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– Tu veux quelque chose?

Ce qui l'a fait éclater de rire, puis me regarder fixement, lueur amusée au fond des yeux, rien d'inquiétant:

– Je veux voir ce qui se passe là-dedans.

– Si ça t'ennuie pas, je vais appeler une autre fille, je fais pas ça avec des gens que je connais.

Mais il a fait remarquer:

– Moi, je m'en fous de regarder une fille que je connais pas le faire. Tu fais ça pour n'importe qui et moi tu me jettes comme un clochard? Je te demande pas une faveur, juste de faire comme d'habitude.

Je me suis rassise correctement, cuisses amplement écartées, vulve en avant, mains sur les hanches, poitrine bien dégagée.

Il regardait autour de lui, apparemment pas pour se donner une contenance, mais pour bien profiter de chaque détail. Il expliquait:

– Alors c'est ça le temple du vice… J'imaginais ça plus luxe. C'est putain de cher ici, et les lascars y protestent pas?

Je l'ai interrompu, mal à l'aise, effort pour le dissimuler, un peu sèche:

– Si on doit tout faire comme d'habitude, on va pas rester hors sujet trop longtemps. T'as qu'à la sortir et te branler, ça me mettra dans l'ambiance.

Il a baissé sa braguette, sourire et regard fixe, comme si je l'avais mis au défi.

Il avait ce genre de queue robuste, grande et droite. J'avais beaucoup de respect pour les types qui en sortaient une comme ça. Ça me faisait l'effet d'une image du bien, une représentation de l'honnêteté. Ça m'a changé le comportement, spontanément. Davantage de douceur, de bienveillance. Je me suis mise à aller doucement, à me mettre en train en me caressant.

Il n'avait pas les yeux exorbités, il n'avait l'air ni idiot ni dément, il ne s'est pas mis à radoter des trucs stupides, il est resté tel quel, quand ça a commencé. Il était attentif, presque attristé.

S'est approché de moi, ses mains étaient énormes et ses doigts s'enlaçaient au grillage, il était bien assez puissant pour menacer de l'arracher si l'envie l'en prenait.

Et je me suis mise tout près, à quelques centimètres, sans le lâcher des yeux, et les siens me regardaient partout; sa main allait et venait, tout doucement au départ, le long de sa queue, il me regardait faire, vigilant et tendu, et ses doigts se crispaient, agrippés aux maillons, l'autre main astiquait, de plus en plus vite.

Bassin tendu en avant, pratiquement debout en face de lui, plaqué ma main sur la sienne, haletante et désordonnée, ça m'a fait feu dedans quand j'ai vu tout sortir, lui recouvrir un peu la main.

Je me suis rassise, étourdie, bien contente et très contentée. Il souriait largement, aucune trace de rancœur ni de gêne dans ses yeux, il a dit:

– T'es vraiment en commerce direct avec le diable, toi. Je sais pas si tu fais semblant, mais tu fais ça putain de bien…

– J'ai pas à me forcer.

J'ai ajouté:

– Pas courant, comment c'était, en attendant qu'il se rhabille.

Et je ne mentais pas, ça avait été putain de violent, ça avait été putain de bien. J'ai quand même pensé à prévenir avant qu'il sorte:

– Si on se croise ce soir ou demain, ailleurs qu'ici… ça change rien…

Ça avait l'air de couler de source, il a souri, il avait des yeux comme sur les photos de guerre, quand les gens sont vraiment usés, creusés par la peur et la douleur:

– Bien sûr que ça change rien… C'est ton travail, tu fais comme ça avec tout le monde… T'inquiète pas, c'est pas mon truc, je voulais juste voir…

J'ai attendu qu'il soit bien sorti pour rejoindre le cagibi. C'était mon travail, je le faisais avec n'importe qui. Paradoxalement, ça faisait toujours quelque chose de se l'entendre rappeler. Mais je ne voulais pas l'admettre, pas les moyens. J'ai rejoint le cagibi en pensant à Roberta.

Les deux filles étaient là, m'ont jeté un drôle de regard parce qu'elles m'avaient entendue crier. J'ai expliqué aimablement:

– Ce boulot, c'est comme tout: quitte à le faire, autant le faire bien.

