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— Maint’nant, esplique-z’y qu’ j’sus t’un pote à Martin ; j’le suvais en bagnole et quand j’ai arrivé su’ les lieux y vivait encore. L’a-z’eu l’temps d’me bonnir deux trois bricoles et d’me remett’ quéqu’chose d’important, cause-z’en à c’t’enfoiré !

Discussion entre la taulière et son clille. Assez véhémente.

— Y r’chigne ? s’inquiète le Gros.

— Non, il demande qui tu es.

— Réponds-y qu’c’est pas son problo. J’étais un ami de c’pov’ Martin et j’m’occupe de ses dernières volontés, pointe à la ligne !

Elle transmet.

— A présent, d’mande-lu pourquoi y avait rancard avec Martin chez toi ?

Marinette s’acquitte fidèlement.

— Martin devait lui remettre quelque chose.

— Quoive ?

Question. Réponse.

— Du fric !

— Maint’nant laisse-nous, la mère, va t’ pommader la chaglatte, et si tu trouv’rais un bénouze pour mon vieux pote, tu f’rais une bonne action : j’croive bien qu’c’est lui, la conduite qu’a esplosé.

— Je me disais aussi ! Je vais monter à l’appartement. Les fringues de mon homme sont encore dans son armoire. Note qu’il était mieux baraqué que lui !

Marinette exit.

Béru pose ses deux coudes sur la table et place sa hure entre ces deux solides montants.

— Ecoute, p’tit mec, I have monnaie for you.

La physionomie ingrate du malfrat se fait plus courtoise.

— Say me how much I dois give you, for security mesure ? reprend Béru.

Le vilain pige.

— Cent mille dollars ! annonce-t-il.

Le Gravos lui tend la main :

— Banco ! It’s regular.

Il ôte son veston, le dépose à plat sur la table et entreprend de découdre sa doublure. Il sort des liasses et des liasses « d’australs » qui transformaient la veste en un vêtement caparaçonné de picador.

L’eczémateux les compte fébrilement et les fourre dans son sac avion.

— O.K. ? demande Béru, à la fin de l’opération.

— O.K.

— Now, quick for the job, hein ? You dites to your friends !

— O.K. ! O.K. ! répète le vilain.

Il se lève, cherche de la fraîche pour cigler sa conso.

— Casse-toi, gredin, it is my tournée, déclare Béru.

Le gars s’en va.

A présent, la mort de Salvador del Panar est programmée.

Deux flaques nauséabondes s’élargissent sous les pieds du malheureux Pinaud.

— Il me faudrait également des chaussettes et des souliers de rechange, bêle l’accidenté de la tripe.

Bérurier hausse les épaules.

— Tézigue, d’puis qu’t’es riche, t’as contrasté des goûts d’ lusc, dit-il. Comme quoi, l’artiche c’est pas un cadeau !

SUITE

Le Kavanagh est un immense gratte-ciel, d’apparence rigoureusement new-yorkaise, qui domine le quartier portuaire de Buenos Aires.

Béru se paye un torticolis à essayer de le contempler dans sa totalité.

— C’t’une drôle d’idée, quand c’est qu’on a vécu des années dans la Pampa, d’viendre crécher dans c’te super-caserne, bougonne-t-il.

— La loi des contrastes, formule Pinaud. Ayant changé de vie, cette digne personne a voulu changer de cadre.

— Tu d’vrais pas causer, conseille le Gros.

— Pourquoi ?

— Tu pues toujours la merde qu’ c’en est un’ malédiction !

— Et le fait de parler stimule cette odeur ?

— Ça attire l’attention su’ toi, vieux mec. On t’regarde, on t’écoute et on s’dit : « C’est c’t’ vieille bricole humaine qui fouette le caca à ce tel point ! »

— Pourtant, j’ai pris un bain chez Marinette !

— T’es sûr qu’t’aurerais pas des fuites, mine de rien ? La chiasse, c’est pernicieux quand ça s’y met !

