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Guillaume a conclu:

– Mais ça va, t'as pas l'air trop abattue?

– N'empêche que ça m'apprendra à bien regarder le conducteur avant d'ouvrir ma gueule.

– Je te paie à boire?

On est entrés dans le café de la mairie, odeur de produit à laver les sols des collectivités, qui rappelait la cantine.

On s'est assis l'un à côté de l'autre et une odeur a effacé celle du produit en quelques secondes, qui me montait du bas-ventre, je puais le foutre, une infection, on ne sentait plus que ça.

J'ai attendu que Guillaume fasse une remarque parce que ça se sentait vraiment fort, mais il parlait d'autre chose:

– Je sors de la mairie, ils sont à tuer là-dedans, t'imagines pas…

Il me parlait de sa journée:

– J'ai croisé Cathy tout à l'heure… Elle travaille avec Roberta comme hôtesse dans un bar que Mme Cheung vient d'ouvrir… Elle a dû me répéter ça quelques fois pour que je le croie, mais bon au moins elles sont rassurées toutes les deux, il paraît qu'elles sont sérieusement protégées. Elle raconte que des gens ont vu la cassette de l'exécution des deux Parisiennes. Tu crois que ça se peut, toi?

J'ai répondu avec un haussement d'épaules:

– Bien sûr que non… Moi, je pense comme Sonia: c'est Mme Cheung qui a commandé ça au départ pour foutre la zone chez nous. Ils t'ont dit quoi à la mairie, ça sera bientôt bon pour tes papiers?

– À force de leur prendre la tête, ils m'ont promis que je les aurai dans la semaine… Mais tant que je les ai pas en main, je reste sceptique.

– Tu finiras par les récupérer et grimper dans l'avion, ça va être bien là-bas.

Laure est passée devant le café, obnubilée par Macéo qui ne l'attendait pas et elle n'arrêtait pas de l'appeler: «Au pied, au pied.» Guillaume a remarqué:

– Faut être con pour prendre un chien pareil, t'as vu comment il est gros?

Et je me suis sentie soulagée qu'elle passe sans nous voir et sans s'arrêter, parce que j'avais envie d’être tranquille avec lui, une inquiétude à faire taire.

Faut pas que tu me laisses, comment ça se fait que tu sais pas ça?

VENDREDI 15 DÉCEMBRE 10 H 00

Le lendemain au réveil, j'ai pris la résolution de parler à Mireille de ce qui s'était passé.

Le souvenir de la veille était tellement incroyable que j'aurais pu croire l'avoir rêvé.

Sauf que la brûlure à l'entrejambe n'avait rien de chimérique.

Guillaume n'avait pas dormi là.

À côté, les voisins étaient deux à nouveau et s'engueulaient déjà, elle disait:

– Mais si c'est pour me parler comme ça, il ne fallait pas revenir.

– Comment veux-tu que je te parle autrement? Tu vas peut-être m'expliquer qu'il ne s'est rien passé, et que rien n'a changé?

– Va te faire enculer, si c'est pour me traiter comme une putain, sors d'ici…

Et il avait à peine claqué la porte, elle se précipitait derrière lui, continuait la scène sur le palier, lui demandait de revenir en hurlant. Et il remontait.

Pendant que je buvais mon café, je me sentais endurcie, lucide et résolue. J'écoutais Bob chanter qu'il se sentait mal à nouveau, et qu'il se doutait bien qu’il n'était pas le seul dans ce cas.

La voisine sanglotait en arrière-plan:

– Mais tu ne peux pas pardonner?

Et rien de tout ça ne me faisait plus si peur. J'allais tout simplement attendre que ça passe, ce sale hiver et, un jour ou l'autre, toutes ces choses seraient derrière, simplement du passé.

J'allais raconter à Mireille ce qui s'était passé, faire les choses comme il faut, parce que je n'avais pas peur.

