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Il sourit.

— C’est la tradition. Un baiser équivaut à une demande en mariage. Elle a accepté. Une centaine de braves du lac Erié vont te détester pour cela. Ne t’en fais pas, Guig. Je trouverai le moyen de te sortir de là.

Je dégageai la sœur des replis et l’embrassai, pour lui dire bonjour cette fois-ci. Elle voulut se remettre à genoux, mais je la maintins de force en position verticale pour pouvoir replonger dans ce monde tout neuf.

— Nn, dis-je.

— Tu ne veux pas te sortir ?

— Nn.

— Tu es sûr ? Compte jusqu’à cent en binaire.

— Uu.

Il vint jusqu’à moi et me fit craquer les côtes dans une colossale accolade.

— J’ai toujours eu envie d’avoir un frère comme toi, Guig. Maintenant, assieds-toi tranquille pendant qu’on met les cérémonies en orbite.

— Quelles cérémonies ? Je croyais qu’on devait…

— Pied-tendre, tu viens d’épouser la fille du chef le plus puissant de la réserve. Ça me fait de la peine de te le dire, mais tu te maries bien au-dessus de ton rang. Il faut suivre le rituel. Laisse-moi m’occuper de tout ça. Surtout, ne t’inquiète pas.

Une heure plus tard voici le spectacle devant mes yeux éblouis : Cinquante personnes équipées pour voyager s’étaient assemblées devant le wigwam, avec assez d’hovercrafts pour les transporter où elles allaient.

— Il n’y a pas toute la tribu, m’expliqua Séquoia. Juste les proches parents.

Il s’était couvert le visage de terrifiantes peintures de guerre et on ne le reconnaissait pas. De l’autre côté du wigwam, un chœur de braves du lac Erié, les laissés-pour-compte, chantait des hymnes tristes et mécontents. Quatre colosses étaient en train de descendre du grenier une énorme malle en cuir de Cordoue que la sœur semblait les supplier de manipuler tendrement.

— Sa dot, dit le Grand Chef.

— Sa dot ? J’ai onze millions et des poussières. Je n’ai pas…

— C’est la tradition. Elle ne veut pas venir les mains vides. Tu préfères l’encaisser en chevaux et en bétail ?

Je me résignai à l’idée de vivre entouré d’objets d’artisanat cherokee.

Il devait y avoir un garde-manger inépuisable quelque part. Mama empiffrait la famille d’une quantité de victuailles suffisante pour nourrir l’I.G. Farben si elle ne trouvait pas les moyens de subsister pour son compte. La sœur disparut pendant un long moment, puis reparut vêtue d’un costume de squaw traditionnel. Mais pas en peau de daim. En soie de Chine extra. Elle avait un bandeau au front, un collier et des bracelets que je crus d’abord en turquoise. Ce n’est que bien plus tard que je découvris que c’était des émeraudes pures.

— Bong, dit Séquoia. On peut foutre le camp.

— Puis-je te demander où on va ?

— Dans ta nouvelle maison. Tradition oblige.

— Je n’ai pas de nouvelle maison.

— Si. Mon tipi. Cadeau de mariage. Autres questions ?

— Une seule, frère. Ça m’ennuie de t’embêter pendant que tu es occupé, mais pourrais-tu me dire le nom de ma femme ?

Cela parut l’ébranler sérieusement. Finalement, il réussit à dire dans un soupir :

— Natoma. Natoma Devine.

— C’est joli.

— Quel est le tien, au fait ? Celui que tu avais pour commencer.

— Edward Curzon.

— Curzon. Natoma Curzon. Ça sonne bien. Mm. Allons endurer les cérémonies.

Davantage encore de tradition, à l’occasion de notre sortie du territoire de l’Erié. Natoma et moi assis sagement l’un à côté de l’autre tandis que papa et mama nous surveillent comme des gardiens de vertu. Les routes et les allées peuplées de monde. Les gamins crient des choses que l’on reconnaît comme vulgaires rien qu’au ton dans n’importe quelle langue. Lorsque je fis mine de passer mon bras autour de Natoma, mama fit un bruit de langue qui indubitablement voulait dire non. Papa gloussa. La mariée avait la tête baissée, mais je voyais qu’elle était rougissante.

