L’organe de Béru, stimulé par les bons vins, retentit de plus en plus fort. Il balance des madrigaux qui feraient gerber des bonniches portugaises et que sa voisine paraît déguster à la cuiller. César songe que son ami est un être en vie, imperméable à l’adversité. Sa femme vient de faire des galipettes en Argentine avec un pote devenu assassin, mais il conserve sa santé, sa fougue, sa bonne humeur. Quelle leçon d’optimisme !
Le Chétif s’endort. Il ne sent même pas qu’on le débarrasse de son plateau et qu’on redresse la tablette devant lui. En état second, il bascule son siège en arrière, croise ses paluches de curé de campagne sur son ventre.
Après le repas, la compagnie propose un film à ses passagers. Déjà ancien : Victor Victoria, mais excellent.
Pour suivre la partie sonore du film, il faut casquer des écouteurs. Béru fait une tentative, mais il se goure quant au choix du canal et, sur les délicieuses images du film, se fait un documentaire sur la caste dirigeante de la société inca dans l’Amérique précolombienne.
Au bout de pas longtemps, il déclare à sa compagne que cette production est sans intérêt et lui propose d’enlever le large appui-bras qui les sépare. Elle accepte. Le Mammouth profite de la pénombre cinémateuse pour entreprendre sa voisine de palier. Il lui fait le bout des seins, lui lèche les coquilles, lui glisse un doigt de cour ; toutes ces entreprises sont jugées les bienvenues par la dame de cuir dévêtue (il lui a arraché sa veste et entreprend l’écossage du bénouze). Inutile de te chambrer plus avant, ce qui doit arriver se produit. Vers le milieu du film, la dame est agenouillée face au hublot, regardant déferler l’Atlantique Sud blanc d’écume, un genou sur son siège, son autre jambe prenant appui sur le plancher tandis que M. Alexandre-Benoît l’entrelarde de son big, tout en lui massant l’ergot. La passagère en conçoit un tel contentement qu’elle se croit autorisée à le clamer en espagnol.
Une hôtesse vient voir ce dont il s’agit, n’en croit pas bien ses yeux et va appeler ses copines pour qu’elles l’assurent du bon fonctionnement de ses sens. Ce remue-machin sollicite l’intérêt du tennisman. Les gaziers du poste de pilotage, prévenus, mettent les manœuvres automatiques et se pointent à la régalade. S’ensuit un émoi effrayant dans les first. Le sportif se rue sur sa fiancée pour lui montrer sa braguette de pénis. Le commandant de bord touche la chatte de la cheftaine hôtesse, le radio palpe la bite du steward pédoque et le copilote s’en fait tailler une par la plus âgée des hôtesses, une dame frisant la cinquantaine et qui a l’habitude de ramasser tous les pafs à la traîne.
Pour couronner, le yorkshire du champion aboie après le dargif de Béru et lui mord les roustons. Notre ami lâche le clito de sa conquête pour se saisir, par-derrière et à tâtons du teigneux roquet qu’il propulse loin de ses balloches. Le chien emplâtre la frite de l’Indien endormi. Fou de douleur, il se met à lui bouffer la gueule avec acharnement. Le bonhomme glapit en hindi moderne. La potesse de Bérurier, à bout d’endurance, take son foot. Pinaud dort toujours.
En deçà du rideau séparant les first des tourist, le restant des passagers visionnent Victor Victoria ou bien roupillent. Le Jet qui s’autopilote emmerde l’océan. Tout est là, simple et tranquille.
Des couilles se vident. Le film s’achève. Chacun reprend son poste, d’autres des postures. Béru le Grand s’allonge sur sa partenaire dévêtue et se met à pioncer.
Pinaud avait deviné juste : « elle » possède des yeux ensorceleurs, d’un vert profond, cerné de brun clair. Longs cils, pommettes saillantes. Et quel parfum délicat !
