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— Leurs boutons génitaux ? Pp ?

— Ah ? Pourquoi ne pas essayer de trouver par vous-même ? Je ne peux pas faire tout notre travail. Peut-être que vous devinerez. C’est bon, ça, hein ? Devine-devinerez. Très spirituel. Et on dit que les ordinateurs ne sont pas programmés pour faire de l’humour. Voulez-vous que je vous raconte une histoire drôle ?

— Bon Dieu ! Non !

— Alors, merci et tchao.

On dit que quand un homme rêve qu’il meurt, il se réveille toujours. Séquoia rêva qu’il mourait, mais il ne se réveilla pas. Il rêva de plus en plus profond, une mort après l’autre, hypnotisé par le Démon de Brique qui le possédait. Il est étonnant de voir le nombre de gens de sang-froid qui dissimulent ou peut-être ignorent la présence en eux d’un magma émotionnel. Séquoia était possédé par un Démon de Brique et un Démon de Broque qui se nourrissait de sa lave.

Un démon est un mauvais esprit, un diable (l’extro-ordinateur) qui peut habiter le corps d’un homme. Plus important encore, un démon est une passion. Nous avons tous nos passions conscientes. Mais ce sont les passions étrangères venues de l’extérieur qui peuvent faire d’un homme un monstre. Nous avions fait du Grand Chef un immortel en le tuant. Nous ne savions pas qu’en même temps nous avions abaissé ses barrières et permis à un monstrueux squatter de s’installer en lui.

Au JPL Fée-7 se dirigea vers Paire d’atterrissage et la capsule sans prononcer un mot. Sincère. Géronimo paraissait renfrogné. Ses lèvres avaient été agitées d’une espèce de tic pendant tout le voyage. Je m’étais dit qu’il étudiait la stratégie et la tactique.

— Assemblée générale, lança-t-il.

— Avec qui ? Pour qui ? demandai-je, anxieux.

— Oh ! pardonne-moi, Glig. (Son nouveau sourire lui creusa le visage.) J’aurais dû t’avertir. Il y a une réunion d’actionnaires en cours, et c’est mauvais pour nous.

— Qu’est-ce qui est mauvais ? demanda le Grec.

— Une minute, s’il te plaît.

— Comment le sais-tu ? demandai-je.

— Un peu de patience, Glig. Pas maintenant.

Nous le suivîmes jusqu’à l’antique galerie style art moderne où l’assemblée battait son plein. Longue table sur le devant, peuplée des gros bonnets du C.A. Une centaine d’actionnaires bedonnants leur faisaient face, avec des fiches dans les oreilles pour avoir la traduction de leur choix.

Une espèce de vice-président chargé de la trésorerie était en train de manipuler des appareils de projection à côté de lui tout en parlant statistiques, ce qui n’a jamais été le langage de mon choix. Il ne s’agissait pas de courbes et de diagrammes comme ceux auxquels j’étais habitué, mais de dessins animés représentant des papillons en train de fumer la pipe, des grenouilles barbues, des crocodiles en train de jouer au base-ball et des éléphants dansant la polka. Un sourire sur chaque personnage. Un exposé du tonnerre.

— Veux-tu que je prenne la relève ? demanda tranquillement Poulos.

— Pas encore, mais merci d’être venu.

Séquoia resta debout jusqu’à la fin de l’exposé. Nous étions derrière lui. Nous nous demandions ce qu’il allait faire.

— Asseyez-vous, Dr Devine, lui cria le président de séance.

Mais le Grand Chef, toujours debout, se lança dans une attaque à froid contre le président, le conseil d’administration et le département Recherche et Développement de l’U-Con qui refusaient de financer le nouveau programme cryonautique. C’était une nouvelle pour les actionnaires. C’était une nouvelle aussi pour nous. La froide sauvagerie de l’attaque était déconcertante.

— Dr Devine, nous n’avons pas encore annoncé notre décision, protesta le président.

— Mais je sais que ce sera votre décision. Allez-vous le nier ? Non.

Il continua sa dénonciation glacée. On aurait dit un professeur méprisant en train de s’en prendre à une classe de cancres.

