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— Je suis d’accord, dit le capitaine adjoint Malina. Mais je suis sûr que ce n’est pas un membre des équipes de poussée ou d’énergie. Je les connais tous depuis l’époque où ils étaient étudiants, et même avant.

Vous pourriez avoir une surprise, pensa Kaldor. Qui peut se vanter de vraiment connaître quelqu’un ?

— Très bien, dit le capitaine en se levant. Voici ce que j’ai déjà décidé. Et, on ne sait jamais, je crois que je devrais relire un peu d’histoire. Je me souviens que Magellan a eu quelques ennuis avec son équipage.

— C’est indiscutable, répondit Kaldor. Mais j’espère bien que vous, vous n’aurez à abandonner personne sur une île déserte.

Ni à pendre l’un de vos officiers, ajouta-t-il à part lui ; ce serait un terrible manque de tact d’évoquer ce détail historique particulier.

Et ce serait encore pire de rappeler au capitaine Bey — qui ne l’avait certainement pas oublié ! — que le grand navigateur avait été tué avant de pouvoir achever sa mission.

32

La clinique

Cette fois, le retour à la vie n’avait pas été si bien préparé à l’avance. Le second réveil de Loren Lorenson ne fut pas aussi confortable que le premier ; il se révéla même tellement désagréable qu’il regrettait parfois de n’avoir pas été abandonné aux profondeurs de l’oubli.

Il avait des tubes dans la gorge, des fils attachés aux bras et aux jambes. Des fils ! Il fut brusquement repris de panique au souvenir de ce câble qui l’entraînait inexorablement dans les profondeurs, mais il se maîtrisa vite.

Autre chose l’inquiétait, il avait l’impression de ne pas respirer ; il ne détectait aucun mouvement de son diaphragme. Bizarre … et puis il se dit qu’on lui avait certainement fait un by-pass des poumons …

Une infirmière dut être alertée par ses écrans de contrôle car brusquement il entendit une voix douce à son oreille et sentit tomber une ombre sur ses paupières, encore trop fatiguées pour se soulever.

— Vous allez très bien, capitaine Lorenson. Vous n’avez pas de souci à vous faire. D’ici à quelques jours, vous serez sur pied. Non …, n’essayez pas de parler.

Je n’en avais aucunement l’intention, pensa Loren. Je sais exactement ce qui s’est passé …

Il perçut le léger sifflement d’un jet de seringue, une brève sensation de glace dans le bras et, de nouveau, le bienheureux sommeil.

La fois suivante, à son grand soulagement, tout était bien différent. Les tubes et les fils avaient disparu. Même s’il se sentait très faible, il ne souffrait pas. Et il respirait régulièrement, sans effort.

— Salut, dit une voix masculine à quelques mètres de lui. Bienvenue à bord.

Loren tourna la tête et eut la vision floue d’une figure pansée dans un lit voisin.

— Vous ne devez pas me reconnaître, capitaine Lorenson. Lieutenant Bill Horton, ingénieur des communications … et ex-surfeur !

— Ah, bonjour, Bill. Qu’est-ce qui vous est arrivé ? murmura Loren, mais l’infirmière arriva et mit fin à la conversation avec une nouvelle piqûre.

Maintenant, il était tout à fait en forme et n’attendait que l’autorisation de se lever. Le commandant-médecin Newton estimait que, dans l’ensemble, il valait mieux que ses malades sachent ce qui leur arrivait et pourquoi. Même s’ils ne comprenaient pas, ça les calmait et leur présence irritante ne gênait pas trop la routine bien ordonnée de la clinique.

— Vous vous sentez peut-être très bien, Loren, mais vos poumons sont encore en train de se réparer et vous devez éviter toute fatigue tant qu’ils ne seront pas redevenus normaux. Si l’océan de Thalassa était comme ceux de la Terre, il n’y aurait pas eu de problème. Mais il est beaucoup moins salé, il est même potable, souvenez-vous, et vous en avez bu un litre ou davantage. Et comme vos sérums corporels sont plus salés que la mer, l’équilibre isotonique a été bouleversé. La pression osmotique a donc endommagé les membranes. Nous avons dû nous livrer à une recherche accélérée dans les archives du bord avant de pouvoir vous soigner. Après tout, la noyade n’est pas un accident habituel, dans l’espace.

