Выбрать главу

Hilly leur exposa, vite fait, bien fait, la situation. Puis il me passa la parole. Voici ce que ça a donné. Les noms ne figurent pas dans le débat pour la sécurité du Groupe.

— Tout d’abord, je dois insister sur ce que le Juif vous a déjà dit. Le renégat est un ennemi féroce et dangereux. Le meurtre de Poulos le démontre. Nous ne savons pas qui sera sa prochaine victime si nous ne l’arrêtons pas.

— Tu parles du Rajah ?

— Non. Je ne suis pas aussi sûr qu’Hillel. Le Rajah ne cadre pas bien avec une vendetta de ce genre. Pourquoi ? Je ne trouve pas de raison. Je pense que ce pourrait être n’importe qui, y compris moi-même. Ne faites confiance à personne. Restez constamment sur vos gardes.

— Crois-tu que ce pourrait être Devine ?

— Peu vraisemblable. Ce n’est que l’intermédiaire humain qui rend l’opération possible. Le problème, c’est : comment éliminer l’intermédiaire ? Tais-toi, Nato. Tu vas voir où je veux en venir.

— Le poison est hors de question. Un simple amuse-gueule.

— Même chose pour le gaz.

— Il faut que ce soit un assassinat externe.

— Un poignard dans le cœur. Comme pour Poulos.

— Ou brûlé.

— Une explosion, comme pour Guig.

— Il faut lui trancher la tête.

— Ugh !

— Oui, nous le savons. Tu as failli accompagner Danton dans le tombereau.

— Qu’est devenu le Dr Guillotin, à propos ?

— Il est mort dans son lit. Personne ne l’a regretté.

— Si c’est une mort bien propre que vous voulez, vous n’avez qu’à envoyer le Dr Devine dans l’espace.

— Comment ça ?

— Les radiations. L’exposition au vide et la malnutrition. Sans compter qu’il exploserait à cause de la pression interne.

— Sois réaliste. Comment fais-tu pour envoyer un homme tout nu dans l’espace ? Tu l’attaches au nez d’une fusée ?

— Alors, mettons-le dans une capsule et envoyons-le dans le soleil.

» Ça fera tout péter comme un bouchon de champagne.

— Et comment ferons-nous pour récupérer les morceaux ?

— Hein ?

— Nous ne pouvons pas nous permettre de le perdre.

— Alors, pourquoi parler de le tuer ?

— Pour nous faire affronter le problème. Comment éliminer l’intermédiaire sans éliminer Devine ? C’est là que je voulais en venir, Nato.

— Excuse-moi, Guig.

— C’est une énigme.

— Presque un paradoxe. Comment tuer un homme sans l’éliminer ?

— Et pourquoi pas un voyage dans le temps six mois en arrière pour que je puisse faire avorter cette foutue crise avant qu’elle commence ?

— Ça ne marcherait pas.

— Pourquoi pas, Herb ?

— Tu serais un fantôme.

— Ça n’existe pas.

— J’ai déjà essayé. Je ne peux pas envoyer un homme en arrière dans sa propre existence. Le cosmos ne tolère pas deux identités identiques. L’une d’elles est nécessairement un fantasme.

— Laquelle ?

— La seconde.

— Bong. Possession vaut espace-temps, et nous nous retrouvons à notre point de départ. Comment liquider le catalyseur-contact sans faire de mal à Devine ?

— Tu n’y es pas tout à fait, Guig.

— Nn ? Pp ?

— Il ne s’agit pas de tuer le central, mais de tuer l’ordinateur.

— Évidemment ! C’est si simple que ça ne m’est pas venu à l’esprit.

— Tu es trop au cœur de tout ça. C’est pour cela que tu as fait appel à nous.

— J’émettrai quelques réserves. La symbiose Extro-Devine est exceptionnelle. Il serait souhaitable de l’étudier.

— Trop dangereux. Nous ne pouvons pas attendre. La situation est critique. Gottenu ! Je sens le souffle du Rajah sur ma nuque.

— Si nous détruisons cette symbiose, elle peut ne plus jamais se reproduire.

— Nous devons faire ce sacrifice si nous voulons survivre.

— Si nous éliminons l’Extro, avons-nous la garantie que cela arrêtera le renégat ?

— Cela l’arrêtera. Pas entièrement, mais dans une très large mesure.

— Comment arrives-tu à cette conclusion ?

— Il a attendu pour nous déclarer la guerre que la liaison Extro-Devine soit établie. Une fois qu’elle sera détruite, il se retrouvera impuissant. Toujours dangereux, mais pas invincible.

— Le Groupe a toujours refusé de tuer.

— Pas de tuer les renégats. C’est un chien enragé qu’il nous faut abattre.

— Uu. J’aimerais seulement savoir pourquoi. Le problème serait peut-être plus facile à résoudre. Voyons maintenant la question suivante : Comment est-ce que j’arrive jusqu’à l’Extro ?

— C’est toi qui t’en occupes ?

— Forcément. J’en fais une affaire personnelle. Comment tuer l’Extro ?

— Incendie. Explosion. Fusion. Coupure d’énergie. Etc.

— Sans qu’il sache qu’il est attaqué ?

— Es-tu certain qu’il le saura ?

— Ce foutu machin avec son fichu réseau est au courant du moindre de nos mouvements.

— À condition que Devine soit là pour faire la liaison.

— Quelle garantie avons-nous qu’il restera terré dans les carrières de sel ?

— Aucune. Nous pourrions essayer de l’enlever.

— Impossible, sans que l’Extro en soit averti. Dès que nous le remonterons à la surface, le réseau sera activé. On ne peut pas le droguer, c’est impossible avec un Homol.

— Tu veux aller trop vite, Guig. Laissons les choses se décanter un peu.

— Imposs. Quand je pense à Fée-7, à Poulos et au massacre des Gringos, je ne peux pas… mais tu as raison. Reprenons calmement. L’Extro sait tout ce que nous faisons, et peut-être même tout ce que nous pensons. Comment faire pour le prendre à revers ?

— Hic-Hæc-Hoc, prononça Sans-Nom.

Mes mâchoires béèrent. Même lui s’en mettait ? Monsieur Néant ? J’étais surclassé même par lui ?

— Il est incapable de penser. Il est incapable de parler. C’est le vide absolu.

— Mais il obéit aux signes. Merci, Sans-Nom. Merci vous tous. Si quelqu’un réussit à localiser Sam Pepys et s’il peut me dire où se trouve Hic, j’irai avec lui et nous essaierons.

J’essayai quand même d’abord le saut dans le temps. H.G. Wells avait raison. Je n’étais qu’un fantôme, invisible et inaudible. Pire, je ressemblais à une projection visophonique à deux dimensions, je me coulais dans les murs et dans les plafonds, je suintais à travers les gens. J’éprouvais de la pitié pour les ectoplasmes. Herb et moi, nous avions choisi avec précision le lieu et le moment où je serais lancé. Je me dématérialisai au JPL et me coulai jusqu’au labo d’astrochimie au moment précis où la foule d’actionnaires affligés se ruait en toussant à travers moi. Véritablement fantastique.

Quand je me laissai filtrer à l’intérieur de la salle, Edison était en train de s’écrier hystériquement :

— Cette idiote t’a apporté de l’acide nitrique fumant. Fumant, tu comprends ? Et les vapeurs ont transformé cette salle en un grand bain d’acide nitrique. Tout est en train d’être rongé.

— Tu l’as vue faire ? Tu as vu l’étiquette ? Pourquoi ne l’as-tu pas arrêtée ?

Le Grand Chef paraissait furieux.