11h 05

J'ai appelé le bar de Mireille, je ne comptais pas le lui dire au téléphone, je passais juste un coup de fil comme ça, pour lui demander comment ça allait, ce qu'elle ferait dans l'après-midi. Elle était radieuse au téléphone, juste un peu fatiguée parce qu'elle n'avait pas beaucoup dormi, elle aurait tellement aimé me voir, mais elle travaillait toute la journée, on lui avait proposé de faire un extra carrément bien payé, et elle ne rentrerait que tard dans la nuit. Remettait ça le dimanche, on ne pourrait pas se voir avant le lundi.

C'est si peu de chose, une bonne résolution.

11 H 20

Les volets se sont soulevés aussi doucement qu'à l'habitude, mais dans ma poitrine je sentais mes organes se bousculer et vouloir sortir pour faire des bonds à l'extérieur.

Quand j'ai été face à lui je me suis entendue dire:

– J'ai ramené un tas de cigarettes.

En gardant un calme impeccable, seulement mes mains que je tenais serrées dans mon dos qui tressaillaient. Une voix assourdissante dedans qui me hurlait de repartir tout de suite, je n'avais qu'elle en tête, mais je n'ai pas fait un seul pas en arrière.

Un quart de seconde avant que je rentre, ses yeux ont accroché les miens, j'ai senti le truc qui avait été changé entre mes jambes plus vivant que jamais, qui en voulait encore.

Je me demandais si ça faisait ça à tout le monde, fouillais dans ma mémoire et certainement ça faisait pareil à tout le monde, mais ça ne me l'avait jamais fait à moi.

J'ai attendu que les volets se referment à quelques pas de lui, je savais très bien que je n'aurais jamais dû revenir.

Déclic quand ils sont arrivés au sol.

12 H 00

– T'es tellement extravagante, je me demandais vraiment si tu reviendrais.

Les premiers mots qu'il a dits, juste après qu'on a recommencé, par terre au pied des volets, alors qu'il était encore dedans. Il me recouvrait, tout son poids sur moi. Il me bouffait l'air et n'avait rien à faire là, mais je n'avais pas envie de bouger.

Il me détaillait, attentivement, se penchait sur mon cas avec patience et savoir-faire. Qu'est-ce que j'avais, qui lui échappait?

Je me questionnais en aparté, si j'avais mal ou pas, si sa langue m'écœurait, si j'aimais son odeur. Je m'ennuyais, globalement. Je restais sans réaction, fatiguée, étrangère à tout ça. Ça ne m'avait rien fait, je m'étais même ennuyée.

Il touchait mes cheveux, les écartait pour bien m’avoir les yeux. Y fouillait comme chez lui. Gestes d’intimité déplacés, gestes de protection grotesques, de tendresse affectée.

Il s'est retiré, relevé. Le truc chaud s'est répandu entre mes jambes. J'ai senti le vide, aussitôt mon ventre a fait savoir qu'il voulait remettre ça, tout de suite. J'étais prise en traître par mes propres émotions.

Je me suis mise debout à mon tour et je ne savais plus bien quoi dire. Lui nous a servi de généreuses doses de whisky, m'a tendu le verre:

– Cul sec?

Il a vidé le sien avant que je ne porte le mien à mes lèvres, j'ai suivi le mouvement, il a rempli nos deux verres à nouveau, est allé s'asseoir à la table de la cuisine. J'ai commencé à établir le lien entre son sourire et sa bouche sur moi, sa façon de s'asseoir, de se tenir et sa façon de bouger dans moi et de m'empoigner sans ménagement. J'ai commencé à avoir envie de lui, à comprendre ce que ça faisait. Irrationnelle dedans. J'ai repensé au moment où il affolait le mouvement, où les choses devenaient sérieuses et s'enflammaient durement. Envie sourde, il me semblait qu'il y avait quelque chose là-dedans, qui m'avait échappé jusqu'alors, quelque chose de crucial, de pas encore tilté.

Il a demandé:

– Je peux te poser une ou deux questions sur toi et le sexe?

– Non.

Et je me sentais finalement détendue avec lui, familière, vite, d'une façon qui m'était inconnue. Alors il s'est mis à parler d'autres choses, il bavardait vraiment bien, mais ça n'était pas exactement ce qui m'intéressait chez lui