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Je glisse le miroir dans ma poche et je me convoque pour une conférence express.

Tout ça est d’un compliqué qui me laisse baba…

Seulement, grâce au ciel, ou à je ne sais pas qui, je possède une matière grise qui mériterait que les anthropologistes se penchassent sur elle.

Une petite clarté point sous ma crinière. Ça n’est pas l’aurore boréale, mais ça va le devenir…

N’importe qui vous dira que de la réflexion jaillit la lumière et, croyez-moi, le type qui a inventé cet adage n’était pas la moitié d’un comprimé d’aspirine.

— Écoute, trésor, lui dis-je, je vais te poser une question, une seule : sais-tu qui je suis ?

Elle hausse les épaules.

— Cette question !

— Ça n’est pas une réponse, lui fais-je remarquer avec un tendre sourire.

— Vous êtes l’Ange Noir…

— Comment savez-vous ça ?

— Quelqu’un a appris que vous quittiez l’Angleterre. On vous a repéré à votre arrivée en France…

— J’aimerais connaître ce quelqu’un…

— N’y comptez pas trop !

— Oh que si…

Elle secoue la tête…

Le moment est venu pour moi de lui prouver que j’ai du répondant.

— Écoute mon petit travail de déduction, chérie… Tu m’as estourbi afin de me faire repérer par la police. Seulement tu n’as pas cogné assez fort, ou bien j’ai le citron trop costaud… Police-Secours n’a pas eu besoin d’intervenir, ce qui, j’en conviens, m’aurait emmouscaillé.

« Ensuite tu viens chercher dans ma piaule un objet très personnel et très lisse, sur lequel, par conséquent, figurent fatalement mes empreintes…

« Il est probable que vous vouliez déposer cet objet sur le théâtre d’un mauvais coup, afin qu’en le trouvant la police, qui par ailleurs a levé ma piste à la suite de ma blessure, mette illico ce mauvais coup à mon actif… Pas mal !

Elle paraît un peu soufflée de la rapidité avec laquelle j’ai mis le doigt sur la question.

Je jouis de mon petit succès.

— Bon, maintenant que tu as un aperçu du gamin, fillette, si nous parlions sérieusement ?

Chapitre III

Un moyen de persuasion

Je crois, sans me vanter, que ma petite démonstration a porté ses fruits. Elle n’a plus le sourire du tout, la belle inconnue.

Afin qu’elle cesse d’être tout à fait une inconnue, je lui demande son blaze :

— Comment t’appelles-tu, lumière de ma vie ?

Elle hésite.

— Vas-y, accouche !

— Sophie ! répond-elle.

— Très joli, j’apprécie. Ça fait un peu comtesse de Ségur, ça va rudement bien avec tes taches de son. Bon, tu t’appelles Sophie, il y a bien un autre nom sur ta carte d’identité…

— Sophie Masset.

— Très français…

— Je suis française…

— Je m’en doutais…

— Pourquoi ?

— Une idée comme ça… Tu ressembles exactement aux gravures de chez nous représentant le type de la jolie et effrontée petite Française. Bon, eh bien, Sophie, mon petit doigt, qui n’a pas de secrets pour moi, me dit que tu ne travailles pas pour ton compte personnel. Alors j’aimerais bien savoir avec qui tu es en cheville dans cette histoire…

Elle détourne lentement la tête.

— Vous vous trompez, fait-elle.

— Je me trompe ?

— Oui…

— Explique-toi !

Elle prend son souffle comme quelqu’un qui s’apprête à vous débiter un laïus long comme un rouleau de papier peint. Mais contre toute attente, elle met un cadenas à son joli museau. D’un ton sans réplique, elle affirme :

— Je ne parlerai pas.

Je ne sais pas si vous connaissez les grognasses et leur façon de se comporter, moi, en tout cas, je suis affranchi à fond sur la question.

Si celle-ci vient de décider de la boucler, je pourrais lui enfoncer des paillettes de bambou sous les ongles et y mettre le feu, elle ne l’ouvrirait pas. Les filles de cette trempe ouvrent plus facilement les jambes que les lèvres lorsqu’elles ont décidé de se taire.

Cette réflexion que je viens de me faire m’ouvre un horizon tout ce qu’il y a de chouïa.

Je pense très fort à la culotte blanche de la mignonne et je grimpe au plafond à tout berzingue.

Pourquoi n’essayerais-je pas les grands moyens ? J’ai tout mon temps, et, par ailleurs, je suis venu en France avec l’intention bien arrêtée de me fendre le parapluie.

Je renverse brutalement la gonzesse sur le pucier et je me penche sur elle.

— Tu es la plus gironde petite souris qu’il m’ait été donné de voir depuis que je foule le sol sacré de ta patrie, je lui dis. Étant donné ce qui s’est passé je devrais te cloquer une pastille entre les sourcils car mon feu est muni d’un silencieux… Je pourrais aussi te « travailler » un brin, histoire de te faire dire ce que j’aimerais savoir, mais décidément je ne m’en sens pas le courage.

Je cherche ses lèvres. Elle les dérobe avec une insistance presque insultante. Est-ce que par hasard je ne serais pas son genre, à Sophie ?

Ça me travaillerait le bol car jusqu’ici, quelles qu’aient été leurs aspirations et leurs idées préconçues, je me suis toujours débrouillé pour être le « genre » des mômes qui me plaisaient… Elle lutte longtemps, se tord comme un ver, mais ses soubresauts ne font qu’exaspérer mon désir.

J’ai envie d’elle tout à coup à en gueuler, et si elle continue, je vais me passer les nerfs sur son joli cou.

Ce qui fait et fera toujours la force des fillettes c’est le sixième sens dont elles jouissent et qui les avertit de ces sortes de choses.

Au moment où ça va craquer dans mon système nerveux, elle réalise que les choses vont mal tourner. Et, comme la mer, elle se calme brusquement. Ses belles jambes s’ouvrent comme un passage à niveau…

Elle cède, mais elle cède avec hauteur, en vaincu superbe. Si vous croyez que je me comporte en soudard, vous vous trompez. Dans ces sortes de trucs, on ne doit pas vaincre seulement par la force.

Au lieu de lui faire le coup du lapin, je me mets à la travailler sérieusement. Je n’ignore pas que les Français sont des fortiches dans ce boulot et que j’ai un lourd handicap à remonter. Mais le travail n’a jamais effrayé l’Ange Noir.

En amour j’en connais tellement long qu’à côté de moi, le Marquis de Sade passerait pour un séminariste innocent.

Au bout de dix minutes, je réussis un superbe numéro de transformation. La poulette ne pense plus du tout à m’assommer, et même ça l’ennuierait bougrement s’il m’arrivait quelque chose…

Elle gémit comme une chatte en chaleur, serre les dents, et ses yeux chavirent curieusement. Elle me serre de toutes ses forces contre elle.

Je passe vraiment un moment exceptionnel et, en toute modestie, elle aussi !

Lorsque nous redescendons sur cette putain de terre, je la regarde en souriant.

— Tu vois que tu aurais eu tort de me tuer, fais-je.

Elle en convient en son for intérieur…

— Bon, je fais, je pense que deux êtres qui viennent de vivre ça ne peuvent plus se comporter en ennemis. Moi je ne t’ai rien fait, et je te pardonne de grand cœur ce que tu m’as fait. Si tu as agi comme cela, si tu as pris des risques pareils c’est que tu es dans le merdier. Toi ou quelqu’un qui te touche de très près.