Выбрать главу

Quand la muse apparaît, ces hurleurs de holà

Disent: «Qu’est-ce que c’est que cette folle-là?»

Et, devant ses beautés, de ses rayons accrues,

Ils reprennent: «Couleurs dures, nuances crues;

Vapeurs, illusions, rêves; et quel travers

Avez-vous de fourrer l’arc-en-ciel dans vos vers?»

Ils raillent les enfants, ils raillent les poëtes;

Ils font aux rossignols leurs gros yeux de chouettes;

L’enfant est l’ignorant, ils sont l’ignorantin;

Ils raturent l’esprit, la splendeur, le matin;

Ils sarclent l’idéal ainsi qu’un barbarisme,

Et ces culs de bouteille ont le dédain du prisme!

Ainsi l’on m’entendait dans ma geôle crier.

Le monologue avait le temps de varier.

Et je m’exaspérais, faisant la faute énorme,

Ayant raison au fond, d’avoir tort dans la forme.

Après l’abbé Tuet, je maudissais Bezout;

Car, outre les pensums où l’esprit se dissout,

J’étais alors en proie à la mathématique.

Temps sombre! enfant ému du frisson poétique,

Pauvre oiseau qui heurtais du crâne mes barreaux,

On me livrait tout vif aux chiffres, noirs bourreaux;

On me faisait de force ingurgiter l’algèbre;

On me liait au fond d’un Boisbertrand funèbre;

On me tordait, depuis les ailes jusqu’au bec,

Sur l’affreux chevalet des X et des Y;

Hélas! on me fourrait sous les os maxillaires

Le théorème orné de tous ses corollaires;

Et je me débattais, lugubre patient

Du diviseur prêtant main-forte au quotient.

De là mes cris.

Un jour, quand l’homme sera sage,

Lorsqu’on n’instruira plus les oiseaux par la cage,

Quand les sociétés difformes sentiront

Dans l’enfant mieux compris se redresser leur front,

Que, des libres essors ayant sondé les règles,

On connaîtra la loi de croissance des aigles,

Et que le plein midi rayonnera pour tous,

Savoir étant sublime, apprendre sera doux.

Alors, tout en laissant au sommet des études

Les grands livres latins et grecs, ces solitudes

Où l’éclair gronde, où luit la mer, où l’astre rit,

Et qu’emplissent les vents immenses de l’esprit,

C’est en les pénétrant d’explication tendre,

En les faisant aimer, qu’on les fera comprendre.

Homère emportera dans son vaste reflux

L’écolier ébloui; l’enfant ne sera plus

Une bête de somme attelée à Virgile;

Et l’on ne verra plus ce vif esprit agile

Devenir, sous le fouet d’un cuistre ou d’un abbé,

Le lourd cheval poussif du pensum embourbé.

Chaque village aura, dans un temple rustique,

Dans la lumière, au lieu du magister antique,

Trop noir pour que jamais le jour y pénétrât,

L’instituteur lucide et grave, magistrat

Du progrès, médecin de l’ignorance, et prêtre

De l’idée; et dans l’ombre on verra disparaître

L’éternel écolier et l’éternel pédant.

L’aube vient en chantant, et non pas en grondant.

Nos fils riront de nous dans cette blanche sphère;

Ils se demanderont ce que nous pouvions faire

Enseigner au moineau par le hibou hagard.

Alors, le jeune esprit et le jeune regard

Se lèveront avec une clarté sereine

Vers la science auguste, aimable et souveraine;

Alors, plus de grimoire obscur, fade, étouffant;

Le maître, doux apôtre incliné sur l’enfant,

Fera, lui versant Dieu, l’azur et l’harmonie,

Boire la petite âme à la coupe infinie.

Alors, tout sera vrai, lois, dogmes, droits, devoirs.

Tu laisseras passer dans tes jambages noirs

Une pure lueur, de jour en jour moins sombre,

Ô nature, alphabet des grandes lettres d’ombre!

Paris, mai 1831.

XIV. À Granville, en 1836

Voici juin. Le moineau raille

Dans les champs les amoureux;

Le rossignol de muraille

Chante dans son nid pierreux.

Les herbes et les branchages,

Pleins de soupirs et d’abois,

Font de charmants rabâchages

Dans la profondeur des bois.

La grive et la tourterelle

Prolongent, dans les nids sourds,

La ravissante querelle

Des baisers et des amours.

Sous les treilles de la plaine,