Il était face à un placard et je suis passée derrière lui pour m'asseoir à la table de la cuisine, il s'est retourné, a fait un pas vers moi, j'ai reculé instinctivement.
M'a saisie aux épaules, poussée sur la table, une main sur ma bouche et de l'autre appuyé une lame contre la gorge, le couteau qu'il venait de sortir du placard, bien calé à l'angle que fait la gorge avec le menton, j'ai eu l'impression que ça tranchait, il a écarté mes jambes avec les siennes, j'ai cherché à mordre sa main, mais je n'attrapais rien parce que sa paume était bien plate et, collée fermement contre mes lèvres, m'empêchait de les ouvrir, il n'avait pas l'air de faire d'effort, il me maîtrisait sans peine et mes jambes battaient l'air, penché sur moi, souriant, il disait:
– Et maintenant, qu'est-ce que tu racontes?
J'ai senti le truc céder dans moi, la peur saisissante me grimper le long des flancs, s'enrouler dedans et je l'ai repoussé avec toute la force tressée à la terreur parce que je ne pouvais pas supporter qu'il soit contre moi, je me foutais de savoir s'il voulait se servir du couteau pour m'ôter de la peau, tout ce que je savais c'est que je le sentais trop près, et je ne supportais pas ça, s'il ne s'éloignait pas tout de suite j'allais suffoquer à en crever, et j'ai réussi à me dégager.
Il m'a rattrapée, je n'avais jamais été en face d'un homme qui cogne comme ça, et je n'avais pas l'avantage de l'effet de surprise, j'en ai pris un dans la joue, j'ai senti mes os se broyer et un second pile au ventre, son poing bien serré cognait avec rage et précision. Pliée en deux, je suis tombée à la renverse.
Et il était sur moi, de nouveau, avait lâché son couteau et me tenait par les cheveux, toujours souriant, pas paniqué, il ne doutait pas une seule seconde de son avantage, j'ai ouvert la bouche pour crier et en me tenant fermement la tête il m'a tapée contre le soclass="underline"
– Faut pas faire de bruit… Dis-moi de quoi t'as peur… doucement… Qu'est-ce qui te fait peur à ce point?
J'ai encore relevé la tête pour le mordre et mes mains se tordaient, se brisaient contre lui et quels que soient les gestes que je faisais, quelle que soit la force que j'y mettais, j'avais la sensation de l'effleurer, d'être parfaitement dérisoire, contenue, facilement contenue. Et plus je me débattais, plus je le sentais lourd, et son sourire allait s'élargissant:
– Tu te débats drôlement bien… tu sens ce que ça me fait, quand je sens que tu veux pas et que tu cherches à t'échapper, tu sens ce que ça me fait?
Et je sentais bien qu'il bandait tellement dur que ça faisait comme s'il avait glissé un objet dans son pantalon.
Lutte paniquée, puis une de ses mains est descendue vers mon jean, pour défaire le bouton. Je rampais sur le sol, je crapahutais autant que je le pouvais, je ne gagnais que quelques centimètres et il était de plus en plus lourd sur moi, et je ne pouvais pas imaginer qu'il réussisse à descendre mon pantalon, le faire glisser jusqu'à mes chevilles, tirer sur mon slip, l'arracher d'un simple mouvement du poignet, m'écarter les cuisses avec les siennes.
Je me débattais tellement et le criblais de coups et je rampais dessous en essayant de lui échapper.
Il s'est aidé d'une main, coup de reins, rentré dedans et je n'ai même pas crié, j'étais tellement sûre que j'allais en mourir.
Second coup de reins, longtemps après le premier, même brusquerie, comme s'il venait chercher quelque chose au fond.
Je regardais les pieds de la table, emmêlés aux pieds des chaises, par terre un emballage de Toblerone traînait.
Tu le savais en venant, tu savais qu'il ne fallait pas venir; alors qu'est-ce que t'es venue foutre là?
Je me suis rendu compte que ça avait duré un long moment, avant qu'il ne soit dedans, parce que j'étais essoufflée comme d'avoir couru des kilomètres et mes membres douloureux à force d'avoir résisté, repoussé.
