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— Emportons ça pour empaqueter le monsieur, je fais.

Il balbutie :

— Qu’est-ce qu’on va en foutre, de ce macchab ?

— On va lui attacher une barre de fer de trente kilos aux pieds et on le balancera dans la Seine ; ainsi on croira que c’est le gars qui a fait la valise après avoir forcé le coffre. Le temps que les flics rétablissent la vérité — en admettant qu’ils y parviennent — et tu seras paré…

Je vais à la fenêtre. La nuit tombe.

— C’est un hôtel particulier que vous habitez ? je demande à Sophie.

— Oui, répond-elle, au Bois.

— Je ne sais pas de quel bois il s’agit. Et puis je me rappelle avoir lu dans des bouquins qu’il existe à Paris un coin pour rupins qui se nomme le bois de Boulogne.

— O.K.

Je regarde Rilley.

— Si tu es à la hauteur pour une fois, on va réussir un gentil petit coup. J’ai mon idée, fais confiance…

Nous partons…

Sophie a, paraît-il, garé sa bagnole quai de la Tournelle, c’est tout près. Nous y allons à pied.

Parvenus sur le quai, j’arrête ma caravane.

— Il ne faut pas que Sophie se fasse voir, dis-je. Pour la réussite de mon plan il est important qu’on la croie en voyage.

Me tournant vers Rilley, je lui demande :

— Tu étais avec elle lorsqu’elle a garé ?

— Oui…

— Par conséquent, si tu as les papiers de la voiture, on te la laissera prendre…

Sophie fouille dans son sac et tend à Rilley un élégant porte-cartes en peau de trucmuche.

Il s’éloigne en direction du garage…

Sophie me regarde ardemment.

— Vous alors, vous êtes un homme, dit-elle, avec de l’admiration plein la bouche.

— Tu ne peux pas prétendre le contraire, je fais.

— Quel est votre fameux plan ? demande-t-elle.

— Je n’aime pas beaucoup exposer mes projets à l’avance. Tout ce que je désire, c’est que vous m’obéissiez aveuglement et tout ira bien.

Je ne précise pas pour qui tout ira bien, car il est vigoureusement sous-entendu que c’est pour ma pomme ! Mais ça, je n’ai pas besoin de le lui exposer : elle s’en apercevra un de ces moments !

Voilà Rilley au volant d’une superbe Delahaye décapotable. Ces bagnoles-là font très fils à papa…

Il ralentit et stoppe à notre hauteur.

— Ça s’est bien passé ?

— Très bien. Le garçon m’a reconnu tout de suite ; il m’a même ouvert la portière…

Voilà qui me plaît. Ma petite combine se déroule le mieux du monde.

J’aime lorsque tout carbure à mon idée…

— On va chercher le cadavre ? demande Rilley.

— Minute, je lui dis : tu y vas !

Il se crispe et me regarde.

— Écoute, petit chou, j’expose. Tu n’espères peut-être pas que je vais débarrasser tes ordures moi-même, non ?

Je roule des yeux terribles.

— Du reste, il faut quelqu’un dehors pour faire le vingt-deux. Toi, tu connais les lieux… Sophie va se planquer dans un bistro des environs en attendant, on la reprendra une fois qu’on aura récupéré le zouave pontifical… J’ai dit !

Il ne répond rien. Il comprend mes raisons, et même s’il les comprend mal, il saisit du moins qu’il vaut mieux ne pas les discuter…

Dans le fond, il n’est pas plus con qu’un baba au rhum, ce bon Rilley !

Chapitre VII

Un petit coup à ma façon

Ainsi que je l’ai ordonné, Rilley s’arrête peu avant la carrée des Masset, afin de déposer Sophie.

— Après tout, je lui dis, il vaut mieux que tu ne te montres pas dans un troquet : inutile de te faire repérer. Attends-nous dans l’ombre des arbres, nous n’en avons pas pour longtemps.

Ceci dit, nous tournons dans une rue discrète bordée de maisons rupinos.

Rilley parcourt deux cents mètres environ et stoppe la Delahaye.

Il se saisit de la couverture et descend…

— Tu as les clés ? je lui demande.

— Je n’ai pas refermé, après le coup du larbin…

— Bon. S’il y a du chabanais, je klaxonne deux fois, vu ?

— Vu !

— Alors, bon courage, mon gars !

Je le regarde disparaître. Dès qu’il a pénétré dans la maison, je descends de l’auto et je fonce en direction d’une maison voisine.

Je remonte le col de mon imperméable, je relève le bord de mon chapeau et je glisse ma pochette roulée en boule dans ma bouche pour déformer ma physionomie.

Ceci fait je sonne à la grille.

Une petite bonniche vient ouvrir…

— C’est pour quoi ? demande-t-elle.

Comme je parle le français plus ou moins bien, et avec un accent américain à couper au sécateur, je prends le parti d’imiter le parler rital. Je réussissais cet intermède à merveille de l’autre côté de la mare aux harengs. Il n’y a vraiment aucune raison pour qu’en français je ne parvienne pas à réussir la même performance…

Je m’incline profondément.

— Mademoiselle, vite, voulez-vous stéléphonate à lé police qu’un individoute souspecté vient d’entrer par effraction dans la maison dès nouméro 34. Vite ! J’ai entendou un grand cri !

La môme doit avoir un pétard à réaction dans le pétrus. Je n’ai pas plus tôt dit qu’elle fonce déjà dans la cambuse.

J’en profite pour m’éclipser discrètement. Je marche en direction du bois.

Il faut que je rejoigne Sophie au plus tôt.

Je l’aperçois, immobile, sous le couvert des arbres… Personne ne peut la remarquer, à l’endroit où elle se tient.

— Que se passe-t-il ? me demande-t-elle, inquiète.

— Ce Rilley est un idiot, grogné-je. Quelqu’un l’a vu entrer chez vous. Ce quelqu’un s’est mis à crier. Des voisins ont demandé ce qui se passait… J’ai eu beau appeler Rilley, il n’est pas ressorti…

Comme j’achève de donner ces explications fantaisistes, une sirène de police retentit.

— Voilà le coup annoncé, je fais. Ces vaches ont prévenu les bourres. Il est cuit, allez, tirons-nous !

— Mais c’est épouvantable ! gémit Sophie. On ne peut pas le laisser arrêter sans rien faire.

— Écoute, ma jolie, il y a une chose qui serait encore plus épouvantable : ce serait si nous, nous étions enchristés ! Dans ce métier y a pas de pitié : tant pis pour celui qui reste en route… Allez, viens !

Je la prends par la main, comme fait Charlie Chaplin à l’ingénue, à la fin de ses films, et nous nous barrons vers la première station de métro.

La première partie de mon plan a réussi : Rilley est embarqué et accusé de meurtre, à partir de tout de suite. Arrêté avec un cadavre roulé dans une couverture sur les épaules, il ne peut décemment prétendre qu’il l’avait pris pour un bouquet de mimosas ou bien qu’il s’apprêtait à le porter aux objets perdus…

Maintenant, il est dans le bain jusqu’aux gencives. Il peut jurer que la fille Masset était dans le coup aussi, il peut parler de moi, il est fait, et les flics, ainsi que Masset, seront bien forcés de croire les apparences. Or les apparences, je les ai fabriquées comme je voulais…

Une chose m’empoisonne : je ne connais pas Paris. C’est duraille de se défendre dans un pays inconnu. On risque toujours de se mouiller les pattes !

— Où allons-nous ? questionne la gamine…

Ce qui prouve qu’elle se pose les mêmes questions que moi dans certains cas.