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Des forêts abritant des loups sous leurs rameaux;

Là le désert torride, ici les froids polaires;

Des océans émus de subites colères,

Pleins de mâts frissonnants qui sombrent dans la nuit;

Des continents couverts de fumée et de bruit,

Où, deux torches aux mains, rugit la guerre infâme,

Où toujours quelque part fume une ville en flamme,

Où se heurtent sanglants les peuples furieux; -

Et que tout cela fasse un astre dans les cieux!

Octobre 1840.

XII. Explication

La terre est au soleil ce que l’homme est à l’ange.

L’un est fait de splendeur; l’autre est pétri de fange.

Toute étoile est soleil; tout astre est paradis.

Autour des globes purs sont les mondes maudits;

Et dans l’ombre, où l’esprit voit mieux que la lunette,

Le soleil paradis traîne l’enfer planète.

L’ange habitant de l’astre est faillible; et, séduit,

Il peut devenir l’homme habitant de la nuit.

Voilà ce que le vent m’a dit sur la montagne.

Tout globe obscur gémit; toute terre est un bagne

Où la vie en pleurant, jusqu’au jour du réveil,

Vient écrouer l’esprit qui tombe du soleil.

Plus le globe est lointain, plus le bagne est terrible.

La mort est là, vannant les âmes dans un crible,

Qui juge, et, de la vie invisible témoin,

Rapporte l’ange à l’astre ou le jette plus loin.

Ô globes sans rayons et presque sans aurores!

Énorme Jupiter fouetté de météores,

Mars qui semble de loin la bouche d’un volcan,

Ô nocturne Uranus, ô Saturne au carcan!

Châtiments inconnus! rédemptions! mystères!

Deuils! ô lunes encor plus mortes que les terres!

Ils souffrent; ils sont noirs; et qui sait ce qu’ils font?

L’ombre entend par moments leur cri rauque et profond,

Comme on entend, le soir, la plainte des cigales.

Mondes spectres, tirant des chaînes inégales,

Ils vont, blêmes, pareils au rêve qui s’enfuit.

Rougis confusément d’un reflet dans la nuit,

Implorant un messie, espérant des apôtres,

Seuls, séparés, les uns en arrière des autres,

Tristes, échevelés par des souffles hagards,

Jetant à la clarté de farouches regards,

Ceux-ci, vagues, roulant dans les profondeurs mornes,

Ceux-là, presque engloutis dans l’infini sans bornes,

Ténébreux, frissonnants, froids, glacés, pluvieux,

Autour du paradis ils tournent envieux;

Et, du soleil, parmi les brumes et les ombres,

On voit passer au loin toutes ces faces sombres.

Novembre 1840.

XIII. La chouette

Une chouette était sur la porte clouée;

Larve de l’ombre au toit des hommes échouée.

La nature, qui mêle une âme aux rameaux verts,

Qui remplit tout, et vit, à des degrés divers,

Dans la bête sauvage et la bête de somme,

Toujours en dialogue avec l’esprit de l’homme,

Lui donne à déchiffrer les animaux, qui sont

Ses signes, alphabet formidable et profond;

Et, sombre, ayant pour mots l’oiseau, le ver, l’insecte,

Parle deux langues: l’une, admirable et correcte,

L’autre, obscur bégaiement. L’éléphant aux pieds lourds,

Le lion, ce grand front de l’antre, l’aigle, l’ours,

Le taureau, le cheval, le tigre au bond superbe,

Sont le langage altier et splendide, le verbe;

Et la chauve-souris, le crapaud, le putois,

Le crabe, le hibou, le porc, sont le patois.

Or, j’étais là, pensif, bienveillant, presque tendre,

Épelant ce squelette, et tâchant de comprendre

Ce qu’entre les trois clous où son spectre pendait,

Aux vivants, aux souffrants, au bœuf triste, au baudet,

Disait, hélas! la pauvre et sinistre chouette,

Du côté noir de l’être informe silhouette.

*

Elle disait:

– Sur son front sombre

Comme la brume se répand!

Il remplit tout le fond de l’ombre.

Comme sa tête morte pend!

De ses yeux coulent ses pensées.

Ses pieds troués, ses mains percées

Bleuissent à l’air glacial.

Oh! comme il saigne dans le gouffre!