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Je plante mes yeux dans les siens.

— J’ai des moyens… Figure-toi que la nature m’a doté d’un cerveau à toute épreuve… Je peux peut-être rétablir une situation compromise. À ta place, je me prendrais comme conseiller technique.

Elle hésite. Puis elle noue ses beaux bras derrière ma nuque.

— Bon, eh bien voilà, fait-elle.

Chapitre IV

Rilley

— C’est toute une histoire, commence-t-elle.

Notez que je m’en doute un peu. Rien qu’avec ce qui vient de se passer, nous avons la matière d’un bon début de roman policier. Je regarde attentivement ma colombe. Elle n’a plus du tout l’air bravache. Fini, la belle amazone qui trinquait avec mon crâne ! C’est maintenant une petite fille docile que j’ai devant moi. Une môme qui vient d’éprouver la grande secousse et qui a encore le regard bordé de reconnaissance.

Elle ne cherche plus à me faisander.

Elle ne desserre pas son étreinte. Je sens son corps chaud et frémissant contre le mien, et ça me rend tout chose.

— Tu connais Rilley ? me demande-t-elle…

Cette question me paralyse la glotte.

Si je connais Rilley ! Tom Rilley ! Autant demander à un curé s’il a entendu parler du bon Dieu !

Rilley c’est le roi des petits dessalés de Los Angeles, ou plutôt c’était, car depuis plus d’une paire d’années il s’est trissé du secteur qui devenait malsain pour sa santé et, à ce qu’on m’avait dit, il s’était embarqué pour l’Europe. Faut croire qu’on ne s’était pas gourré !

Qu’est-ce que Rilley peut avoir à faire avec ma petite Sophie ?

— J’ai fait sa connaissance voilà six mois, poursuit-elle. Au début j’ignorais qui il était… Ce n’est qu’au bout d’un certain temps qu’il m’a dit qu’il était un gangster. Un gangster, l’Ange ! n’était-ce pas merveilleux ?

Cette exclamation me renseigne sur la personnalité de la fillette. Ou je me colle le doigt dans l’œil jusqu’à toucher le fond de mon slip ou cette gosse est une de ces filles à papa comme il y en a des fagots dans toutes les parties du monde et qui s’emmerdent tellement de n’avoir rien à foutre qu’elles font n’importe quelle couennerie pour se distraire…

— Si, fais-je en réponse à sa question, c’est absolument sensationnel…

Elle est perdue dans un mirage.

— Alors ? demandé-je doucement.

Elle revient sur cette planète.

— Moi, je suis la fille des conserves Masset, dit-elle.

— Connais pas, je m’excuse, je viens de débarquer.

— Une grosse affaire, renchérit-elle.

Celui qui comprendra quelque chose aux souris fera bien d’écrire ça noir sur blanc, je me charge de lui trouver un éditeur ! Voilà une greluche qui est tellement fatiguée d’être la fille des conserves Masset qu’elle se jette au cou d’un foie blanc comme Rilley et, à côté de ça, elle est fière de ce que les conserves de son vieux soient une grosse boîte (si on peut s’exprimer ainsi en parlant de conserves !).

— Bon, et alors ?

— Rilley mijotait un coup inouï…

— Ah ?

Dès qu’on me parle d’un coup inouï, mes oreilles se dressent toutes seules comme celles d’un loup.

— Oui, poursuit la Vénus. Il voulait s’emparer du contenu du coffre-fort…

— Duquel ?

— De celui de papa.

Charmant…

— Et alors ?

— Alors, il l’a fait. Seulement Stéphan est intervenu.

— Qui est Stéphan ?…

— Le valet de chambre…

— Et alors ?

— Alors Rilley l’a tué…

Elle débite son petit compliment comme s’il s’agissait d’un poème en prose.

— Mauvais, je dis.

Et je songe que ce Rilley a toujours été un manche de troisième catégorie. C’est juste le genre de bonhomme qui se prend les pieds dans les signaux d’alarme…

Sophie continue son petit blabla.

— Il n’y avait rien dans le coffre.

Je me marre.

Quand je vous disais que Rilley est un nave majuscule, dans son genre !

Il bute un mec pour griffer du pognon, il se fait suer sur la combinaison d’un coffre et, lorsqu’il parvient à ouvrir celui-ci, il trouve des nèfles !

Je demande :

— Et qu’est-ce qui lui est arrivé à Rilley ? Les flics l’ont coiffé ?

— Non, pas encore…

— Ils sont sur sa piste ?

— Non plus, le meurtre n’a pas été découvert.

— Hein !

— Mes parents sont en voyage, explique-t-elle. J’ai dit que, pendant ce temps, j’allais chez une amie…

— Quand a eu lieu l’assassinat ?

— Avant-hier…

— Et Rilley ?

— Il a peur, il craint d’avoir laissé des traces, et puis on m’a vu souvent avec lui, il est même venu à la maison… Il connaît les méthodes de la police et il sait qu’il sera inquiété.

Je termine pour elle :

— Et alors ce joli cœur a appris que l’Ange Noir rappliquait en France. Il m’a repéré et il t’a dit de jouer cette dernière carte, hein ? Si tu avais réussi, c’est sur mes côtelettes qu’on allait mettre le meurtre, à cause du petit miroir…

Je ricane.

— Il lit des bouquins policiers, Rilley, pour échafauder des combines pareilles ?

— C’était bien combiné, n’est-ce pas ? dit-elle triomphalement.

— Très bien ! fais-je en pouffant de rire. Pourquoi, je reprends, au lieu de jouer à Nick Carter, il ne se fait pas la paire ?

Elle devient chagrine.

— Il n’a pas d’argent, sanglote-t-elle.

— Et toi, tu ne peux pas lui en refiler ?

— Je n’en ai pas non plus.

Parbleu ! Probable que si elle en avait, elle ne laisserait pas cambrioler son dab et dessouder les larbins.

— M’est avis que tu t’es fourrée dans de jolis draps, je lui dis, en la chopant par le menton. Vous me faites un beau couple de navetons, Rilley et toi…

Elle se fait suppliante.

— Maintenant, l’Ange, ne pouvez-vous pas faire quelque chose pour lui ?

Elle est pathétique, cette gosseline.

Je peux toujours faire quelque chose pour les mecs comme Rilley. Je souris en tripotant la crosse de mon pétard dans ma poche !

Chapitre V

Allons voir Rilley !

De toutes ces giries, je retiens trois choses : la petite Sophie est une superchampionne du saut de carpe lorsqu’un dégourdi l’escalade ; son dab est pourri d’osier ; et son miche, le nave Rilley, s’est mouillé jusqu’à la moelle.

Mon petit cerveau est survolté. Je suis en train de me dire que l’Ange Noir, s’il tient à sauver sa réputation, ne serait-ce qu’à ses propres yeux, doit exploiter une situation comme celle-ci.

Le drame, sur cette endoffée de planète, c’est qu’on a besoin de pèze. Et pour avoir du pèze il faut le prendre où il se trouve, c’est-à-dire chez ceux qui en ont. Un mec, un Français nommé La Palisse, je crois, raisonnait de cette façon apparemment foireuse.

Moi je le tiens pour un champion de la cellule grise !

Je suis en France et, pour y demeurer un bout de temps je dois me procurer des paquets de fric, la vie ne valant d’être vécue que lorsqu’on la mène à grandes guides !

L’occase idéale, la voici…

— Bon, dis-je au bout d’un long moment de silence que la souris a respecté, les mains jointes, puisqu’il en est ainsi, il faut agir, et agir vite.