— Sans doute, mais je me suis garni le slip avec des journaux !

— Eh ben ! c’est qu’ les nouvelles sont pas fraîches, mon pauvr’ vieux ! Bon, allons-y !

Ils pénètrent dans un hall gigantesque, en comparaison duquel celui des Nations unies passerait pour une pissotière de gare de banlieue. Une théorie de portiers affairés derrière une banque en demi-cercle reçoit les visiteurs désorientés et les oriente. Le Mastar s’enquiert de la dame del Panar. Un petit chauve à grosses lunettes et à bec-de-lièvre, vêtu d’un uniforme bleu électrique, lui révèle qu’elle occupe l’appartement 3684 et leur désigne l’ascenseur le plus fiable pour les y conduire, non sans les avoir annoncés « au prélavable ».

Voilà donc les pueurs de merde à l’assaut du gratte-ciel.

Les appartements sont parfaitement balisés et des flèches soulignant les numéros permettent de se repérer sans, tu sais quoi ? Coup férir !

Laurel et Hardy se pointent sur un paillasson grand comme une planche à voile, étalé devant une double porte laquée. Ils sonnent. Une vieille guenon habillée en femme de chambre vient délourder. Un mètre cinquante, une gibbosité de contrebandier (pouvant servir de pupitre à l’astucieux Law pour signer des assignats rue Quincampoix), moustache blanche, paupières tombantes, odeur de poivre et de rance, dentier flottant, les examine d’un regard ascendant et glaireux.

— C’est nous qu’on est attendus, mon trognon ! explique Béru.

O miracolo ! Elle comprend le français ; ce qui te prouve que cette émanation du sous-ordre des simiens n’a servi que dans des maisons de classe.

— Vénez ! fait-elle, et de les driver en claudiquant par un large couloir.

Ils débarquent au salon. Vaste pièce bourrée de beaux meubles et de posters consacrés au football. Tous les triomphes internationaux de l’Argentine se trouvent glorifiés sur les murs et une gigantesque photo de Maradona permet d’apprécier la grâce, la graisse et l’harmonie parfaite de ce joueur, son air profondément intelligent, la spiritualité de son regard.

Mme del Panar number one n’est pas seule. Elle se trouve en compagnie d’un cardinal en tenue de gala, homme grand, aux traits aigus, aux yeux scrutateurs.

Elle fait les présentations comme elle le peut, puisqu’elle ignore les blazes des deux arrivants.

Elle dit seulement :

— Un docteur français (Pinaud) et un autre monsieur français.

Puis, aux deux :

— Son Eminence Dom Alfredo Gigolo y Mantequilla y Platano del Bistougne y Merguez, cardinal de Fernay Blanca.

— Heureux de vous connaître, messieurs, assure l’Excellence, en français velouté.

— Et moive donc ! retourne Béru. C’est l’bon Dieu qui vous a mis su’ not’ route, vot’ cardinal, biscotte on a des choses délicates à dire à c’te brave femme, et quand on jacte pas la même langue, c’est coton d’ raconter sa vie. Pour commencer, n’soiliez pas surpris si mon pote renifle les gogues en vidange, mais il a marché dans un colombin just’ avant d’monter et y n’avait pas d’quoi s’décrotter les tatanes conv’nab’ment.

L’éminence fronce les sourcils.

— Cher monsieur, dit-il, ayez la bonté de parler plus lentement car il y a longtemps que je n’ai pas eu l’occasion d’employer votre langue et mon français est loin de valoir le vôtre.

— Caillez-vous pas l’raisin, votre cardinal, m’suffit d’régler ma fréquence su’ la vôt’ et tout baignera dans l’sirop !

— Je vais faire un résumé de la situation à Son Eminence, intervient Pinaud.

— Quand on « la » pue comme tu « la » pues, on s’écrase, je croive t’l’avoir dit ! fulmine l’Ours polaire.