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Parlaient, s’interrompaient, et, pendant les silences,

Leurs bouches se taisant, leurs âmes chuchotaient.

Ils songeaient; ces deux cœurs, que le mystère écoute,

Sur la création au sourire innocent

Penchés, et s’y versant dans l’ombre goutte à goutte,

Disaient à chaque fleur quelque chose en passant.

Elle sait tous les noms des fleurs qu’en sa corbeille

Mai nous rapporte avec la joie et les beaux jours;

Elle les lui nommait comme eût fait une abeille,

Puis elle reprenait: «Parlons de nos amours.

Je suis en haut, je suis en bas», lui disait-elle,

«Et je veille sur vous, d’en bas comme d’en haut.»

Il demandait comment chaque plante s’appelle,

Se faisant expliquer le printemps mot à mot.

Ô champs! il savourait ces fleurs et cette femme.

Ô bois! ô prés! nature où tout s’absorbe en un,

Le parfum de la fleur est votre petite âme,

Et l’âme de la femme est votre grand parfum!

La nuit tombait; au tronc d’un chêne, noir pilastre,

Il s’adossait pensif; elle disait: «Voyez

Ma prière toujours dans vos cieux comme un astre,

Et mon amour toujours comme un chien à tes pieds.»

Juin 18…

XVIII .

Je sais bien qu’il est d’usage

D’aller en tous lieux criant

Que l’homme est d’autant plus sage

Qu’il rêve plus de néant;

D’applaudir la grandeur noire,

Les héros, le fer qui luit,

Et la guerre, cette gloire

Qu’on fait avec de la nuit;

D’admirer les coups d’épée,

Et la fortune, ce char

Dont une roue est Pompée,

Dont l’autre roue est César;

Et Pharsale et Trasimène,

Et tout ce que les Nérons

Font voler de cendre humaine

Dans le souffle des clairons!

Je sais que c’est la coutume

D’adorer ces nains géants

Qui, parce qu’ils sont écume,

Se supposent océans;

Et de croire à la poussière,

À la fanfare qui fuit,

Aux pyramides de pierre,

Aux avalanches de bruit.

Moi, je préfère, ô fontaines!

Moi, je préfère, ô ruisseaux!

Au Dieu des grands capitaines,

Le Dieu des petits oiseaux!

Ô mon doux ange, en ces ombres

Où, nous aimant, nous brillons,

Au Dieu des ouragans sombres

Qui poussent les bataillons,

Au Dieu des vastes armées,

Des canons au lourd essieu,

Des flammes et des fumées,

Je préfère le bon Dieu!

Le bon Dieu, qui veut qu’on aime,

Qui met au cœur de l’amant

Le premier vers du poëme,

Le dernier au firmament!

Qui songe à l’aile qui pousse,

Aux œufs blancs, au nid troublé,

Si la caille a de la mousse,

Et si la grive a du blé;

Et qui fait, pour les Orphées,

Tenir, immense et subtil,

Tout le doux monde des fées

Dans le vert bourgeon d’avril!

Si bien, que cela s’envole

Et se disperse au printemps,

Et qu’une vague auréole

Sort de tous les nids chantants!

Vois-tu, quoique notre gloire

Brille en ce que nous créons,

Et dans notre grande histoire

Pleine de grands panthéons;

Quoique nous ayons des glaives,

Des temples, Chéops, Babel,

Des tours, des palais, des rêves,

Et des tombeaux jusqu’au ciel;

Il resterait peu de choses

À l’homme, qui vit un jour,

Si Dieu nous ôtait les roses,

Si Dieu nous ôtait l’amour!

Chelles, septembre 18…

XIX. N’envions rien

Ô femme, pensée aimante

Et cœur souffrant,

Vous trouvez la fleur charmante

Et l’oiseau grand;

Vous enviez la pelouse

Aux fleurs de miel;

Vous voulez que je jalouse