Ont, quand tu pleures, ses larmes,
Et ses perles quand tu ris.
La nature, sœur jumelle
Ève et d’Adam et du jour,
Nous aime, nous berce et mêle
Son mystère à notre amour.
Il suffit que tu paraisses
Pour que le ciel, t’adorant,
Te contemple; et, nos caresses,
Toute l’ombre nous les rend!
Clartés et parfums nous-mêmes,
Nous baignons nos cœurs heureux
Dans les effluves suprêmes
Des éléments amoureux.
Et, sans qu’un souci t’oppresse,
Sans que ce soit mon tourment,
J’ai l’étoile pour maîtresse;
Le soleil est ton amant;
Et nous donnons notre fièvre
Aux fleurs où nous appuyons
Nos bouches, et notre lèvre
Sent le baiser des rayons.
Juin 18…
XXIV .
Que le sort, quel qu’il soit, vous trouve toujours grande!
Que demain soit doux comme hier!
Qu’en vous, ô ma beauté, jamais ne se répande
Le découragement amer,
Ni le fiel, ni l’ennui des cœurs qui se dénouent,
Ni cette cendre, hélas! que sur un front pâli,
Dans l’ombre, à petit bruit secouent
Les froides ailes de l’oubli!
Laissez, laissez brûler pour vous, ô vous que j’aime!
Mes chants dans mon âme allumés!
Vivez pour la nature, et le ciel, et moi-même!
Après avoir souffert, aimez!
Laissez entrer en vous, après nos deuils funèbres,
L’aube, fille des nuits, l’amour, fils des douleurs,
Tout ce qui luit dans les ténèbres,
Tout ce qui sourit dans les pleurs!
Octobre 18…
XXV .
Je respire où tu palpites,
Tu sais; à quoi bon, hélas!
Rester là si tu me quittes,
Et vivre si tu t’en vas?
À quoi bon vivre, étant l’ombre
De cet ange qui s’enfuit?
À quoi bon, sous le ciel sombre,
N’être plus que de la nuit?
Je suis la fleur des murailles,
Dont avril est le seul bien.
Il suffit que tu t’en ailles
Pour qu’il ne reste plus rien.
Tu m’entoures d’auréoles;
Te voir est mon seul souci.
Il suffit que tu t’envoles
Pour que je m’envole aussi.
Si tu pars, mon front se penche;
Mon âme au ciel, son berceau,
Fuira, car dans ta main blanche
Tu tiens ce sauvage oiseau.
Que veux-tu que je devienne,
Si je n’entends plus ton pas?
Est-ce ta vie ou la mienne
Qui s’en va? Je ne sais pas.
Quand mon courage succombe,
J’en reprends dans ton cœur pur;
Je suis comme la colombe
Qui vient boire au lac d’azur.
L’amour fait comprendre à l’âme
L’univers, sombre et béni;
Et cette petite flamme
Seule éclaire l’infini.
Sans toi, toute la nature
N’est plus qu’un cachot fermé,
Où je vais à l’aventure,
Pâle et n’étant plus aimé.
Sans toi, tout s’effeuille et tombe;
L’ombre emplit mon noir sourcil;
Une fête est une tombe,
La patrie est un exil.
Je t’implore et te réclame;
Ne fuis pas loin de mes maux,
Ô fauvette de mon âme
Qui chantes dans mes rameaux!
De quoi puis-je avoir envie,
De quoi puis-je avoir effroi,
Que ferai-je de la vie,
Si tu n’es plus près de moi?
Tu portes dans la lumière,
Tu portes dans les buissons,
Sur une aile ma prière,
Et sur l’autre mes chansons.
Que dirai-je aux champs que voile
L’inconsolable douleur?
Que ferai-je de l’étoile?
Que ferai-je de la fleur?
Que dirai-je au bois morose
Qu’illuminait ta douceur?
Que répondrai-je à la rose