Quand nous arrivâmes enfin au tipi. Séquoia fit une revue éclair et s’exprima emphatiquement dans le Langage des Signes. Les parents proches restèrent figés où ils étaient.

— Où sont passés mes loups ? demanda-t-il en XXe.

— Ils sont à l’intérieur avec moi, Dr Devine, cria M’bantou. Nous t’attendions avec impatience.

Le Grand Chef et moi nous nous précipitâmes à l’intérieur du tipi. M’bantou était assis par terre les jambes croisées, avec les loups étalés tout autour de lui, l’air on ne peut plus satisfait.

— Il a un truc ? me dit Devine. Ce sont de vrais mangeurs d’hommes.

— Ne me demande pas comment il fait. Il a l’habitude.

— Il n’y a rien de plus simple, Dr Devine, fit M’bantou. Il suffit de parler leur langage, et un rapport d’amitié s’établit tout de suite.

— Tu parles le langage des animaux ?

— Pas tous.

Nous expliquâmes ce qui s’était passé à M’bantou. Il se déclara ravi.

— J’espère que tu me feras l’honneur de me laisser être ton témoin, Guig.

Il sortit rejoindre la famille qui avait fait le cercle autour du tipi. Ils avaient mis à chauffer des marmites électriques et chantaient quelque chose qui ressemblait à un calypso endiablé, avec double battement des mains et trépignements rythmés. La mélodie était toujours la même, et sa monotonie engendrait une extraordinaire tension.

— Viens, me dit le Grand Chef. Rite suivant. N’aie pas peur. Je te soufflerai. Bong ?

— Uu.

— Tu peux encore te défiler.

— Nn.

— Sûr ?

— Uuuu.

Nous allâmes jusqu’à un endroit où Natoma me fut remise. Elle me prit par le bras. Le Grand Chef se plaça derrière elle, et M’bantou derrière moi. Je ne sais où ni comment M’b avait péché les matériaux, mais il s’était blanchi cérémoniellement la face et avait passé ses cheveux à l’ocre rouge. Il ne lui manquait que la lance et le bouclier. Je ne prétends pas me rappeler tous les détails du rituel. Tout ce que je sais, c’est que Séquoia me soufflait au fur et à mesure les instructions en XXe et que M’bantou improvisait un commentaire anthropologique qui sans nul doute aurait amélioré mon cerveau si je l’avais écouté.

Finalement, papa et maman nous escortèrent jusqu’à l’intérieur du tipi. Natoma avait l’air préoccupé, jusqu’au moment où les quatre braves amenèrent sa dot et la déposèrent délicatement par terre. Elle tenait la tête baissée. Elle garda ses distances jusqu’au moment où on nous laissa seuls et où je refermai les rabats du tipi à double nœud. C’est alors que la foudre frappa. Méfiez-vous des timides. Elles se transforment facilement en démons.

Sa tête se redressa, royale et souriante. Elle se déshabilla en trois secondes. C’était une Indienne, il n’y avait pas un poil sur sa peau diaphane. Elle se jeta sur moi comme un chat sauvage – ou plutôt, comme la fille du plus grand Sachem de la réserve du lac Erié – décidée à rattraper en dix secondes dix ans de temps perdu. Elle déchira mes vêtements, me bascula sur le dos, se coucha sur moi et commença à murmurer des choses en cherokee. Elle me massa le visage avec ses seins couleur de crème renversée tandis que ses mains m’exploraient l’entrejambe. « Je suis en train de me faire violer », pensai-je. Elle s’arc-bouta et commença à frotter son Prado contre moi. C’était une vierge serrée, et ce fut difficile pour tous les deux. Quand finalement la jonction fut opérée, la douleur y mit fin en quelques secondes. Elle rit et me lécha le visage. Puis elle sortit un linge et nous essuya.

Je m’imaginais que nous allions rester tranquillement allongés à nous caresser, mais il y avait la tradition, les coutumes, le rituel. Elle se leva, défit les rabats du tipi et sortit, fière et nue, en brandissant le linge sanglant comme une bannière. Elle décrivit un cercle complet. Le calypso devint encore plus frénétique. Puis elle donna le linge à Mama, qui le plia avec dévotion, et revint enfin me rejoindre.