— Je serai un bon malade, promit Loren. Et j’apprécie vivement tout ce que vous avez fait. Mais quand pourrai-je recevoir des visites ?

— Il y en a une qui attend dehors en ce moment. Vous pouvez disposer d’un quart d’heure. Et puis l’infirmière la mettra à la porte.

— Et ne faites pas attention à moi, dit Bill Horton. Je dors profondément.

33

Marées

Mirissa ne se sentait pas bien du tout et, naturellement, c’était à cause de la pilule. Mais elle se consolait en se disant que cela pourrait se produire encore une fois … quand (et si !) elle aurait le second enfant qui lui était permis.

C’était incroyable de penser que presque toutes les générations de femmes qui avaient existé avaient été contraintes de supporter ces désagréments pendant la moitié de leur vie, et tous les mois. Elle se demanda si c’était par pure coïncidence que le cycle de fécondité concordait approximativement avec l’unique Lune géante de la Terre. Si ça se passait de la même façon à Thalassa, avec ses deux satellites rapprochés ! Peut-être était-ce bon que leurs marées soient à peine perceptibles ; la pensée de cycles de cinq et sept jours constamment en opposition était si comiquement horrible qu’elle ne put s’empêcher de sourire et elle se sentit immédiatement beaucoup mieux.

Il lui avait fallu des semaines pour prendre sa décision, et elle n’en avait pas encore parlé à Loren, encore moins à Brant qui réparait la Calypso à l’île du Nord. Aurait-elle agi ainsi s’il ne l’avait pas quittée, s’il n’avait pas pris la fuite sans se battre, en dépit de toutes ses fanfaronnades ?

Non, c’était injuste … une réaction primitive, préhumaine, même. Pourtant, de tels instincts avaient la vie dure ; Loren lui avait avoué, avec contrition, que parfois Brant et lui s’affrontaient dans les corridors de ses rêves.

Elle ne pouvait rien reprocher à Brant ; au contraire, elle devait être fière de lui. Ce n’était pas par lâcheté mais par considération qu’il était parti dans le nord en attendant qu’ils règlent tous deux leur destin.

Mirissa n’avait pas pris hâtivement sa décision ; elle comprenait maintenant que, depuis des semaines, c’était là, au bord de sa conscience. La mort temporaire de Loren lui avait rappelé — comme si elle en avait besoin — que bientôt ils devraient se séparer à jamais. Elle savait ce qui devait être fait avant qu’il reparte vers les étoiles. Et son intuition lui disait qu’elle avait raison.

Que dirait Brant ? Comment réagirait-il ? C’était un des nombreux problèmes à affronter.

Je t’aime, Brant, murmura-t-elle. Je veux que tu reviennes. Mon second enfant sera le tien.

Mais pas mon premier.

34

Combord

Comme c’est bizarre, pensait Owen Fletcher, que je porte le même nom qu’un des plus célèbres mutins de tous les temps ! Serais-je un descendant ? Voyons un peu … il y a plus de deux mille ans qu’ils ont accosté dans l’île de Pitcairn … disons cent générations, c’est plus facile.

Fletcher était naïvement fier d’être aussi bon en calcul mental, ce qui, bien qu’élémentaire, surprenait et impressionnait l’immense majorité des gens ; depuis des siècles, l’homme poussait des boutons quand il devait résoudre le problème de deux plus deux. Bien se souvenir de quelques logarithmes et constantes mathématiques, cela aidait énormément et rendait son numéro encore plus mystérieux pour ceux qui ne savaient pas comment il faisait. Naturellement, il ne choisissait que des exemples qu’il savait pouvoir résoudre et il était bien rare que quelqu’un prenne la peine de vérifier ses résultats.