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— J’ai trouvé…

— Ah, tu…

Je sursaute.

— Tu as trouvé quoi ?

— Ben… les documents !

— Hein !

— Pendant que tu agissais, moi je réfléchissais. J’ai étudié le mot de passe. De la part du petit homme… (le petit homme c’est Adlaï) dont les carottes sont cuites.

Elle sort de son corsage une page du livre.

— J’ai arraché le feuillet consacré aux carottes. Examine-le, tu découvriras que les points au-dessus des i sont des microspoints collés. Voilà toute l’histoire de leur combine…

Je ne regarde pas la feuille, mais je la chope par le menton et je lui roule un baiser que je n’interromps qu’aux portes mêmes de l’asphyxie.

— Toi, je lui dis, tu vaux de l’or…

Et croyez-moi, bande de pauvres pedzouilles, ça c’est vrai ! Je peux vous parier un flacon d’anticorps contre une migraine de génisse qu’une souris de ce calibre, vous n’en trouverez jamais !

Prochain volume à paraître :
Java au cimetière [15]

TROISIÈME ÉPISODE

LE BOUILLON D’ONZE HEURES

À Charles Moulin,

l’acteur le plus costaud « in the world »,

qui m’a donné envie de connaître la Provence.

L’Ange Noir

Première partie

Chapitre premier. Descendez, on vous demande !

— M. Mattiew, me déclare le portier, c’est au sixième.

Le portier a eu certainement une girafe ou une tringle à rideaux dans ses ascendants. Ça se voit à la façon dont il porte sa tête au bout de son cou, comme si c’était l’objet le plus précieux et le plus spectaculaire qu’on ait jamais vu circuler sur cette garcerie de planète.

— Merci, je lui dis.

Dans la vie, y a ceux qu’ont de l’éducation et y a ceux qui n’en ont pas plus qu’un anus de cheval. Y a aussi ceux qui font des valdingues dans les cages d’ascenseur, et c’est un de ces particuliers que j’aperçois trente secondes après avoir demandé mon petit renseignement au portier.

Quand je dis que je l’aperçois, c’est la vérité la plus homologuée que j’aie jamais proférée. En effet, le pèlerin passe devant mon pifomètre juste au moment où je m’apprête à appuyer sur le bouton d’appel.

Il dégringole en poussant un cri qui ressemble à celui d’un personnage de dessins animés.

Il y a un grand « plouf », puis c’est le silence.

Je ne suis pas le type à sortir de mon calme olympien parce qu’un pauvre locdu vérifie les lois de la pesanteur. Les mecs qui voltigent dans les cages d’ascenseur ne m’intéressent pas. Le cas échéant, c’est même moi qui les y pousse. Seulement, là, le cas est différent. Et je vais vous expliquer pourquoi.

Le signet de cuivre indiquant la marche de la cabine est immobilisé sur le numéro 7, ce qui indique que l’ascenseur est stoppé au septième étage. Or, sur le même tableau de cuivre, je vois une ampoule rouge qui clignote à la hauteur du 6, ce qui signifie que la porte du sixième est ouverte et que, par conséquent, c’est du sixième que le zigoto a piqué une tête…

Comme c’est au sixième que pieute Mattiew et comme ce Mattiew, que je n’ai pas encore l’honneur de connaître, m’a l’air d’un type pas comme les autres, vous comprenez que je sois tout de même intéressé…

J’attends une seconde de plus avant de prendre une décision, histoire de voir si le portier-à-coulisse ne va pas ramener sa calbombe. Mais il est en train de bâiller devant son poste de télévision, et on pourrait lui enlever son immeuble brique par brique qu’il ne s’en apercevrait pas.

Alors je fais demi-tour et m’engage dans l’escalier. Maintenant, le moment est peut-être venu d’allumer votre réverbère.

Voilà : comme je commençais à être sérieusement scié aux U. S. A., où rien que mon nom donne le cafard aux flics, j’ai décidé, dans l’intérêt de ma santé, d’accorder un peu de vacances à la flicaillerie de mon bled et d’aller visiter l’Europe.

Il paraît, aux dires de Pedovna, un dur de mes aminches qui s’est fait sucrer par un Fédé, dans un bar de Los Angeles, il paraît, dis-je, que l’Europe est un coin tout ce qu’il y a de tocasson pour les mecs de mon espèce. Avant-guerre, on y faisait son beef et les gars un tant soit peu dégourdoches ne mettaient pas longtemps à se construire une situation. Mais depuis le grand pastaga, il est apparu une foule de demi-sels qui se prennent pour des terreurs parce qu’ils ont appris à mâcher le chewing-gum avec des Ricains et ces pauvres tordus ont flanqué la perturbation dans le turbin !

Pourtant, je crois de toutes mes forces en ma jugeote et pour moi, toutes les villes sont des bons coins. Y a aussi une chose en laquelle je crois fortement, c’est en ma chance. Enfin, bon Dieu, quoi ! Je vous fais juge… J’ai débarqué à Londres hier, venant de Liverpool. Je suis allé prendre une chambre au Continental et j’ai commencé par quoi on commence toujours lorsqu’on arrive de voyage : par prendre un bain… Ensuite, comme il faisait un soleil à tout casser, ce qui est, paraît-il, exceptionnel en Angleterre, je suis allé me sécher sur le balcon. L’hôtel est ainsi fait qu’il y a un balcon pour deux piaules, ce balcon est coupé en deux par une grille. Moi, sur la pointe des pieds, je m’approche de la séparation, histoire de bigler par la porte-fenêtre d’à côté, s’il n’y a pas un couple en train de faire une partouze.

Je pars du principe que, dans la vie, il ne faut jamais rater l’occase de prendre un jeton.

Je glisse donc un regard de reptile dans la carrée, et, au lieu d’amoureux en délire, j’aperçois un type d’âge moyen. Il est habillé pour le voyage et ses valises sont faites. Ce mec a une gueule carrée, le teint brique et des épaules de déménageur… Je ne prêterais pas la moindre attention à lui s’il ne se livrait pas à une occupation passionnante. Ce mec est en train de plier une pile de billets de mille livres dans un morceau de papier d’emballage. Il écrit une adresse dessus, la sèche sur le buvard du sous-main et sonne un larbin. Le groom arrive.

— Monsieur désire ?

— Voulez-vous aller me poster ça, boy ?

Il lui tend le précieux paquet, plus un billet d’une livre qu’il maintient dessus avec son pouce.

— Comme quoi ? demande le groom.

— Imprimé, fait nonchalamment le type.

Moi, j’en suis littéralement sur le postère.

Envoyer une fortune comme de vulgaires imprimés, ça ne se voit pas tous les jours…

Et, je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais les gens qui font des trucs pareils m’intéressent plus que le ministre de la Guerre.

J’observe mon zig. Il dit au larbin :

— Dites qu’on vienne prendre mes valises, je m’en vais…

Et, effectivement, il se taille.

Je cours jusqu’au couloir afin de m’assurer qu’il les met bien, puis je reviens au balcon, enjambe la grille et pénètre dans la chambre du gars, le sous-main de ma chambre sous le bras. Je le troque contre celui de l’emballeur de sterlings et me voici à nouveau dans ma piaule. Tout cela ne m’a pas pris plus de soixante secondes, ce qui, en Angleterre, plus qu’ailleurs, fait une petite minute.

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15

Le titre finalement choisi, pour le troisième volume de la série, sera : Le Bouillon d’onze heures. (N.d.E.)