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J'avais vidé mon deuxième verre, il l'a aussitôt rempli, aussi généreusement que les deux premiers, en expliquant:

– Je te mets la dose parce que j'aimerais bien te voir raide, voir si tu te détends.

– Comment tu présenteras la chose à Mireille quand elle rentrera et que je serai ivre morte à poil dans son salon?

– On verra ça en temps voulu… Ça t'arrive d'oublier Mireille quand tu es avec moi?

II avait cette façon de dire les choses, qui les rendaient juste drôles, légères.

Je l'observais, je sentais ce que ça me faisait, je m'étonnais, et je l'observais encore. L'envie n'arrêtait pas de grandir, de faire du moindre geste un prétexte pour se déployer, sa voix, ses yeux, ses mains, comment ses épaules étaient faites, comment il se penchait en avant, comment il tirait sur le biz et l'écartait aussitôt vivement parce qu'il s'était brûlé la lèvre en tirant sur le filtre en carton, sa façon de lever les yeux sur moi, de se taire et de se passer la main sur la nuque. Quoi qu'il fasse, ça me venait au ventre, quoi qu'il fasse je trouvais ça bien, et ça me donnait envie de le faire, encore.

Quand on a recommencé, je me suis mise à le chercher, sa langue n'avait plus rien d'un organe visqueux, je ne pensais plus à autre chose. Je n'étais plus tout à fait là, mais j'y étais justement tout entière. Sidérée que quelque chose me fasse un bien pareil.

16 H 00

Guillaume était à la maison quand je suis rentrée. La complainte intérieure qui le suppliait de rester et ne pouvait envisager les jours sans lui s'était éteinte.

Les voisins ont remis ça, elle criait:

– Mais comment t'as pu me faire ça?

Et lui, placide:

– Pareil que toi quand tu l'as fait.

Elle, en larmes:

– Je t'ai attendu toute la nuit, je veux pas que tu me fasses du mal.

Et lui, mordant:

– Je voulais pas te faire de mal, je voulais juste coucher avec elle.

Et ça ne m'a pas noué la gorge, ni fait résonner le foyer d'infection.

Tout ce qui se passait à plus de cinq centimètres de Victor était vague et inoffensif, dénué de substance. Si futile, tout le reste!

MERCREDI 20 DÉCEMBRE

13 H 00

– Mais t'as bien dû avoir envie des fois quand même?

– Jamais. Toi, tu cherches pas si y a moyen que tu décolles du sol en battant des bras, moi pareiclass="underline" je pensais que je ne pouvais pas le faire, je suis jamais allée chercher plus loin.

– Et moi, si je t'avais demandé ton avis, j'aurais pu te baratiner des siècles, ça n'aurait rien changé?

– Je crois pas non.

Je le regardais parler plus que je ne l'écoutais. Mon ventre retenait ses doigts, quelque chose dans les yeux et le sourire contenu comme s'il allait me manger, comme s'il pouvait défier n'importe qui.

La brute dissertante était debout dans le salon, boîte de bière à la main, me questionnait en se frottant le ventre, faisait des allers et retours devant le canapé où j'étais assise en essayant d'y comprendre quelque chose.

Le concept lui plaisait beaucoup. Cette fois encore, l'idée a fait son chemin et il est venu se mettre face à moi parce qu'elle commençait à gonfler. Ce garçon était fait pour bander, se faire sucer comme s’il était le dernier homme sur terre et qu'il mérite tous les hommages. Je suis descendue du canapé pour faire ça correctement et avant que ça commence vraiment il a rejeté la tête en arrière, large sourire:

– Quand je pense au mal que la Reine-Mère se donnait pour comprendre ce que t'avais dans le sac… Elle pouvait s'agiter, la vieille, elle avait peu de chance de mettre la balle au fond.

Rire de gorge, rire d'homme, main sur les hanches. Je pouvais le sucer pendant des heures, j'étais bouleversée à chaque fois, l'émotion intacte, qu'il soit dur dans ma bouche et que ça lui fasse autant de bien.