— Ce n’est pas ainsi qu’il faut négocier ces choses, me souffla Poulos. Qu’est-ce qui lui arrive ?

— Je ne sais pas. Ça ne lui ressemble pas.

— Tu ne peux pas l’arrêter et me laisser prendre sa place ?

— Pp poss.

La mise en accusation du C.A prit fin, mais il électrisa de nouveau l’assistance en s’en prenant personnellement à chacun de ses membres. Goguenard, il décrivit leur vie privée, leurs péchés par commission, compromission ou omission. Cela ressemblait à un résumé de dix années d’investigations secrètes.

— Où a-t-il déniché tout ça ? demandai-je au Grec.

Il fit la grimace.

— Tout ce que je sais, c’est qu’il est en train de se faire de chacun d’eux un ennemi mortel, et que ce n’est pas malin de sa part.

— Il y a du vrai dans ce qu’il raconte ?

— Évidemment. Il n’y a qu’à voir la tête qu’ils font. Ça ne peut qu’empirer les choses.

— C’est un désastre.

— Pas pour l’I.G. Farben. Cela veut dire que nous gagnons par forfait.

Séquoia mit un terme à sa polémique, fit volte-face et sortit dignement, suivi docilement par Poulos et par moi. J’étais à la fois déprimé et furieux. Le Grec semblait bien s’amuser.

— Capsule, ordonna Séquoia.

— Une seconde. Vaillant Sachem. Peut-on savoir pourquoi tu nous as demandé de venir ici avec toi ?

Il me regarda d’un air innocent.

— Mais pour me donner un coup de main, bien sûr. Qu’est-ce qu’il y a qui ne va pas, Guig ? Tu parais en colère.

— Tu sais très bien ce qui ne va pas. Tu as brûlé tes vaisseaux. Tu t’es fait d’eux des ennemis. Tu n’avais pas besoin de nous pour ça.

— J’ai fait ça ?

— Tu as fait pire encore.

— Mais ce que j’ai dit était raisonnable et logique, non ?

— Ce que tu as dit…

— Attends, Guig, m’interrompit le Grec. Séquoia, est-ce que tu te souviens de tout ce que tu as dit ?

— Évidemment.

— D’après toi, d’homme à homme, c’était calculé pour t’assurer le concours amical de l’United Con ?

Géronimo se mit à réfléchir intensément. Son visage se plissa soudain en une moue honteuse.

— Jj, comme d’habitude, le Groupe. J’ai vraiment fait l’idiot. Je ne sais pas ce qui m’a possédé. Toutes mes excuses. Voyons maintenant ce qu’on peut sauver du naufrage. Allons examiner les cryonautes.

Il nous précéda. Je jetai un coup d’œil à l’Armateur. Il était aussi perplexe que moi. Une minute, un monstre ; la minute suivante, un ange. Qu’est-ce qui se passait donc en lui ?

Fée-7 nous attendait sur l’aire d’atterrissage, au bord de l’estrade où la capsule était posée sur le derrière, en train de se demander sans doute pourquoi il n’y avait ni roulis, ni tangage, ni déviation.

— Fée. Alerte, jappa le Grand Chef.

— Qu’est-ce qu’il y a, Chef ?

— Rapport.

— Le poids de la capsule augmente à raison de 180 grammes par heure.

— Vérification.

— J’ai fait installer une balance photique par les techniciens.

— Qu’est-ce que tu connais aux balances photiques ? C’est une information top secret.

— J’ai sondé les plombages.

Séquoia sourit et lui donna une petite tape sur la joue.

— Uu. J’aurais dû penser à ça. Fée-7 Grauman-Trésor. Mer. Voyons voir. Ça nous donnerait dans les quatre kilos par jour ou… Comment ?

— Je n’ai rien dit.

Il lui fit signe de se taire et parut écouter quelque chose.

— Oui, c’est ça. Quatre virgule trente-deux kilos par jour. J’aurais préféré que vous ayez été programmé pour arrondir les chiffres. Disons neuf livres. Trois par cryonaute. Dans cinquante jours, chaque cryonaute pèsera soixante-quinze kilos, en chiffres ronds.