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Il s’interrompit brusquement. Nous attendîmes. Plus rien. Il était immobile. Un technicien lui toucha le dos. Pas de réaction. Les deux autres techniciens s’avancèrent, parlant à voix basse, et commencèrent à le tirer doucement en arrière. Il recula comme un somnambule. Quand ils le lâchèrent, il resta immobile, comme il était. Les techniciens passèrent la tête à l’intérieur de la capsule. Quand ils la ressortirent, ils étaient blancs comme des linges et muets de stupeur.

Il fallait que je voie ce qui s’était passé. Je me frayai un chemin à travers la foule jusqu’à la capsule. Quand finalement je pus jeter un coup d’œil à l’intérieur, je vis les trois sarcophages. Il n’y avait pas de cryonautes dedans. Il n’y avait rien à l’intérieur des sarcophages à part trois rats pelés. La foule me tirait en arrière. Malgré le vacarme, j’entendis les cris perçants de Fée-7 :

— Guig ! Par ici, Guig ! Viens vite !

Elle était près de la console. Je jouai des coudes pour parvenir jusqu’à elle. Elle était penchée sur Devine, allongé par terre derrière la console en proie à une crise d’épilepsie classique.

— Ça va bien. Fée. Je m’en occupe.

Je fis ce qu’il y avait à faire. La langue d’abord. L’écume. Desserrer les vêtements. Libérer les bras et les jambes. Elle était épouvantée. Une crise, c’est toujours quelque chose d’effroyable à voir. Puis je me redressai en criant :

— À moi, le Groupe !

Les quatre se matérialisèrent devant moi.

— Garde d’honneur, leur dis-je. Personne ne doit le voir. Es-tu en état, Fée ?

— Non.

— Désolé. Il faudra que tu le sois. Est-ce que le Chef a un bureau ? Un sanctuaire particulier ?

Elle hocha la tête, incapable de parler.

— Bong ; instructions : Mes amis vont le transporter. Montre-leur où c’est. Ensuite, reviens vite. Immédiatement, compris ? Il faudra que tu remplaces Devine, quand la foule va se ressaisir et se mettre à poser des questions. Je serai là. Mes amis resteront avec le Grand Chef. Exécution !

Elle fut de retour cinq minutes après, tout essoufflée. Elle portait une blouse blanche sous le bras.

— Enfile ça, Guig. Tu seras un des assistants.

— Non. Il faut que tu te débrouilles toute seule.

— Mais tu as dit que tu serais là ?

— Je suis ici.

— Qu’est-ce qu’il faut que je fasse ? Qu’est-ce qu’il faut que je dise ? Je ne saurai jamais m’en sortir.

— Mais oui, tu verras. Ce n’est pas pour rien que je t’éduque depuis trois ans. Allons. Avec beaucoup de classe et d’assurance. Tu es prête ?

— Pas encore. Dis-moi ce qui a fait flancher le Chef.

— Les cryonautes ne sont pas dans leurs sarcos. Ils ont disparu. À leur place, il y a quelque chose qui ressemble à un rat tondu.

Elle se mit à trembler.

— Oh ! mon Dieu ! Mon Dieu ! Mon Dieu !

J’attendis. Je n’avais pas le temps de la câliner. Il fallait qu’elle se ressaisisse toute seule. Ce qu’elle fit.

— Ça y est, Guig. Je suis prête. Qu’est-ce qu’il faut que je fasse ?

— Demande le silence. Classe et assurance. Je te soufflerai.

Elle eut la classe de grimper sur la console et de prendre la pose de Cortez contemplant le Pacifique pour la première fois (tandis que ses hommes se contemplaient ébaubis).

— Mesdames et messieurs ! cria-t-elle en spang. Mesdames et messieurs, je vous demande un instant d’attention s’il vous plaît. (Et maintenant, Guig ? en XXe.)

— Présente-toi.