Résisté? Repoussé? Et il est où maintenant? Dehors peut-être?
Mouvements de va-et-vient, je sentais ma joue, douloureuse, et tout le dedans dégueulasse. Chaque bouffée d'air était chargée de son souffle.
Et entre tes jambes, tu le sens? dedans, tu le sens bien? Papier de verre, qui te déchire les tissus, tu le sens maintenant. Il ne fallait pas venir, et tu le savais.
Il se frayait une place dedans, creusait son trou, je le sentais m'écarter, frotter contre, lutter pour me déchirer, va-et-vient, tout doucement, jusqu'au fond, à chaque fois.
Ça n'avait rien d'une douleur terrible, c'était juste extrêmement désagréable, et je sentais distinctement qu'il dérangeait des choses dedans, qu'il me cassait parce qu'il n'y avait pas la place et celle qu'il prenait m'arrachait des choses à l'intérieur, des organes qui m'étaient certainement vitaux et qu'il endommageait, mutilait, coups de reins réguliers, me creusait, je n'opposais plus aucune résistance, je sentais que je pissais le sang et son truc dedans me brûlait, râpait et cognait.
Il se tenait un peu relevé, me fixait et je regardais de côté.
Il est venu bien au fond, s'est calé là et a arrêté de bouger, a demandé:
– Tu as peur?
– Je m'emmerde, j'espère que tu as bientôt fini.
– Tes rudement serrée, c'est pas désagréable, mais t'es vraiment serrée… Tu te demandes si ensuite je vais te faire du mal?
– À vrai dire, je m'en fous, j'attends que tu ressortes maintenant que tu y es.
– Moi, je veux que tu aimes ça.
Ça le faisait sourire et, de la même façon qu'il n'avait pas douté un instant qu'il pouvait me le faire de force, il ne doutait pas un instant qu'il pouvait réussir à me le faire aimer de force.
J'ai essayé de me dégager, encore une fois, et il m'a attrapée par les hanches, clouée au soclass="underline"
– Arrête avec ça ou je vais finir par te massacrer.
Mais ça n'avait plus tellement d'importance.
Des années que t'en fais toute une histoire. Finalement, ça n'a rien de si terrible, il est dedans maintenant, mais qu'est-ce que tu t'imaginais, que ça allait te transpercer le cerveau?
Je regardais de l'autre côté, le tapis mal nettoyé plein de brins de tabac et de miettes, mais quand on était debout ça ne se voyait pas.
C'est juste que t'es en train de te vider de tout ton sang, une hémorragie, tu sens en bas comme ça fait mal? Fallait pas venir, c'est plus le moment de se plaindre. Et ça fait pas si mal.
Alors Victor a posé sa bouche sur la mienne, et j'ai senti sa langue dedans ma bouche, l'ai mordue de toutes mes forces, et j'ai senti son sang et sa main s'abattant sur ma tempe, il s'est dégagé et m'a frappée encore, je n'avais plus assez de force pour me battre, et j'ai vu qu'il souriait encore.
14 H 00
J'étais restée couchée, inerte, jusqu'à la fin des choses. Quand il s'était relevé, je m'étais laissée glisser sur le côté, coup d'œil au sol pour voir le sang que j'avais laissé à cause des choses dedans déchiquetées. Mais il n'y avait pas une seule tache sur la moquette. J'avais pourtant senti clairement des organes vitaux se distendre et céder, j'avais senti le sang dessous moi se répandre. Je me suis assise pour vérifier, j'ai senti du chaud me dégouliner le long des cuisses, et tout ce que j'ai récupéré au bout de mes doigts, c'était du foutre à lui, comme de la glaire blanche visqueuse, à peine mêlé de rose, très légèrement teinté, presque rien.
Assise sur la banquette, jambes repliées sous moi, j'avais l'impression qu'il y était encore. Son empreinte bien brûlante, en milieu de ventre, omniprésente et douloureuse. Il me semblait que je la garderais toujours, intacte et blessante.
Il s'était retiré depuis un moment. Il était tout à fait calme, je pouvais le sentir à distance, plutôt content et très paisible. Accroupi devant la chaîne, il remuait les cassettes, les retournait dans tous les sens, m'a finalement demandé: