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Et, chose étrange, Béru le frénétique, Béru le goret qui saute sur tout ce qui bronche, baise tout ce qui est concave, Béru le soudard, le cosaque du con, le paillard, Béru pressent le contentement délicat de sa compagne. L’idée ne lui vient pas de mettre la situation à profit (comme ce foutu gland de sous-dirlo, tout à l’heure) pour l’emplâtrer princesse. Il regarde dodeliner sa bite pataude. Il semble qu’elle salue une salle ovationneuse : à gauche, au centre, à droite. Il capte l’allégresse silencieuse de Carmen, son admiration éperdue, sa dévotion. Elle est en train de guérir d’un long cauchemar traumatisant. Cette superbe biroute joufflue qui s’épanouit au soleil, l’enchante, au sens Merlin de la chose. Il est heureux d’apporter le salut à cette délicieuse femme. Il a tiré sa guérison de sa culotte, comme le magicien tire le lapin blanc de son galure.

— Vous pouvez toucher, si l’cœur v’s’en dirait, ma p’tite biche. Un’ caresse su’ l’encolure, ça fait toujours plaisir à la bête et ça n’ mange pas d’ pain. Flattez-la un brin, lu témoigner vot’ sympathie. Et ça vous prouvrera, à vous, qu’y n’faut pas en avoir peur. T’nez, du moment qu’on longe l’bord d’mer, disez donc à c’ouistiti d’chauffeur qu’y stoppe dans un coin discret et qu’y allasse s’faire bronzer su’ la plage, qu’on soye un moment tranquillos. Faut qu’vous v’s’acclimatassiez à l’ami Paulo. Vous pourrez d’viendre une paire d’aminches, les deux.

Elle suit les directives du Gros et demande à Gonzalo de les stopper sur le parking ombragé de plainpalais à feuilles caduques. Et qu’il se détende un peu. Le mec pige très bien. Il connaît beaucoup des choses humaines, principalement celles qui concernent le dessous de la ligne de flottaison. Il met sa guinde dans un coinceteau peinard et s’éloigne en direction d’une cabane peinte en rouge, sur la plage, où l’on sert des boissons variées.

Carmen et Béru restent seuls. Intimidés par cette intimité.

Il lui dit :

— Soyez pas farouchée, môme. C’est la vie ! Un homme, une femme, qu’la queue soye géante ou naine, c’est toujours l’même tabac ! Si vous avez fait ceinture de braquemard d’puis des années, vous d’vez t’êtr’ sal’ment en manque, ma pauvrette. Mais goinfrez-vous pas ! C’est kif les naufragés qu’on récupère après des s’maines qu’y z’ont rien bouffé : faut qu’y reclapent prudemment, sinon, y z’en clabotent ! Donnez un petit bécot su’ la tête du bébé, pour commencer.

« Là, voilà, parfait. L’printemps va r’viendre dans votre culotte, trésor. Non, cherchez pas à vous l’engouffrer, vot’ bouche est trop p’tite, j’l’aye compris au premier regard. Chez moi, c’t’automatique : j’rencontre un’ gonzesse choucarde, illico c’est sa clape qu’ j’dévisage, savoir si ell’ est cap’ d’ me turluter l’Nestor ou pas. Vous, c’est malgache bonno ; la craquette, on y arriv’ra, j’en sus certain, mais la pipe, inscrivez « pas d’chance ! ». Casse la tienne, l’éguesiste d’aut’ bonheurs, j’vous l’promets.

« Maint’nant, chopez moi l’poireau à deux mains, chérie ! Bath sculpture d’viande, non ? Une aut’ dame pourrait en faire autant et y rest’rait encore une place pour la pogne d’une troisième. Pétrissez, prenez d’la peine. C’est pour vot’ bien qu’j’cause. N’en outre, ça fait plaisir à Coquette, ça la maintient dans ses bonnes résolutances. L’temps est v’nu qu’j’vous rendasse la politesse, Mignonne. J’ai des doigts musicals. Pour la flûte à deux trous, j’s’rais seuliste dans la Philateliste d’Berlin.

« Rebuffez pas, surtout. Laissez votre sensoriel faire d’la chaise longue. C’est dans la nature du chose. Disez-vous qu’l’bon Dieu a créé l’ciel et la terre en six jours, le septième, Il a créé l’paf. Notez qu’quand on voit l’mien, on s’deman’rait si c’s’rait pas plutôt l’contraire, hein ? Bon, déponnez vos cannes, chouchou, les gonzesses qui manièrent croivent s’refaire une virginité en serrant les cuisseaux, mais c’est du bidon. La señora qu’a morflé une rapière, l’mal est fait. Laissez voir qu’on fasse mieux connaissance ! Dedieu, ces babines ! J’ai l’impression d’chercher une balle d’cayoutchouc dans la gueule d’un boxer !

« Dites, poupette, elle vous en fait un sacré effet, ma trique de Guignol ! Avec un arrosesage pareil, pour c’ qu’est d’m’enquiller le chauve à col roulé, no problème ! J’savais : on a un proverbe, à Saint-Locdu-le-Vieux, qui dit : « A petite bouche, grande craquette ». La nature est équilibriste. Dans ces conditions, ma directeur chérie, j’peuve pas moins faire qu’d’ vous proposer la p’tite séance de trot britiche. R’gardez : je m’allonge au plus d’mon mieux. Vous, ma gosse, vous larguez vot’ culotte pour rire et vous m’à-chevalez.

« Pigez-vous-t-il la combine ? D’la sorte, c’est vous qui m’dégustez l’moulin à poiv’. Vous vous servez tout’ seule ; c’est c’qu’on appelle l’embroque à la carte ! C’t’un forfait ; vous prenez s’lon vos b’soins. Dix centimètres, vingt, trente, tous les quarante, c’est s’lon vot’ bon plaisir. J’force rien. C’est vous qu’empalez, moi, j’ rest’ su’ mes positions. J’vous astiqu’rai le frifri qu’à vot’ demande espresse. Sinon, je joue l’boa constructeur. En somme vous faites l’manège d’ch’vaux de bois. Çui qui monte et qui descend sur une grosse tring’ d’cuiv’, pendant qu’un gazier fait d’la musique crincrin en jouant d’la limonade. Mettez-vous en position, p’tite salope !

« Caisse j’vois ! Elle met des bas et un porte-jarretelles ! Mais c’t’une esquise pute, cette cheftaine d’la Rousse ! Fallait qu’vous fussassiez terrib’ment en manque d’chipolata. Un jour, vous m’bénirerez d’ v’s avoir guérie d’vos fantasques, Carmen ! J’vous prédille qu’à partir d’ doré-d’l’avant, ça va être la grande corrida des asperges, pour vous. V’s’allez en déménager des pafs, friponne ! R’gardez-moi c’travail ! C’est inné, chez vous ! Elle m’en étouffe la moitié d’une seule glissade, la voyouse ! Calmez-vous, qu’autr’ment sinon, vous allez surchauffer du réchaud. Faut perpétrer en souplesse, sur un air d’valse lente. Attendez, j’vas vous en chanter une pour vous donner le rythme. Sur les grands flots bleus… Où viennent se mirer les étoiles… Nous irons tous deux…

« Merde ! J’escrime et t’accompagnes pas la musique. A quoi ça serve qu’ Ducroc y s’décarcasse ! La v’là en furie ! Elle m’emballe tout l’gourdin ! Mais c’est l’hangar du Concorde, ta moniche, ma grande ! J’espère qu’ t’as l’électricité à l’intérieur, qu’on puisse rassembler son matériel de nique après usage ! Bon, lâche les chiens, pisqu’y a rien à t’dire ! T’as les ébats épiques, môme ! Quelle bonne toréadeuse t’aurais fait ! A cheval ! Yop ! yop ! yop là ! C’est ton sang sudique qu’esprime ! Hé ! calmos ! Tu m’arraches l’copeau, bordel ! Meurtris pas l’gamin, il est sous contrat ! J’ai d’aut’ dadames à honorer, moi ; j’peux pas leur proposer un panais avarié comm’ su’ les planches en couleur du Larousse médicinal.

« Attends, sors les aérofreins, j’voye un motard qui s’intéresse à nous. J’croive que ta danse de Saint-Guy y a attiré l’intention. Mouais ! Il met sa péteusse sur sa béquille et y s’approche. Faut qu’on décule en souplesse, darlinge ! J’sais bien qu’un matuche t’en as rien à s’couer, vu ta situasse, mais jus’ment ça la fout mal que ce tordu d’mes’deux voye sa big patronne avec une affaire longue comme l’avant-bras dans ltrain des équipages ! Arrête, vérole ! Oh ! la chienne : é s’appartient plus. L’a franchise le poing d’non-retour. E m’font toujours c’ coup-là, ces bourriques ! Quand épartent en béchamel, tu peux leur annoncer la mort d’leur maman, é s’en foutent ! Les sens, quoi !