«J'ai cru que le cauchemar était fini, et que maintenant que je m'étais débarrassée des deux, tout allait redevenir normal avec Saïd. Mais dès le lendemain il m'a laissée toute seule. Et quand il était là, tout ce qu'il avait en bouche c'était: «Stef et Lola ceci», et je l'ai même vu pleurer. Mais moi je pouvais bien crever, tout ce qu'il voulait, c'était sortir. Un soir, je suis descendue à L'Arcade, tu te souviens tu étais là, je l'ai vu à la table de cette pute de Roberta, elle lui buvait les mots de la bouche. Dès le lendemain, j'ai tiré les photos au labo et je les lui ai envoyées, je ne voulais pas aller chez elle. Je ne voulais pas recommencer, vraiment pas. C'était juste pour la faire flipper, cette salope. Qu'elle se tienne à distance. Mais je n'avais pas pensé à Mireille… Il parle souvent de toi, tu sais. Il t'aime bien. Je sais qu'il n'y a rien entre vous, parce que je peux te faire confiance à toi. Tu me respectes. Je sais que ton avis compte pour lui. Ça serait bien que tu lui parles.
– Que je lui parle?
– Il ne faut pas qu'il me traite comme ça, il faut que quelqu'un le lui dise. Il ne faut pas me laisser seule comme ça. Il faut lui dire.
Dès que j'en ai l'occasion, promis.
– En tout cas, il ne sortira plus pour aller voir celle-là.
Elle s'est relevée, a appelé le chien, a dit qu'il faisait froid quand même et s'est inquiétée:
– Ça va au fait, tu n'as pas trop mal?
J'ai fait non de la tête. J'avais l'impression que mes chevilles étaient passées au fer rouge, mais je ne voyais pas ce que ça changerait de le lui dire. Elle s'en foutait de moi, complètement. Elle a promis en remontant en voiture:
– On va s'arrêter à une pharmacie, acheter de quoi faire un pansement, et je te laisserai chez toi. D'accord?
J'étais sonnée. Elle a redémarré. Je regardais par la fenêtre, défilement de choses grises. Guillaume était parti, j'avais besoin de le voir. Et je revoyais Mireille en larmes. Et puis Mireille par terre. Sonia, ce que j'avais fait, ça avait tout d'un rêve, ça n'avait rien de réel. Je l'avais pourtant bien fait, aucune hésitation. La Reine-Mère, qui me serrait contre elle pour me dire au revoir. Sonia, ça avait tout d'un rêve, je l'avais pourtant bien fait, sans aucune hésitation.
Victor était parti, m'avait laissée derrière. La monnaie de ma pièce…
Périphérique, Laure répétait:
– Avec une autre fille il a fait ça, tu te rends compte?
– Et lui, tu vas le faire payer pour ce qu'il a fait?
Elle a tourné la tête vers moi, je venais de poser une question incongrue. Il y avait un peu d'indignation dans sa voix, mêlée à du reproche:
– Macéo ne fera jamais de mal à son propre maître.
Je l'ai regardée plus attentivement, ce truc brûlant qu'elle avait dans les yeux, plus brillant que jamais. Il y avait ce grand virage, j'ai glissé ma jambe sur la sienne, appuyé sur la pédale de l'accélérateur. Elle a fait des trucs avec le volant en essayant de se dégager, le chien s'est énervé, mais il n'y avait rien à faire. Je tenais bon, pied au sol, nous roulions vraiment vite, c'était un grand virage.