— Je suis Fée-7 Chinois-Grauman, l’assistante particulière du Dr Devine. Je pense que vous m’avez tous vue à la console de contrôle. (Après, Guig ?)

— Élégant. Stylé. Ce n’est pas un désastre, c’est un défi.

— Mesdames et messieurs, quelque chose d’inhabituel s’est produit pendant notre expérience cryogénique, et vous avez eu le privilège d’en être les témoins. Permettez-moi de vous féliciter pour cela. Comme dit souvent le Dr Devine, l’essence même de la découverte est de trouver ce que l’on n’avait pas prévu. (Elle tendit l’oreille :) Ah ! certains d’entre vous parlent des leçons de l’imprévu. Oui, la science est faite de ces leçons ! (Guig !)

— Le Grand Chef est en train d’analyser cette surprise dans son labo avec toute son équipe. Très technique, maintenant.

— Le Dr Devine est maintenant en train de procéder avec ses collaborateurs à l’analyse modale du phénomène auquel vous avez assisté. (Elle inclina gracieusement la tête.) Je sais que vous êtes en train de vous demander si la procédure habituelle va être suivie en ce qui concerne les cryosarcophages. Je puis vous dire que le Dr Devine est actuellement occupé à résoudre cette question ; c’est une des raisons pour lesquelles il ne doit absolument pas être dérangé. Vous vous demandez ce qui est arrivé aux cryonautes. C’est une question que nous nous posons également. (Guig !)

— C’est tout.

— Je vous remercie beaucoup de m’avoir écoutée. À présent, il faut que je retourne à la salle de conférences. Le Dr Devine publiera un communiqué détaillé dès que possible. Merci.

Je l’aidai à descendre. Elle tremblait comme une feuille.

— J’ai encore besoin de toi, Fée. Va dire aux techniciens de refermer la capsule en la laissant telle qu’elle est. Qu’ils maintiennent tous les systèmes en activité comme si elle était en orbite.

Elle hocha la tête et traversa la foule en direction des techniciens qui paraissaient encore groggy. Elle leur parla avec animation, puis revint jusqu’à moi.

— C’est fait. Et maintenant ?

— Tout d’abord, je suis fier de toi.

— Mm.

— Conduis-moi jusqu’à Sitting Bull. Il faut que…

— Ne l’appelle pas comme ça ! hurla-t-elle. Arrête de lui donner ces noms. C’est un grand homme. C’est un… c’est un…

— … je le mette au courant de la situation. Je pense que son attaque a dû passer.

— Je crois que je l’aime, dit-elle piteusement.

— Et ça fait mal.

— C’est horrible.

— La première fois, c’est toujours comme ça. Allons-y.

— Ça ne fait que douze heures, Guig. Et j’ai l’impression d’avoir vieilli de douze ans.

— On voit ça. Tu as fait un saut quantique. On y va ?

Le sanctuaire de Séquoia était une vaste salle de conférences avec une grande table ovale et des fauteuils massifs. Elle était encombrée de livres, de registres, cassettes et matériel d’ordinateurs. Les murs étaient couverts de diagrammes orbitaux géants. Le Groupe avait pris place à un bout de la table et tout le monde dévisageait Devine avec un intérêt inquiet. Je refermai la porte sur les secrétaires curieuses de l’antichambre.

— Comment va-t-il ? demandai-je.

— Il a un ressort de coincé, fit M’bantou.

— Bof, c’est une petite crise, McBee.

— Regarde un peu, fit Parfum en Chanson.

Elle prit la main de Séquoia et la souleva le plus haut possible. Quand elle la lâcha, elle resta levée comme elle était. Elle prit Devine par les épaules et le fit doucement se lever du fauteuil. Le Grand Chef se mit debout docilement. La princesse lui fit faire le tour de la salle de conférences. Il la suivit comme un somnambule mais dès qu’elle le lâcha, Séquoia s’arrêta net au milieu d’une foulée. Son bras était toujours dressé vers le plafond.

— C’est ce que tu appelles une petite crise ? demanda M’b.