné par votre beauté.

Elle sourit, flattée, et lui jeta un regard interrogateur.

— Vous êtes certain de pouvoir vous débrouiller ?

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7

 Très charmante demoiselle