En fourrageant dans mon casier, à la recherche de la boulette. Je me suis assise face à la table de maquillage et j'ai commencé à brûler le biz sur un magazine ouvert.

Bien comme ça, ça n'arrivait pas souvent. Et je savais que ce genre d'épisode me suivait pendant plusieurs jours, images marquantes sélectionnées d'elles-mêmes, remontaient n'importe quand et m'allumaient au ventre.

Même à ce stade de l'excitation, je n'envisageais pas un instant d'aller plus loin. Je savais comment c'était, quand on me collait la fièvre et l'envie de le faire, quand j'empoignais quelqu'un, coller mes mains partout et laisser faire pareil. La limite bien tangible, quand me venait la ferme intention de l'exploser.

Jusqu'au moment donné, le moment d'être tout près, dès que je sentais une paume sur moi, dessous l'habit, et ça commençait à cogner, je me recroquevillais, souffle court, plus très bien. Panique montante, alarmes assourdissantes, je suffoquais, une peur terrible. Alors les doigts posés sur moi se faisaient menaçants, ou bien la bouche se collait à la mienne et faisait monter du vomi. Je ne contrôlais plus rien, basculée, fureur blanche, et je me mettais à cogner. Je pouvais être raide défoncée et ruisseler comme une chienne juste la seconde avant. Il y avait toujours le moment déclic où je me mettais à cogner. Je bénéficiais de l'effet de surprise, puisqu'on quelques secondes j'étais passée du consentement avide à la colère la plus rageuse. Les premiers coups assenés avec le maximum de force me suffisaient pour me détacher, et les types étaient tellement abasourdis, souffle coupé, plies en deux, parce que je tapais dans l'estomac, dans les couilles et dans les tibias successivement, du plus fort que je pouvais, parce qu'il fallait absolument arrêter ça. Il ne fallait pas le faire.

Ces quelques tentatives s'étaient révélées très embarrassantes, parce que ce n'était pas évident de se trouver une explication adéquate.

Je le tenais donc pour acquis: même pas la peine d'essayer.

J'aurais été incapable de dire à quoi ça tenait. Je n'y réfléchissais jamais, et ça aurait été comme de demander à quelqu'un de décrire comment ça se passe dedans quand il respire et ce qui se passe exactement quand on l'étouffé. Manque d'air, c'est tout. Insupportable, même pas la peine.

J'ai roulé le biz, d'une oreille distraite et discrète j'écoutais les filles qui parlaient… Rien de bien drôle.

Et puis j'en ai eu marre d'être là, je me suis levée, je venais de prendre une décision comme j'en avais le secret et je suis allée voir Gino:

– Je me sens pas bien, je voudrais rentrer… Je sais, c'est lourd pour toi de me remplacer, mais là, ça va pas trop…

En fait, ça allait plutôt bien mieux qu'en arrivant, mais j'avais envie de prendre l'air, et je ne voyais pas pourquoi Roberta aurait des congés et pas moi… À ma grande surprise Gino n'a pas hurlé:

– Je vais me débrouiller avec les deux jusqu'à ce soir… Rentre chez toi, repose-toi.

J'ai pris un air hautement accablé:

– Je te remercie.

20 H 30

Arrivée devant ma porte, j'ai fouillé la doublure intérieure de mon blouson et, ne trouvant pas mes clés, j'ai sonné. Le temps que Guillaume arrive, j'ai croisé la voisine qui rentrait chez elle, avec un garçon qui n'était pas le voisin mais la faisait rire trop fort.

– T'es déjà sortie?

– J'en avais marre d'être là-bas.

– Vont quand même bien finir par te virer un jour ou l'autre. Comme ça on pourra aller faire des tours en ville ensemble.

Guillaume était tout seul, installé devant la télé. Il conduisait un bolide très bruyant et se qualifiait pour une course sur le circuit de Monaco:

– Regarde-moi, je vais tous les griller. Déjà, je commence le premier, et tu connais mon style, je vais rester premier tout le long.

À la cuisine j'ai ouvert le Frigidaire par simple automatisme, des fois qu'il soit rempli. Bon réflexe: Guillaume avait dû passer chez la mère et il avait rapporté de la viande et des bières.