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Je vais aux toilettes, me fais une compresse d’eau froide sur ma bosse et je reviens au bar.

— Vous prenez quelque chose ? me demande le garçon.

— C’est déjà fait, dis-je. Mais versez toujours…

— Un autre Cinzano ? demande-t-il sans rigoler.

Je le regarde, il soutient mon regard.

— C’est ça, un autre…

Tout en buvant, je me dis qu’il y a dans cette histoire un inexplicable mystère.

Du reste, un mystère est toujours inexplicable, c’est bien connu. Pourquoi cette poupée jolie a-t-elle agi ainsi ? Est-ce une cinglée ? A-t-elle eu envie de mon portefeuille et n’a-t-elle pas eu le temps de l’embarquer ?

Toute une série de points d’interrogation voltigent dans mon cerveau comme des mouches autour d’une cloche à fromage.

J’avale mon verre et je sors.

Je donnerais bien mille balles pour la retrouver, cette môme.

Chapitre II

De bonnes déductions

J’ai l’impression qu’on m’a posé une ventouse sur le crâne. Mon cuir chevelu est comme aspiré par ma bosse et je dois me dérider à toute pompe. Je décide d’aller soigner ça à mon hôtel, d’autant plus que du sang a coulé sur ma chemise blanche et que ça ne fait pas sérieux du tout !

Je suis descendu dans un petit truc du quartier Saint-Germain-des-Prés, d’abord parce que j’ai toujours rêvé de connaître Saint-Germain-des-Prés, ensuite parce que les petits hôtels sont sans histoires, contrairement aux palaces où l’on se fait plus aisément repérer. Et puis celui-ci s’appelle le Welcome, ce qui me dépayse moins.

Il n’y a personne à la réception. La bonne dame qui tient cette crèche est en train de se préparer un cacao dans sa cuisine. Mais c’est sans importance, les clients de la maison décrochant eux-mêmes leur clé au tableau.

J’ai le 4. Je tends la main vers le crochet numéro 4 et je constate qu’il est sans clé. Je me dis que la femme de chambre a dû la prendre pour passer l’aspirateur dans ma carrée. Je monte l’escalier car il n’y a pas d’ascenseur, et je débarque devant ma lourde.

Celle-ci est close. J’écoute : on n’entend rien… Je me penche pour assujettir mon œil au trou de la serrure, mais je constate que la clé est à l’intérieur…

Tout ça, brusquement, ne me paraît pas catholique du tout.

Je saisis délicatement la poignée de la lourde, je la tourne. Il ne se produit rien et la porte demeure hermétiquement fermée à clé.

Alors je sors mon revolver de sous mon aisselle. Je l’enveloppe dans mon mouchoir afin de ne pas effaroucher un quidam de passage et je m’adosse au mur, fort de cette vérité première qu’un homme occupant une pièce à une seule issue sera bien forcé d’emprunter cette issue un jour ou l’autre.

Mon attente est de courte durée. La clé tourne. La porte commence à s’entrouvrir. C’est juste l’instant que je choisis pour me manifester. Je fonce l’épaule en avant sur la lourde qui s’ouvre en grand. La personne qui était derrière va valdinguer à deux mètres et se retrouve assise sur la carpette, l’air pas spirituel du tout.

Cette personne n’est autre que la charmante jeune fille qui, il y a un instant, m’a fracassé la bouteille sur la tête… Pour l’instant elle n’a pas l’air malin, la gerce, écroulée sur la moquette, les jambes écartées et les jupes relevées. Elle porte une petite culotte de soie blanche, terriblement étroite, ce qui permet le plus beau coup d’œil de la terre.

— Bigre, la charmante blonde que voilà ! m’exclamé-je.

Et je ferme la porte car, bien que n’étant pas spécialement égoïste, j’aime bien garder pour moi tout seulard les aubaines de cette nature…

Elle devient rouge comme un coquelicot.

Elle serre les jambes, ce qui interrompt le spectacle.

— Dommage ! je murmure.

Elle se relève… Il y a un instant de flottement.

J’ôte le mouchoir servant de housse à mon feu et je souffle sur le canon de l’arme avant de l’astiquer avec ma manche, comme ça se fait dans les films de gangsters.

— Très intéressant, fait-elle.

Un léger sourire illumine son visage. Laissez-moi vous dire qu’elle est drôlement chouïa, cette assommeuse. Blonde — pas d’erreur sur ce point —, mince, les yeux verts et quelques taches de rousseur autour du nez… J’aime les filles qui ont des taches de rousseur, ça leur donne un petit côté vraie jeune fille qui émeut toujours les bonshommes. Et particulièrement ceux qui, comme l’Ange Noir, ne sont pas à proprement parler des enfants de chœur.

— Vous êtes très jolie, je dis.

— Vous possédez le sens de l’originalité, fait-elle. On voit que vous avez la bosse de la galanterie…

— Grâce à vous, j’ajoute, en ôtant mon bada.

Elle regarde l’aubergine qui continue à se développer et prend le fou rire.

Je jette un coup d’œil dans la glace de la cheminée.

— Marrant, hein ? dis-je, j’ai un crâne à impériale, comme les autobus anglais.

Je la regarde attentivement…

— Bien entendu, il est inutile de vous demander ce que vous faites ici, car vous me répondriez que vous vous baladez. Inutile aussi de vous demander la raison pour laquelle vous m’avez assommé. C’est bien entendu une coutume de votre pays ?

— Exactement, répond-elle.

Et ce, sur un ton impertinent.

Or, moi, si à la rigueur j’admets qu’une fille ait envie de me casser la tête, je ne peux renifler celles qui se fichent de ma poire.

Je m’approche de la donzelle, je lève la main et je lui colle le plus beau soufflet qu’elle ait jamais reçu de sa vie.

Ça claque comme un volet sur une façade. Les cinq doigts marquent, en blanc sur un fond écarlate.

Elle serre les dents pour ne pas crier et ses yeux s’emplissent de larmes.

— Assieds-toi ! je lui ordonne.

Et, comme elle n’obéit pas, je la pousse sur le lit.

— Tu es jeune, ma poulette, tu ne sais sûrement pas qu’il est très dangereux de provoquer des types comme moi. Si tu étais un homme tu serais déjà tout troué, comme un vieux vêtement bouffé des mites…

Je lui caresse les cheveux.

— Seulement tu es un gentil petit poulet de grain et les poulets de grain jouissent de ma sympathie ; ça ne se discute pas, hein ?

Elle ne répond pas et regarde droit devant elle un point noir sur le mur.

— Tu ne crois pas que le moment des explications est arrivé ?

Si, elle croit, elle le sait, mais elle n’est pas très pressée d’en convenir.

— J’attends tes explications, dis-je…

Comme elle ne répond pas, je la renverse sur le lit, et je me mets à palper ses fringues…

Je découvre simplement sur elle, enveloppé dans du papier de soie, un petit miroir de poche à dos d’ivoire auquel je tiens beaucoup car c’est un souvenir de la gonzesse que j’ai le plus aimée, la môme Sissy[17].

Mais ce truc-là n’a qu’une valeur sentimentale, vous le payeriez tout de suite mille balles chez l’antiquaire du coin. Ça me paraît vraiment fort de café qu’une gonzesse aille m’assommer et fouille ma chambre pour mettre la main sur cet objet.

Et pourquoi l’a-t-elle enveloppé dans du papier de soie ? D’autant que je suis certain que ce papier ne se trouvait pas dans ma chambre… Elle l’a apporté exprès…

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17

Voir Le Boulevard des allongés.