Je me découvrais le bas-ventre capable de grandes émotions, lui dedans moi, j'avais été conçue pour ça, balbutier, me cambrer et me faire défoncer.

Ça n'avait rien d'erotique ni d'évanescent, aucun tripotage raffiné là-dedans, pas d'attente éreintante, pas de choses du bout des doigts. Que du poids lourd, du qui-s'enfonce-jusqu'à-la-garde et les couilles viennent cogner l'entrejambe, foutre giclant pleine face, seins malmenés pour qu'il se branle entre, se faire coller au mur. De la chevauchée rude, je me désensevelissais les sens au Karcher, j'étais très loin de ce qui est doux.

La gestuelle avait un caractère sacré, l'ardeur barbare des histoires de viande crue, il y avait dans ces choses une notion d'urgence, de soulagement final, qui en faisait un emportement mystique et radicaclass="underline" l'essence même de moi, il l'extirpait. L'essentiel de moi lui revenait.

Ce jour-là, emmêlés par terre, il a ressenti le besoin de me raconter des choses. Comme d'habitude, j'écoutais patiemment, mais je m'en foutais des beaux discours:

– Tu sais pourquoi je suis revenu chez Mireille?

– Parce que t'avais claqué tout l'argent que t'avais volé à la Reine-Mère et tu ne pouvais plus payer l'hôtel.

– Tu me crois vraiment si trivial que ça?

– Alors pourquoi?

– Pour toi.

– Ça, au moins, ça n'a rien de trivial.

– Il n'y avait pas d'autres moyens. Toi, tu habitais avec ton frère, je ne pouvais pas venir directement chez toi.

– Comment tu avais appris que je voyais Mireille?

– Mathieu.

– D'où tu le connais?

– Hasard. Comment il m'a parlé de toi ce jour-là, je savais que je devais te voir. Une intuition, je savais que je devais te voir, et quand je t'ai vue, je savais que je devais te forcer… Toujours suivre son instinct, c'est le seul vrai truc.

C'était partiellement vrai, parce qu'il avait compris qu'il ne faudrait pas trop tergiverser pour que je me laisse faire. Mais pour le reste il trafiquait.

Comme je ne répondais rien et qu'il s'est douté que je n'en pensais pas moins, il s'est gratté l'oreille, a ricané et conclu en faisant une mimique de type qui trouve l'eau drôlement froide:

– Parfois je veux trop en faire.

Et sans bien savoir ce que je tirais comme conclusion, il m'a pris la main et l'a mise sur sa queue, que je la sente en bandaison. Son instinct lui disait que c'était la bonne chose à faire.

Ça me bouleversait, à chaque fois. Cheveux rejetés en arrière, cul ouvert, orifices bien offerts, j'exagérais la cambrure, me glissais la main entre fente pour bien montrer ce que je faisais, gémissante toute crescendo. Je sentais que ça le basculait, j'en prenais pour mon grade. Et je ne m'en lassais pas.

Néanmoins, je comprenais doucement, sans hâte ni jugement, ce qui avait poussé Victor à revenir chez Mireille. Et loin de m'éloigner de lui, cette instruction progressive collait un peu de douleur à l'affaire et me faisait redoubler d'ardeur.

Petites phrases anodines entre deux passages en vraie dimension, petites phrases vite passées, qui me tournaient autour, et revenaient toujours.

Fais-moi sentir ton ventre à toi, contre moi, fais-moi sentir que je ne dois pas t'en vouloir, pas m'écarter, pas une seconde, quoi qu'il arrive, fais-moi sentir que je ne peux pas m'éloigner, que tu me prives de choix, creuse-moi, apaise-moi, force-moi.

– T'as travaillé longtemps pour l'orga?

Ou bien…

– Et personne sait où elle est passée, la Reine-Mère?

Et aussi…

– Elle m'a parlé de toi plusieurs fois, elle t'avait gravement à la bonne.

– Mais elle t'appellera avant de quitter la ville, non?

– Tu lui avais jeté un sort, elle te prenait pour le diamant de son affaire, ça l'effondrait que tu gâches ta vie à stagner à L'Endo.