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Reposez-vous! pas noirs qui marchez dans les plaines!

Dormez, vous qui saignez; dormez, vous qui pleurez!

Douleurs, douleurs, douleurs, fermez vos yeux sacrés!

Tout est religion et rien n’est imposture.

Que sur toute existence et toute créature,

Vivant du souffle humain ou du souffle animal,

Debout au seuil du bien, croulante au bord du mal,

Tendre ou farouche, immonde ou splendide, humble ou grande,

La vaste paix des cieux de toutes parts descende!

Que les enfers dormants rêvent les paradis!

Assoupissez-vous, flots, mers, vents, âmes, tandis

Qu’assis sur la montagne en présence de Être,

Précipice où l’on voit pêle-mêle apparaître

Les créations, l’astre et l’homme, les essieux

De ces chars de soleils que nous nommons les cieux,

Les globes, fruits vermeils des divines ramées,

Les comètes d’argent dans un champ noir semées,

Larmes blanches du drap mortuaire des nuits,

Les chaos, les hivers, ces lugubres ennuis,

Pâle, ivre d’ignorance, ébloui de ténèbres,

Voyant dans l’infini s’écrire des algèbres,

Le contemplateur, triste et meurtri, mais serein,

Mesure le problème aux murailles d’airain,

Cherche à distinguer l’aube à travers les prodiges,

Se penche, frémissant, au puits des grands vertiges,

Suit de l’œil des blancheurs qui passent, alcyons,

Et regarde, pensif, s’étoiler de rayons,

De clartés, de lueurs, vaguement enflammées,

Le gouffre monstrueux plein d’énormes fumées.

Guernesey, 2 novembre 1855, jour des morts.

(1856)

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