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« Il me faut toute la somme en liquide, et je vous déconseille de noter les numéros des billets. Personne ici n’a intérêt à ce que je sois arrêté, n’est-ce pas ? Allons, qui va aux provisions ?

Un grand zig se lève.

Je réalise que ce doit être Pills. Ses paroles me prouvent aussitôt que j’ai raison.

— J’ai la somme chez moi, dit-il.

— Vous avez une brique sous la main, vous ? Eh bien mon coco, vous trimballez quelque chose comme vaisselle de fouille !

Il se tourne vers les autres.

— Puisque nous lui remettons cette somme, autant lui donner l’argent que nous devions partager.

— Minute, fait le plus vieux qui rajuste sa salle à manger et paraît avoir repris quelque courage. Qui nous prouve que cet homme nous remettra bien le petit Sventson et le livre de cuisine, une fois qu’il aura l’argent ?

Je sursaute. Le petit Sventson ! Maintenant je comprends tout. Sventson est un savant qui, dans la région de Las Vegas, travaille aux recherches atomiques. Il y a cinq ans, son fils a été kidnappé ; c’était un poupon. On n’a jamais retrouvé les ravisseurs. Par la suite, le cadavre d’un bébé a été découvert du côté de Beverly Hills, méconnaissable. On a décidé qu’il s’agissait du petit Sventson. Mais le gosse vit toujours, la preuve !

La bande organisée qui l’a enlevé doit s’en servir pour faire pression sur le père et lui faire cracher ses secrets. Sventson sait que son fils vit toujours. On doit lui donner des photos, de temps en temps, pour le rassurer. Et alors la bande Marrow et Cie le tient à sa merci.

C’est recta. Du travail de grande classe. Et le livre de cuisine doit servir à véhiculer les documents.

J’éclate de rire.

— Tranquillisez-vous, dis-je, pour en revenir à la question posée par le vieux gland. Vous m’accompagnerez tous les quatre jusqu’à l’endroit où est planqué le mouflet. Une partie du groupe restera dans la voiture tandis que l’autre viendra avec moi dans la carrée, vu ?

Ils acceptent.

Chapitre XV

C’est un drôle de cortège qui stoppe devant la maison de la môme Carolina. Nous sommes cinq, empilés dans ma voiture. C’est Marrow qui conduit. Je suis assis à ses côtés et je lui indique la route tout en jouant avec mon feu.

Derrière, les trois pègreleux ne pipent pas mot. Ils ont le trouillomètre au-dessous de zéro, moi je vous le dis, et ils se demandent de quelle manière cette séance va finir.

Moi, je ne me le demande pas, j’ai ma petite idée là-dessus.

— Voilà, dis-je, je vais aller chercher le chiard avec Marrow. Vous autres, ne levez pas le petit doigt, ou y aura du pet.

Je rentre dans la bicoque. Carolina pâlit un peu en voyant radiner son ancien patron.

— Ayez pas peur, chérie, il ne mord pas. Ce Monsieur et ses acolytes sont devenus raisonnables.

Nous entrons.

— Maintenant, Marrow, j’ai un petit compte à régler avec vous.

Il pâlit et perd de sa superbe.

— Vos paroles de l’ambulance me sont restées sur la tomate, mon petit père. On va se mettre à jour, si vous voulez bien.

J’empoche mon feu, ce qui paraît le soulager passablement, et je lui mets un parpaing à la pointe du menton.

Ce mec a du nerf. Il riposte par un crochet du droit qui me fait craquer les mâchoires. Je suis un peu sonné, mais la douleur achève de faire monter ma tension. Je lui plonge dans le coffret, tête la première et, comme un taureau qui coiffe un toréro, je le plaque contre le mur. Il a le souffle coupé net. Alors, je me recule, et je lui fiche mon genou dans les précieuses. Il se casse en deux ; je prends un nouveau recul et je le redresse d’un coup de pompe sous le menton..

Ça fait comme dans un appareil à sous quand vous décrochez la timbale. Il s’effondre. Alors, peinard, je lui écrase le pif avec mon talon. Ensuite, je m’attaque à son pavage.

En trois minutes sa propre mère ne voudrait même plus en entendre parler et le ferait porter aux ordures. Un dernier coup de tatane l’envoie au pays des rêves. Quand il se réveillera, il faudra lui faire tellement de points de suture que sa gueule ressemblera à une fermeture éclair.

Carolina m’a regardé maquiller le bonhomme en silence.

— Où est Adlaï ? je lui demande.

— Dans ma chambre.

— Va le réveiller et amène-le !

Elle s’exécute. Lorsque le moujingue est là, j’attrape le livre de cuisine et je dis :

— En avant marche !

Les trois peaux de raves commençaient à se faire du mouron.

— Écoutez, dis-je, Marrow est fatigué, il vous rejoindra plus tard.

Ils baissent la tête.

— Faites pas ces gueules, il est simplement groggy ! J’avais une correction à lui administrer, c’est chose faite.

— Voici le bouquin et le gamin.

Ils sautent sur le livre et l’un des mecs le fait disparaître dans sa serviette.

— Maintenant, en route ! dis-je en m’installant derrière le volant.

— Où allons-nous ? demande Pills.

— Je vous ramène dans le centre.

Carolina prend le mouflet sur ses genoux ; je démarre.

On arrive dans le centre. Je ralentis en parvenant à la hauteur d’un flic.

— Monsieur l’agent, je fais. M’sieur l’agent.

Le gars s’approche.

— Ce qu’il y a ?

— Tenez, on vient de trouver ce pauvre petit mioche du côté de Brooklyn, il s’est perdu. Son prénom est Adlaï, paraît-il. Adlaï Sventson.

— Bon, fait l’agent, on va tâcher de retrouver sa bonne vieille maman, à ce chéri.

Il prend le gosse des mains de Carolina et louche un peu sur les genoux de ma belle.

Adlaï prend la main de l’agent. J’ai jamais vu un lardon aussi passif.

Je fais un geste cordial au flic et je redémarre.

— C’est une honte ! s’écrie Pills.

— Vous, le grand conard, mettez une sourdine ou je vous plombe ! Maintenant descendez, tous les trois. Estimez-vous heureux que je vous laisse le bouquin et la vie sauve !

Ils se trissent sans demander leur reste.

— Où allons-nous ? demande Carolina.

— À l’aéroport. On va fréter un avion-taxi pour le Canada et de là, ma jolie, ce sera l’Europe.

Je palpe mes profondes. Y a un de ces paxons de trèfle là-dedans qui laisserait rêveur le caissier principal de la Banque nationale.

— Pourquoi as-tu confié le gamin à l’agent ? Ça n’est pas prudent !

— Bast, je murmure, pour la première bonne action que je fais, tu ne vas pas me la reprocher, non ?

Conclusion

Des petits nuages s’effilochent autour de nous. Il fait bon vivre. Je finis d’expliquer à Carolina l’histoire du môme Adlaï.

— Tu comprends, lui dis-je, tant qu’il était aux mains du consortium Marrow, ces fumelards pouvaient faire chanter le savant. Sventson donnait les plans atomiques des U.S.A. pour conserver la vie de son momard.

— Ferna servait d’intermédiaire. C’était elle qui apportait la moisson de Sventson à New York. Et ces plans, sais-tu dans quoi elle les véhiculait ?

— Ça t’est venu à l’idée comme ça ?

— Dame, un livre de cuisine n’est pas un bagage bien catholique. J’ai examiné celui de Ferna.

— Ah…

Je dis « ah », sans prêter attention à ce qu’elle me raconte, mais elle s’y entend pour ménager l’intérêt, cette mômette.