— J’t’r’présente la comtesse Dolorès de la Fuenta, une personn’ très agriable et surtout bourrée d’ fric. Elle fait l’él’vage des bêtes z’à cornes en Argenterie, et, espère, c’est pas des escarguinches ! Veuvasse ! Le rêve ! Un coup d’reins dont t’as pas idée. Elle vient t’aussi à Yen-a-Marre-del-Plata où qu’é possède une propriété de mille hectares carrés. E s’occup’rera d’nous. D’puis la mort d’son mec qui s’est planté en coléoptère en sulfatant ses récoltes l’an dernier, ell’ avait pas r’tâté du braque. Et moi qu’j’m’annonce av’c ma chopine féroce, tu parles d’un triomphle ! E veuillait qu’ j’bissasse mon numéro, mais quand on n’a pas franch’ment ses zaizes, c’est d’la confiture aux gorets ! Le pr’mier coup d’tring’ pour dégorger l’plus gros, d’accord. N’ensute, ça d’vient de l’art ! J’lu réserv’ mon enfilade d’gala pour Y-en-a-Marre-del-Plata. Là, j’lui frai grimper aux rideaux d’ la chambre, promis-juré-croix-de-bois-croix-de-fer-je-crache-par-terre !
Tout en causant, il masse le fessier « gainé » de cuir de la personne. Une femme de cul, certes, mais de surcroît femme de tête, ça se sent à son regard intense qui te plonge au fond des bourses déliées. Te doit gérer ses biens avec compétence et énergie, la Dolorès. Faut pas la payer avec des chèques en bois, la comtesse !
— Leur famille est parentée au roi d’Espagne, renchérit Béru. T’vas m’dire qu’on n’en a rien à branler et qu’c’est pas la dame la plus sous-titrée qui baise le mieux, n’anmoins, ça fait plaisir d’savoir qu’on trempe sa queue dans d’la noblesse rigoureus’ment t’authentique. Av’c les sang-bleu t’as moins peur de choper la vérole. Dis, t’as vu ses tétons-de-derrière, à Dolorès ? Malgré ses heures de vol, on dirait du bois ! Faudra qu’j’y en mette un p’tit coup dans l’fournil. Pas vrai, ma grande ? J’parille qu’ton vieux t’a jamais pointée du cadran solaire. J’me goure ? Y t’a eu fait flamboyer l’pétrus ? Non, hein ? Elle est encore vierge du tafanar, la pauvrette ! On va lu réparer c’t’oublille ! Faudra pas pleurer l’huile d’olive pour l’engouffrer d’la pastille, bien prendre mon temps, un espadon comme l’mien ! Chérie, va !
La riche propriétaire parle le français, suffisamment mal pour ne pas réagir aux argotismes du Gros. Béru n’en peut plus de lui ! Dégringoler une personne de cette classe, l’ennoblit par contagion. Il fait le galantin, l’enroulé. Risque des bribes de subjonctifs qui capotent en cours de phrase, mais c’est l’intention qui compte.
Le vol s’achève dans de la Chantilly. C’est onctueux, délectable (de logarithmes). La comtesse, à vrai dire, est joyce de ramener de France la plus grosse queue d’Europe ! S’étant rendue à Paris pour renouveler sa garde-robe de deuil (qui venait de s’achever), elle a déniché, en prime, un zob exceptionnel. Mal porté sans doute, par un gros gonzier sans grâce, mal fagoté et aux manières soudardes, mais si fabuleux, si exceptionnel, qu’on lui pardonnerait d’être accroché au ventre d’un gorille !
Ils se posent à Buenos Aires sans problo. Une heure plus tard, ils s’embarquent pour Mar del Plata, non pas à bord d’un zinc d’une ligne intérieure, mais avec le Jet privé de Dolorès : un coucou de dix places au confort époustouflant.
Pendant le trajet, le Mammouth raconte la situation à son Argentine argentée. Sa femme a accompagné un aminche à Mardel (c’est ainsi qu’on appelle la prestigieuse station en Argentine). Ce mec est accusé d’avoir trucidé à coups de ya une nana en vacances dans leur hôtel. De ce fait, on interdit à l’épouse Bérurier de regagner ses pénates françaises. Elle doit rester à Mardel comme témouine. Dolorès déclare qu’elle est très liée avec le chef de la police de Mardel et qu’elle interviendra en faveur de Berthe. En attendant, elle propose de les loger à son latifundio et de mettre une voiture avec chauffeur à leur disposition. C’est fourmulé avec tant d’empressement que les deux compères acceptent.