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Et j’écoutais ce râle, et j’entendais ce chant.

L’enfant avait cinq ans, et, près de la fenêtre,

Ses rires et ses jeux faisaient un charmant bruit;

Et la mère, à côté de ce pauvre doux être

Qui chantait tout le jour, toussait toute la nuit.

La mère alla dormir sous les dalles du cloître;

Et le petit enfant se remit à chanter…

La douleur est un fruit: Dieu ne le fait pas croître

Sur la branche trop faible encor pour le porter.

Paris, janvier 1835.

XXIV .

Heureux l’homme, occupé de l’éternel destin,

Qui, tel qu’un voyageur qui part de grand matin,

Se réveille, l’esprit rempli de rêverie,

Et, dès l’aube du jour, se met à lire et prie!

À mesure qu’il lit, le jour vient lentement

Et se fait dans son âme ainsi qu’au firmament.

Il voit distinctement, à cette clarté blême,

Des choses dans sa chambre et d’autres en lui-même;

Tout dort dans la maison; il est seul, il le croit;

Et, cependant, fermant leur bouche de leur doigt,

Derrière lui, tandis que l’extase l’enivre,

Les anges souriants se penchent sur son livre.

Paris, septembre 1842.

XXV. Unité

Par-dessus l’horizon aux collines brunies,

Le soleil, cette fleur des splendeurs infinies,

Se penchait sur la terre à l’heure du couchant;

Une humble marguerite, éclose au bord d’un champ,

Sur un mur gris, croulant parmi l’avoine folle,

Blanche, épanouissait sa candide auréole;

Et la petite fleur, par-dessus le vieux mur,

Regardait fixement, dans l’éternel azur,

Le grand astre épanchant sa lumière immortelle.

«Et, moi, j’ai des rayons aussi!» lui disait-elle.

Granville, juillet 1836

XXVI. Quelques mots à un autre

On y revient; il faut y revenir moi-même.

Ce qu’on attaque en moi, c’est mon temps, et je l’aime.

Certe, on me laisserait en paix, passant obscur,

Si je ne contenais, atome de l’azur,

Un peu du grand rayon dont notre époque est faite.

Hier le citoyen, aujourd’hui le poëte;

Le «romantique» après le «libéral». – Allons,

Soit; dans mes deux sentiers mordez mes deux talons.

Je suis le ténébreux par qui tout dégénère.

Sur mon autre côté lancez l’autre tonnerre.

Vous aussi, vous m’avez vu tout jeune, et voici

Que vous me dénoncez, bonhomme, vous aussi;

Me déchirant le plus allégrement du monde,

Par attendrissement pour mon enfance blonde.

Vous me criez: «Comment, Monsieur! qu’est-ce que c’est?

«La stance va nu-pieds! le drame est sans corset!

«La muse jette au vent sa robe d’innocence!

«Et l’art crève la règle et dit: C’est la croissance!»

Géronte littéraire aux aboiements plaintifs,

Vous vous ébahissez, en vers rétrospectifs,

Que ma voix trouble l’ordre, et que ce romantique

Vive, et que ce petit, à qui l’Art Poétique

Avec tant de bonté donna le pain et l’eau,

Devienne si pesant aux genoux de Boileau!

Vous regardez mes vers, pourvus d’ongles et d’ailes,

Refusant de marcher derrière les modèles,

Comme après les doyens marchent les petits clercs;

Vous en voyez sortir de sinistres éclairs;

Horreur! et vous voilà poussant des cris d’hyène

À travers les barreaux de la Quotidienne.

Vous épuisez sur moi tout votre calepin,

Et le père Bouhours et le père Rapin;

Et, m’écrasant avec tous les noms qu’on vénère,

Vous lâchez le grand mot: Révolutionnaire.

Et, sur ce, les pédants en chœur disent: Amen!

On m’empoigne; on me fait passer mon examen;

La Sorbonne bredouille et l’école griffonne;

De vingt plumes jaillit la colère bouffonne:

«Que veulent ces affreux novateurs? ça, des vers?

«Devant leurs livres noirs, la nuit, dans l’ombre ouverts,

«Les lectrices ont peur au fond de leurs alcôves.

«Le Pinde entend rugir leurs rimes bêtes fauves,

«Et frémit. Par leur faute, aujourd’hui tout est mort;

«L’alexandrin saisit la césure, et la mord;