Выбрать главу

Après avoir, comme fait un flambeau,

Ébloui tout de leurs rayons sans nombre,

Ils sont allés chercher dans le tombeau

Un peu d’ombre.

Le ciel, qui sait nos maux et nos douleurs,

Prend en pitié nos jours vains et sonores.

Chaque matin, il baigne de ses pleurs

Nos aurores.

Dieu nous éclaire, à chacun de nos pas,

Sur ce qu’il est et sur ce que nous sommes;

Une loi sort des choses d’ici-bas,

Et des hommes!

Cette loi sainte, il faut s’y conformer.

Et la voici, toute âme y peut atteindre:

Ne rien haïr, mon enfant; tout aimer,

Ou tout plaindre!

Paris, octobre 1842.

II .

Le poëte s’en va dans les champs; il admire,

Il adore; il écoute en lui-même une lyre;

Et, le voyant venir, les fleurs, toutes les fleurs,

Celles qui des rubis font pâlir les couleurs,

Celles qui des paons même éclipseraient les queues,

Les petites fleurs d’or, les petites fleurs bleues,

Prennent, pour l’accueillir agitant leurs bouquets,

De petits airs penchés ou de grands airs coquets,

Et, familièrement, car cela sied aux belles:

«Tiens! c’est notre amoureux qui passe!» disent-elles.

Et, pleins de jour et d’ombre et de confuses voix,

Les grands arbres profonds qui vivent dans les bois,

Tous ces vieillards, les ifs, les tilleuls, les érables,

Les saules tout ridés, les chênes vénérables,

L’orme au branchage noir, de mousse appesanti,

Comme les ulémas quand paraît le muphti,

Lui font de grands saluts et courbent jusqu’à terre

Leurs têtes de feuillée et leurs barbes de lierre,

Contemplent de son front la sereine lueur,

Et murmurent tout bas: C’est lui! c’est le rêveur!

Les Roches, juin 1831.

III. Mes deux filles

Dans le frais clair-obscur du soir charmant qui tombe,

L’une pareille au cygne et l’autre à la colombe,

Belles, et toutes deux joyeuses, ô douceur!

Voyez, la grande sœur et la petite sœur

Sont assises au seuil du jardin, et sur elles

Un bouquet d’œillets blancs aux longues tiges frêles,

Dans une urne de marbre agité par le vent,

Se penche, et les regarde, immobile et vivant,

Et frissonne dans l’ombre, et semble, au bord du vase,

Un vol de papillons arrêté dans l’extase.

La Terrasse, près Enghien, juin 1842.

IV .

Le firmament est plein de la vaste clarté;

Tout est joie, innocence, espoir, bonheur, bonté.

Le beau lac brille au fond du vallon qui le mure;

Le champ sera fécond, la vigne sera mûre;

Tout regorge de sève et de vie et de bruit,

De rameaux verts, d’azur frissonnant, d’eau qui luit,

Et de petits oiseaux qui se cherchent querelle.

Qu’a donc le papillon? qu’a donc la sauterelle?

La sauterelle a l’herbe, et le papillon l’air;

Et tous deux ont avril, qui rit dans le ciel clair.

Un refrain joyeux sort de la nature entière;

Chanson qui doucement monte et devient prière.

Le poussin court, l’enfant joue et danse, l’agneau

Saute, et, laissant tomber goutte à goutte son eau,

Le vieux antre, attendri, pleure comme un visage;

Le vent lit à quelqu’un d’invisible un passage

Du poëme inouï de la création;

L’oiseau parle au parfum; la fleur parle au rayon;

Les pins sur les étangs dressent leur verte ombelle;

Les nids ont chaud, l’azur trouve la terre belle,

Onde et sphère, à la fois tous les climats flottants;

Ici l’automne, ici l’été; là le printemps.

Ô coteaux! ô sillons! souffles, soupirs, haleines!

L’hosanna des forêts, des fleuves et des plaines,

S’élève gravement vers Dieu, père du jour;

Et toutes les blancheurs sont des strophes d’amour;

Le cygne dit: Lumière! et le lys dit: Clémence!

Le ciel s’ouvre à ce chant comme une oreille immense.

Le soir vient; et le globe à son tour s’éblouit,

Devient un œil énorme et regarde la nuit;

Il savoure, éperdu, l’immensité sacrée,