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L’ange y descend, la bête après la mort y monte;

Pour la bête, il est gloire, et, pour l’ange, il est honte;

Dieu mêle en votre race, hommes infortunés,

Les demi-dieux punis aux monstres pardonnés.

De là vient que, parfois, – mystère que Dieu mène! -

On entend d’une bouche en apparence humaine

Sortir des mots pareils à des rugissements,

Et que, dans d’autres lieux et dans d’autres moments,

On croit voir sur un front s’ouvrir des ailes d’ange.

Roi forçat, l’homme, esprit, pense, et, matière, mange.

L’âme en lui ne se peut dresser sur son séant.

L’homme, comme la brute abreuvé de néant,

Vide toutes les nuits le verre noir du somme.

La chaîne de l’enfer, liée au pied de l’homme,

Ramène chaque jour vers le cloaque impur

La beauté, le génie, envolés dans l’azur,

Mêle la peste au souffle idéal des poitrines,

Et traîne, avec Socrate, Aspasie aux latrines.

*

Par un côté pourtant l’homme est illimité.

Le monstre a le carcan, l’homme a la liberté.

Songeur, retiens ceci: l’homme est un équilibre.

L’homme est une prison où l’âme reste libre.

L’âme, dans l’homme, agit, fait le bien, fait le mal,

Remonte vers l’esprit, retombe à l’animal;

Et, pour que, dans son vol vers les cieux, rien ne lie

Sa conscience ailée et de Dieu seul remplie,

Dieu, quand une âme éclôt dans l’homme au bien poussé,

Casse en son souvenir le fil de son passé;

De là vient que la nuit en sait plus que l’aurore.

Le monstre se connaît lorsque l’homme s’ignore.

Le monstre est la souffrance, et l’homme est l’action.

L’homme est l’unique point de la création

Où, pour demeurer libre en se faisant meilleure,

L’âme doive oublier sa vie antérieure.

Mystère! au seuil de tout l’esprit rêve ébloui.

*

L’homme ne voit pas Dieu, mais peut aller à lui,

En suivant la clarté du bien, toujours présente;

Le monstre, arbre, rocher ou bête rugissante,

Voit Dieu, c’est là sa peine, et reste enchaîné loin.

L’homme a l’amour pour aile, et pour joug le besoin.

L’ombre est sur ce qu’il voit par lui-même semée;

La nuit sort de son œil ainsi qu’une fumée;

Homme, tu ne sais rien; tu marches, pâlissant!

Parfois le voile obscur qui te couvre, ô passant!

S’envole et flotte au vent soufflant d’une autre sphère,

Gonfle un moment ses plis jusque dans la lumière,

Puis retombe sur toi, spectre, et redevient noir.

Tes sages, tes penseurs ont essayé de voir;

Qu’ont-ils vu? qu’ont-ils fait? qu’ont-ils dit, ces fils Ève?

Rien.

Homme! autour de toi la création rêve.

Mille êtres inconnus t’entourent dans ton mur.

Tu vas, tu viens, tu dors sous leur regard obscur,

Et tu ne les sens pas vivre autour de ta vie:

Toute une légion d’âmes t’est asservie;

Pendant qu’elle te plaint, tu la foules aux pieds.

Tous tes pas vers le jour sont par l’ombre épiés.

Ce que tu nommes chose, objet, nature morte,

Sait, pense, écoute, entend. Le verrou de ta porte

Voit arriver ta faute et voudrait se fermer.

Ta vitre connaît l’aube, et dit: Voir! croire! aimer!

Les rideaux de ton lit frissonnent de tes songes.

Dans les mauvais desseins quand, rêveur, tu te plonges,

La cendre dit au fond de l’âtre sépulcraclass="underline"

Regarde-moi; je suis ce qui reste du mal.

Hélas! l’homme imprudent trahit, torture, opprime.

La bête en son enfer voit les deux bouts du crime;

Un loup pourrait donner des conseils à Néron.

Homme! homme! aigle aveuglé, moindre qu’un moucheron!

Pendant que dans ton Louvre ou bien dans ta chaumière,

Tu vis, sans même avoir épelé la première

Des constellations, sombre alphabet qui luit

Et tremble sur la page immense de la nuit,

Pendant que tu maudis et pendant que tu nies,

Pendant que tu dis: Non! aux astres; aux génies:

Non! à l’idéaclass="underline" Non! à la vertu: Pourquoi?

Pendant que tu te tiens en dehors de la loi,

Copiant les dédains inquiets ou robustes

De ces sages qu’on voit rêver dans les vieux bustes,

Et que tu dis: Que sais-je? amer, froid, mécréant,

Prostituant ta bouche au rire du néant,

À travers le taillis de la nature énorme,