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Ils sont, telle est la loi des hauts destins penchant,

Tes semblables, soleil! leur gloire est leur couchant;

Et, fier Niagara dont le flot gronde et lutte,

Tes pareils: ce qu’ils ont de plus beau, c’est leur chute.

Un de ceux qui liaient Jésus-Christ au poteau,

Et qui, sur son dos nu, jetaient un vil manteau,

Arracha de ce front tranquille une poignée

De cheveux qu’inondait la sueur résignée,

Et dit: «Je vais montrer à Caïphe cela!»

Et, crispant son poing noir, cet homme s’en alla.

La nuit était venue et la rue était sombre;

L’homme marchait; soudain, il s’arrêta dans l’ombre,

Stupéfait, pâle, et comme en proie aux visions,

Frémissant! – Il avait dans la main des rayons.

Forêt de Compiègne, juin 1837.

LIVRE DEUXIÈME. L’ÂME EN FLEUR

I. Premier Mai

Tout conjugue le verbe aimer. Voici les roses.

Je ne suis pas en train de parler d’autres choses;

Premier mai! l’amour gai, triste, brûlant, jaloux,

Fait soupirer les bois, les nids, les fleurs, les loups;

L’arbre où j’ai, l’autre automne, écrit une devise,

La redit pour son compte, et croit qu’il l’improvise;

Les vieux antres pensifs, dont rit le geai moqueur,

Clignent leurs gros sourcils et font la bouche en cœur;

L’atmosphère, embaumée et tendre, semble pleine

Des déclarations qu’au Printemps fait la plaine,

Et que l’herbe amoureuse adresse au ciel charmant.

À chaque pas du jour dans le bleu firmament,

La campagne éperdue, et toujours plus éprise,

Prodigue les senteurs, et, dans la tiède brise,

Envoie au renouveau ses baisers odorants;

Tous ses bouquets, azurs, carmins, pourpres, safrans,

Dont l’haleine s’envole en murmurant: Je t’aime!

Sur le ravin, l’étang, le pré, le sillon même,

Font des taches partout de toutes les couleurs;

Et, donnant les parfums, elle a gardé les fleurs;

Comme si ses soupirs et ses tendres missives

Au mois de mai, qui rit dans les branches lascives,

Et tous les billets doux de son amour bavard,

Avaient laissé leur trace aux pages du buvard!

Les oiseaux dans les bois, molles voix étouffées,

Chantent des triolets et des rondeaux aux fées;

Tout semble confier à l’ombre un doux secret;

Tout aime, et tout l’avoue à voix basse; on dirait

Qu’au nord, au sud brûlant, au couchant, à l’aurore,

La haie en fleur, le lierre et la source sonore,

Les monts, les champs, les lacs et les chênes mouvants,

Répètent un quatrain fait par les quatre vents.

Saint-Germain, 1er mai 18…

II .

Mes vers fuiraient, doux et frêles,

Vers votre jardin si beau,

Si mes vers avaient des ailes,

Des ailes comme l’oiseau.

Ils voleraient, étincelles,

Vers votre foyer qui rit,

Si mes vers avaient des ailes,

Des ailes comme l’esprit.

Près de vous, purs et fidèles,

Ils accourraient nuit et jour,

Si mes vers avaient des ailes,

Des ailes comme l’amour.

Paris, mars 18…

III. Le rouet d’Omphale

Il est dans l’atrium, le beau rouet d’ivoire.

La roue agile est blanche, et la quenouille est noire;

La quenouille est d’ébène incrusté de lapis.

Il est dans l’atrium sur un riche tapis.

Un ouvrier d’Égine a sculpté sur la plinthe

Europe, dont un dieu n’écoute pas la plainte.

Le taureau blanc l’emporte. Europe, sans espoir,

Crie, et baissant les yeux, s’épouvante de voir

L’Océan monstrueux qui baise ses pieds roses.

Des aiguilles, du fil, des boîtes demi-closes,

Les laines de Milet, peintes de pourpre et d’or,

Emplissent un panier près du rouet qui dort.

Cependant, odieux, effroyables, énormes,

Dans le fond du palais, vingt fantômes difformes,

Vingt monstres tout sanglants, qu’on ne voit qu’à demi,

Errent en foule autour du rouet endormi: