Est la chanson des bergers.
Le vent ride, sous l’yeuse,
Le sombre miroir des eaux. -
La chanson la plus joyeuse
Est la chanson des oiseaux.
Que nul soin ne te tourmente.
Aimons-nous! aimons toujours! -
La chanson la plus charmante
Est la chanson des amours.
Les Metz, août 18…
XIV. Billet du matin
Si les liens des cœurs ne sont pas des mensonges,
Oh! dites, vous devez avoir eu de doux songes,
Je n’ai fait que rêver de vous toute la nuit.
Et nous nous aimions tant! vous me disiez: «Tout fuit,
Tout s’éteint, tout s’en va; ta seule image reste.»
Nous devions être morts dans ce rêve céleste;
Il semblait que c’était déjà le paradis.
Oh! oui, nous étions morts, bien sûr; je vous le dis.
Nous avions tous les deux la forme de nos âmes.
Tout ce que, l’un de l’autre, ici-bas nous aimâmes
Composait notre corps de flamme et de rayons,
Et, naturellement, nous nous reconnaissions.
Il nous apparaissait des visages d’aurore
Qui nous disaient: «C’est moi!» la lumière sonore
Chantait; et nous étions des frissons et des voix.
Vous me disiez: «Écoute!» et je répondais: «Vois!»
Je disais: «Viens-nous-en dans les profondeurs sombres,
Vivons; c’est autrefois que nous étions des ombres.»
Et, mêlant nos appels et nos cris: «Viens! oh! viens!
Et moi, je me rappelle, et toi, tu te souviens.»
Éblouis, nous chantions: – C’est nous-mêmes qui sommes
Tout ce qui nous semblait, sur la terre des hommes,
Bon, juste, grand, sublime, ineffable et charmant;
Nous sommes le regard et le rayonnement;
Le sourire de l’aube et l’odeur de la rose,
C’est nous; l’astre est le nid où notre aile se pose;
Nous avons l’infini pour sphère et pour milieu,
L’éternité pour âge; et, notre amour, c’est Dieu.
Paris, juin 18…
XV. Paroles dans l’ombre
Elle disait: C’est vrai, j’ai tort de vouloir mieux;
Les heures sont ainsi très doucement passées;
Vous êtes là; mes yeux ne quittent pas vos yeux,
Où je regarde aller et venir vos pensées.
Vous voir est un bonheur; je ne l’ai pas complet.
Sans doute, c’est encor bien charmant de la sorte!
Je veille, car je sais tout ce qui vous déplaît,
À ce que nul fâcheux ne vienne ouvrir la porte;
Je me fais bien petite, en mon coin, près de vous;
Vous êtes mon lion, je suis votre colombe;
J’entends de vos papiers le bruit paisible et doux;
Je ramasse parfois votre plume qui tombe;
Sans doute, je vous ai; sans doute, je vous voi.
La pensée est un vin dont les rêveurs sont ivres,
Je le sais; mais, pourtant, je veux qu’on songe à moi.
Quand vous êtes ainsi tout un soir dans vos livres,
Sans relever la tête et sans me dire un mot,
Une ombre reste au fond de mon cœur qui vous aime;
Et, pour que je vous voie entièrement, il faut
Me regarder un peu, de temps en temps, vous-même.
Paris, octobre 18…
XVI .
L’hirondelle au printemps cherche les vieilles tours,
Débris où n’est plus l’homme, où la vie est toujours;
La fauvette en avril cherche, ô ma bien-aimée,
La forêt sombre et fraîche et l’épaisse ramée,
La mousse, et, dans les nœuds des branches, les doux toits
Qu’en se superposant font les feuilles des bois.
Ainsi fait l’oiseau. Nous, nous cherchons, dans la ville,
Le coin désert, l’abri solitaire et tranquille,
Le seuil qui n’a pas d’yeux obliques et méchants,
La rue où les volets sont fermés; dans les champs,
Nous cherchons le sentier du pâtre et du poëte;
Dans les bois, la clairière inconnue et muette
Où le silence éteint les bruits lointains et sourds.
L’oiseau cache son nid, nous cachons nos amours.
Fontainebleau, juin 18…
XVII. Sous les arbres
Ils marchaient à côté l’un de l’autre; des danses
Troublaient le bois joyeux; ils marchaient, s’arrêtaient,