Выбрать главу

Dans celui qui nous occupe, il faut absolument que j’aie l’air sûr de moi.

— Ne t’occupe pas ! je lui fais.

Je descends à une station qui s’appelle Villiers. Une fois là, nous prenons un taxi.

— À la gare Saint-Lazare ! je lance.

C’est la seule gare que je connais à Paris.

Elle me plaît, car elle est très animée. Une fois arrivé dans le vaste hall, je m’approche d’un des guichets marqués banlieue. Une vieille dame demande un biffeton pour Versailles. Moi, j’en demande deux.

Surtout ne me demandez pas ce que je vais foutre à Versailles à ces heures : je n’en sais absolument rien. Tout ce que je sais c’est que je veux quitter Paris pendant quelques heures et trouver quelque part un endroit peinard où remiser une gosse turbulente. Et ma bonne vieille psychologie, jointe à mon sixième sens, me dit que la banlieue est le domaine rêvé pour avoir tout ça…

* * *

Deux heures plus tard, nous refermons la chambre d’un hôtel discret de Versailles. Le veilleur de nuit nous a pris pour un couple d’amoureux en vadrouille et nous a donné une turne avec des glaces partout, ce qui est bien agréable au fond.

Je pose mes pompes et je m’allonge sur le lit.

— Viens ici, dis-je à Sophie.

Elle s’approche, triste comme la môme qui avait perdu son slip en dansant un boogie-woogie.

— Qu’est-ce que tu as ? je questionne.

Elle hausse les épaules et soupire, ses yeux s’embuent de larmes.

— Quoi ? Tu penses à Rilley ? Te fais pas de mousse pour lui, amour, je te le répète, ce type-là c’est un toquard… Il ne faut jamais chialer pour un toquard !

Je la cueille par la taille. Son corps est souple comme une liane. Je la fais basculer à mes côtés sur le pucier.

— Et puis tu as trouvé quelqu’un de potable, dans le genre qui te plaît, ma gosse…

Elle ne répond rien.

J’insiste :

— Tu ne crois pas ?

— Si, fait-elle faiblement.

Je dégrafe son corsage et je passe la main dans sa corbeille. Celle-ci ne contient que deux fruits, mais ils sont baths !

Dix minutes plus tard, Sophie ne pense plus du tout à cette pauvre cloche de Rilley.

Chapitre VIII

Pour une surprise, c’est une surprise !

Le lendemain matin, je me réveille de très bonne heure et je me fringue après une toilette sommaire.

Puis je secoue Sophie.

Elle bat des stores.

— Qu’est-ce qui se passe ?

— Écoute, poulette, je lui dis, j’ai mis d’aplomb un petit programme pour nous. Il faut absolument que tu sois en dehors de cette affaire. Pour ça, il n’y a pas trente-six solutions : tu vas rester planquer ici… Vu ?

Elle fait la moue…

— Si c’est avec toi, je veux bien !

— Moi, comprends-le, j’ai du boulot ! Il faut que j’assure nos arrières ; toi tu vas garder la chambre. Tu diras au loufiat de l’étage que tu as l’influenza si tu veux ; fais-toi monter de quoi lire et de quoi boire… Je ne serai pas très long, tu saisis ?

Elle saisit. C’est un petit lot merveilleux, je vous le garantis sur facture ! Je lui roule un patin qui pourrait servir d’exercice d’entraînement pour les pêcheurs de perles. Puis je me fais la paire en sifflotant un petit air de blues.

Y a du soleil plein le coinceteau. Versailles c’est un endroit un peu triste, ça manque de Louis XIV ces temps-ci… C’est mort. J’achète un journal et je me projette dans une brasserie où je commande un café très fort. Si je parle médiocrement le français, je le lis encore plus mal et il me faut une petite heure pour piger l’article consacré au coup de cette nuit.

Le journaleux de service raconte qu’un gangster américain du nom de Rilley a été surpris alors qu’il essayait de faire disparaître le cadavre d’un valet de chambre assassiné par lui la veille au cours d’une effraction.

Il paraît que, comme je m’y attendais, Rilley a juré que ça n’était pas lui et qu’il ne faisait qu’exécuter les ordres de l’Ange Noir. La police n’ajoute, paraît-il, aucun crédit à ces allégations mais, néanmoins, elle a ouvert une enquête.

Bon. Tout ça, c’est le baratin d’usage. Tout a marché suivant mes vœux… Rilley a dégagé la piste et je ne lui en demandais pas davantage.

Je paie mes orgies et je sors.

La gare est toute proche. Je grimpe dans le premier train en partance pour Paris. Vingt minutes plus tard, je foule à nouveau le paveton de la capitale. J’entre dans une librairie et j’achète un dictionnaire anglo-français. Je le potasse un bon moment, afin de mettre au point les grandes lignes d’une conversation.

Puis je vais téléphoner dans un bar.

J’ai tout de suite Masset au bout du fil.

Il a une voix grave, sèche, une voix de riche.

— Qui est à l’appareil ? demande-t-il après que je me suis assuré de son identité…

Je toussote.

— Mettons que ça soit quelqu’un qui vous veuille du bien, M. Masset.

Il me répond par le silence. Car son silence a vraiment la valeur d’une réponse.

Je reprends :

— Vous m’entendez ?

— Très bien.

— Vous n’éprouvez pas le besoin de me poser une question ?

— Du tout. Vous êtes un plaisantin ou quoi ?

J’attaque.

— Vous ne trouvez pas, M. Masset, qu’il se passe de drôles de choses chez vous ?

— Vous êtes journaliste ?

— Non.

— Policier ?

— Plutôt le contraire.

— Un complice du meurtrier ?

— Non, M. Masset. Je ne suis le complice de personne. Je suis assez grand garçon pour travailler pour mon compte personnel.

Il s’impatiente.

— Que désirez-vous, mon temps est précieux…

— Celui de votre fille aussi, je suppose ?

Nouveau silence.

Mais je suis bien décidé à le lui laisser rompre et, en effet, il le rompt.

— Vous êtes fou ?

Sa voix est plus incisive, plus calme que jamais.

Exactement le genre de voix qui vous porte sur les nerfs et vous donne envie de faire quelque chose tout de suite. Et quand on a envie d’agir illico on fait souvent des bêtises. C’est justement ce qui se produit pour moi.

— Voyons, M. Masset ! Le type arrêté chez vous, cette nuit, prétend qu’il a agi pour le compte de l’Ange Noir… Vous avez entendu parler de l’Ange Noir ?

— Le moins possible… Je ne m’intéresse pas aux histoires de gangsters.

— Donc, vous n’ignorez pas que l’Ange Noir en est un ?

— Je ne l’ignore pas.

— C’est un garçon redoutable. S’il avait une conscience, il aurait dessus plus de morts que vous n’avez de billets de mille sur votre compte bancaire, lequel passe pourtant pour être confortable…

Nouveau silence.

— L’Ange Noir, c’est moi, M. Masset.

Ça paraît lui faire autant d’effet que la coqueluche à un bec de gaz.

— Et alors ? demande-t-il.

— Ça ne vous suffit pas ?

— Si vous êtes le bandit en question, je suppose que vous avez des choses plus précises à me dire que vos rodomontades. Je suppose aussi que c’est mon argent qui vous intéresse… Vous avez trouvé mon coffre vide, vous avez tué mon domestique pour rien et vous voudriez que ce coup de main ne soit pas tout à fait négatif… Vous avez fait fausse route, mon vieux ! Je ne suis pas du tout un homme intimidable. Je suppose que vous allez me menacer mais je me moque de vos menaces, vous m’entendez ?