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Bérurier devient héroïque.

— Bien, décide-t-il, faut quand même qu’on va fêter not’ succès, mes aminches !

Il commence à se déloquer, habile strip-tease, lascif, érotique. Il pose son futal éclaté pour commencer, tout en conservant ses lattes, puis il abandonne son slip sexy (jaune devant, brun derrière). Après quoi, c’est le veston qui choit, précédant la chemise. Tous le contemplent, avec toujours la même fascination incrédule.

« N’en somme, se dit in petto le Gros, toujours lucide, c’t’enquête, j’l’aurais m’née av’c ma bite ! C’t’elle qui m’aura ouvert toutes les lourdes. J’m’pointe, j’dégaine Agénor et les frangines pamoisent. Le bon Dieu est franch’ment magnifique d’m’avoir attaché en bas du bide un’ panoplie pareille ! »

Et, mentalement, il réunit les éléments d’un « Notre Père… » de gratitude :

« Not’ Père qu’êtes soucieux, qu’Vot’ gnon soye j’sais-plus-quoi, qu’Vot’ araignée arrive… Que Vos… Enfin tout le reste… J’Vous prille d’m’escuser d’avoir un trou, mais l’cœur y est ! J’Vous doive tout et surtout ma grosse queue d’âne, Seigneur mon Dieu ! Saint-Cloud very moche pou’ l’ cadeau ! J’voye mal c’dont j’aurais fait si Vous m’auriez fublé d’un pauv’ niocchi comme j’en ai tant vu. Av’c un tel sauciflard, mon Dieu, bien joufflu d’partout et appétissant, j’peux circuler dans l’éguesistence la tête haute. Celle d’mon nœud dans tous les cas ! Un d’ces quat’, j’irai à Lourdes. J’frai brancardier et j’ tremp’rai mon paf dans l’eau miraculeuse : pas pou’ d’mander, mais pou’ r’mercier. Tous ces enfoirés d’ici-bas y passent leur vie d’merde à Vous faire tarter av’c leurs jérémiances. Toujours à réclamer, ces enculés ! Moive, j’ai envie d’Vous tend’ la main, Seigneur, et d’Vous payer un gueul’ton en r’connaissance. En c’jour qu’j’souff’ d’amour, qu’j’aye une grande peine, v’là qu’Vous me faites bander quand même pour m’ r’quinquer. Alors là, chapeau, Seigneur mon Dieu ! Y a qu’Vous pour penser à ça ! »

Et, à la stupeur générale, il exécute un grand signe de croix déterminé.

Soudain retrouvé, radieux et souriant, conforté par ce coup d’âme, il prend l’initiative des opérations.

— Mes p’tits choux, fait-il avec son autorité bienveillante coutumière, j’propose un démarrage à l’arniab’ de la manière ci-dessous : ma pomme, ici présent, j’vas prend’ l’plumard av’c la p’tite escrétaire, manière d’ tester ses capacités, c’ qu’est la moind’ des choses. M’sieur Pinaud, sans cesse su’ la bretèche, va démarrer la comtesse en y fsant langu’ d’ velours, c’ qu’est toujours appréciab’. Enfin, no’t’ chère Carmen va opérer un bioutifoul turlutage au sergent, s’assurer s’il vaut l’coup qu’elle le fisse permuter à Bonno Zairesse. Si vous r’sentiez d’la gêne, on va tirerer les doub’ rideaux, manière de s’esprimer d’tout son cœur en pénomb’. Et maint’nant, tout l’mond’ à loilpé, j’vous prille ! V’s’êtes tous bien saboulés et c’est pas la peine d’froisser vos harnais et d’y balancer des virgules qui font mauvais genre par la sute !

Ainsi parla Alexandre-Benoît Bérurier, sur la rive droite du Rio de la Plata aux eaux couleur de merde.

ENFIN FIN !

Vol de nuit Rio de Janeiro-Paris.

Deux jours plus tard.

Dans les first, cinq personnes éminentes : Carmen Abienjuy, la comtesse de la Fuenta, Pinaud, Bérurier, Alfred. On leur a servi un dîner délicat et projeté un film sur la culture du coton en Hydrophilie orientale. Pendant la projection, l’insatiable Carmen a taillé une pipe au Gros, en faisant semblant de dormir sur ses genoux. Il lui en est consécuté un blocage de la mâchoire et il a fallu que Sa Majesté lui tire un crochet au bouc pour qu’elle puisse refermer sa trappe.

Ils se sont tous endormis du sommeil du juste et c’est l’escale de Dakar qui les réveille.

Les passagers ne descendent pas. Comme à l’aller, une équipe de nettoiement sénégalaise envahit l’avion et des odeurs de kérosène, ce puissant carburateur breton, font froncer les narines.

Alfred, un peu pâlot depuis sa détention, s’agenouille sur son siège pour pouvoir s’entretenir avec Béru, son sauveur, assis derrière lui.

— J’ai une drôle d’impression, lui dit-il.

— Ah oui ? laisse tomber le Mastar, indifférent (il a deux doigts en coup de sifflet dans la chatte de Carmen Abienjuy).

— La sensation d’oublier quelque chose, reprend Alfred.

Le Mammouth retire provisoirement ses deux doigts explorateurs pour les porter à son pif de sanglier.

— Ta valoche ? suggère-t-il.

— Non, non : je l’ai récupérée au greffe.

— Et c’est là, tu vois ? Regarde bien : là ! Qu’il pousse un cri.

Berthe ! égosille le merlan ! Berthe ! On l’a laissée au Sirenia Palacio de Mare del Plata !

Bérurier remet ses doigts dans la tiédeur où ils se complaisaient. Il constate qu’il peut leur adjoindre un troisième larron, hésite entre son index et son auriculaire, penche pour l’index, plus démonstratif.

— Et qu’est-ce que tu veux qu’ ça m’fout’ ? demande-t-il. C’est qui est-ce qui l’a embarquée à Mardel ? Tézigue ! C’t’à tézigue d’la ram’ner si l’cœur t’en chante. Pour c’ qui est d’ma part, j’ trouve qu’elle est bonnarde dans son hôtel. L’temps qu’elle aye passé tous les clilles et les employés à la cass’role, d’l’eau coul’ra sous l’pont Neuf, Freddo ! Moi, av’c l’ chep’tel qu’ j’ramène, j’ai d’quoi voir v’nir.

FIN